«D'une manière générale, les partis politiques n'ont pas été à la hauteur des enjeux». Cette confidence, qui sonne comme un aveu de regret face à la conjoncture politique actuelle, est de Nabil Benabdellah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS). L'ancien ministre de la Communication était, vendredi dernier, l'invité des «Echos quotidien». En pleine préparation des prochaines élections législatives anticipées et à la veille de la session extraordinaire du Parlement sur les lois électorales, ce n'est pas l'actualité qui fait défaut. L'opportunité s'y prête, surtout après les récentes sorties médiatiques du PPS, lequel s'est fendu, mardi dernier, d'un communiqué dans lequel il mettait en garde contre les risques de dérapages qui pointent à l'horizon, conséquence de pratiques politiciennes «qui renvoient une image négative de l'action partisane et portent atteinte à sa crédibilité». Une sortie médiatique qui a sa valeur et dans laquelle «deux composantes de la majorité» ont été pointées du doigt. Une allusion à peine voilée au RNI de Salaheddine Mezouar et au MP de Mohand Laenser, qui s'activent depuis plusieurs mois à favoriser l'émergence d'un pôle libéral avec leurs alliés le PAM et l'UC. Une sortie qui donne donc le tempo de la prochaine campagne électorale, commencée avant l'heure. Pourtant, Benabdellah s'en défend : «nous n'attaquons pas le pôle libéral», souligne-t-il rejetant en bloc les accusations portées sur son parti avant de concéder d'ailleurs que «les partis sont libres et en droit de se constituer en bloc avec qui ils veulent». Pour le PPS, il ne s'agit que d'un rappel à l'ordre, «à deux composantes de la majorité gouvernementale en fin de mandat» qui, de par certaines pratiques, risquent de «semer la zizanie au niveau du champ politique national», alors même que les enjeux sont moindres et surtout «qu'un consensus a été trouvé entre les huit principaux partis politiques». Pour le SG du PPS, l'émergence de ce pôle «soi-disant libéral» sera même de nature à permettre la «clarification du champ politique national» entre deux blocs cohérents, même s'il reconnaît la difficulté de l'unification des partis de gauche à défaut de pouvoir «ressusciter la Koutla». Le PPS, qui s'est dit «politiquement et moralement solidaire» avec la coalition gouvernementale en exercice, n'en demande pas plus aux autres membres, convaincu que l'actuelle coalition gouvernementale ira à son terme. Raison pour laquelle Nabil Benabdellah estime qu'il n'y a pas d'échec des négociations entamées avec le département de l'Intérieur sur les prochaines lois électorales et qui visent, ni plus ni moins, qu'un consensus. Une position, reconnaît Benabdellah, «pénible à commenter», sûrement dépassé par la tournure des évènements avec le rejet par la société civile de la liste nationale telle que contenue dans le projet de loi sur l'élection des membres de la Chambre des représentants. Ce qui n'étonne point le secrétaire général qui reste assez sceptique sur la capacité réelle des partis politiques à matérialiser les dispositions de la nouvelle Constitution et à réhabiliter l'action politique. Pour Nabil Benabdellah, il y a un risque énorme d'un retour aux pratiques anciennes, alors que les partis politiques ont l'occasion de faire leur mea culpa et le devoir de répondre aux attentes citoyennes. Chose qu'il justifie, aisément, par le fait que les méthodes n'ont pas changé, aussi bien au niveau du mode de scrutin que de la prise de conscience politique. «Nous avions prévenu que s'il s'agissait d'adopter les mêmes mécanismes que ceux de 2007, alors rien n'allait changer», confie-t-il, tentant de dédouaner son parti de l'issue du processus. Pour le PPS, dès lors qu'il y a une volonté politique exprimée au plus haut niveau, «il y a une nécessité de rénover l'approche électorale». Ce qui pour le parti devrait se matérialiser par un nouveau mode de scrutin, un redécoupage électoral et de nouveaux mécanismes permettant de faire émerger de nouvelles élites. Pour le PPS, une liste, intégrale ou partielle, à la proportionnelle, aurait permis de répondre à plusieurs choses, la parité et les élites, même si Nabil Benabdellah reconnaît qu'il s'agit «d'une proposition difficile à défendre». Selon lui, c'est aux partis politiques qu'incombe le devoir de se donner les moyens de réussir la réforme. «Des gens sont sortis scander des slogans appelant à la démission du gouvernement et à la dissolution du Parlement», prend-il comme exemple et qui traduit le degré de la perte de confiance des citoyens à l'égard des institutions élues et des personnes qui les composent. «Avec l'adoption d'une Constitution, aussi importante que celle que vient de se doter le Maroc et qui selon Benabdellah a permis au pays de traverser la conjoncture régionale à moindre coût en comparaison à ce qui se passe dans d'autres pays, les hommes politiques n'ont plus droit à l'échec». Mais, concède-t-il, les divisions et les intérêts partisans ont présidé aux négociations devant permettre un aboutissement positif de la réforme, ce qui prouve, indéniablement, «que certains partis n'ont pas saisi le véritable enjeu de l'évènement», conclut-il sans toutefois donner plus de précisions. Le parti, qui s'accroche toujours à l'émergence d'un nouveau pôle réunissant toutes les composantes de la gauche, croit toujours à un réveil de la Koutla qui selon le secrétaire général est la seule force politique significative actuelle. Raison pour laquelle il a réitéré un appel désespéré à ses alliés de toujours pour «une alliance claire, un engagement fort devant les électeurs et des orientations communes». Un geste symbolique qui pourrait se traduire par des listes communes au niveau de quelques circonscriptions. Pour le PPS, il ne s'agit point de calculs aux relents simplement électoraux puisque, dans leur composition actuelle, aucun des deux pôles en gestation ne peut former une majorité gouvernementale. Le parti, qui est actuellement en train de peaufiner son programme politique, ambitionne de franchir la barre des 7% lors des prochaines consultations. Une position «modeste et raisonnable», selon Benabdellah qui soutient, preuves à l'appui, «qu'il n'existe pas de grand parti au Maroc». Sur un tout autre aspect et s'inscrivant dans la perspective des prochaines élections, le PPS, selon son secrétaire général, tout en reconnaissant la nécessité pour les partis d'être plus audacieux, annonce qu'il ne fera pas de «la surenchère», en l'absence de grand changement pour ses orientations politiques, socioéconomiques et culturelles. Pour le parti, la grande équation nationale à résoudre est de «relancer l'économie nationale en veillant à préserver les équilibres macroéconomiques, améliorer le type de gouvernance pour des politiques sociales plus équilibrées et équitables». Le PPS ambitionne également, au cas où il ferait parti du prochain gouvernement, d'améliorer «la politique des grands chantiers». De grosses promesses, assez vagues, comme c'est la coutume à chaque veille électorale. Mais pour le PPS, les règles du jeu ayant changé, il doit en être de même pour les pratiques. Et pour cela, Benabdellah semble avoir la recette miracle. «Il n'y a pas d'autre alternative que la participation et le PPS se battra dans ce sens»... Avis aux adversaires politiques ! Lire aussi : Nabil Benabdellah, sans concessions