La Banque mondiale vient de publier les résultats d'une étude sur l'impact économique des conflits en cours dans la région pour les pays de la zone MENA. Le Maroc est pour le moment relativement épargné, mais la persistance des menaces n'est pas sans conséquences indirectes sur la croissance de l'économie nationale. C'est un fait qui ne souffre d'aucun doute : la persistance des conflits dans la région MENA ainsi que l'amplification des menaces sécuritaires dans la zone comportent des facteurs de chocs exogènes pour l'économie marocaine. C'était déjà le cas en 2015 où certaines composantes du PIB, le tourisme et l'envoi des fonds, ont pâti de cette situation des plus explosives en plus d'une baisse constatée des dons en provenance des pays du Golfe. L'étude que vient de consacrer la Banque mondiale à l'impact de cette crise sur les économies des pays de la région, apporte un nouvel éclairage sur les conséquences néfastes que peut engendrer le contexte actuel sur les pays de la zone MENA. Les résultats des estimations sont sans concessions puisque selon les estimations de la Banque, la croissance économique de la région a été inférieure aux attentes en 2015. Elle s'est ainsi établie à 2,6% alors qu'en octobre les prévisions tablaient sur un taux de 2,8% en raison notamment des répercussions de la guerre, le terrorisme et dans une certaine mesure de la chute des cours du pétrole. «Les perspectives économiques à court terme de la région MENA restent teintées d'un pessimisme prudent», a relevé le rapport qui a étudié les différentes façons dont les guerres civiles mettent à mal les économies de la région. De même, les experts de la Banque mondiale ont établi les facteurs de rétablissement des perspectives économiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord dans l'hypothèse d'un retour à la paix. Dépenses militaires Le Maroc se trouve pour le moment relativement épargné des répercussions directes de cette crise régionale. Cependant, avec le spectre d'une nouvelle intervention militaire internationale en Libye, les perspectives vont s'assombrir davantage. En plus de l'impact sur le secteur touristique, les dépenses militaires des pays de la région sont autant de manque à gagner pour des secteurs qui ont le plus besoin, notamment en matière d'investissements socioéconomiques. Selon la Banque mondiale, si les tensions actuelles devaient s'exacerber, «les dépenses militaires pourraient augmenter, en particulier dans les pays directement concernés et leurs alliés» et compte tenu des niveaux actuels de dépenses publiques et de la chute des cours du pétrole, cela pourrait affaiblir davantage les économies en question. En plus, le rapport estime, dans les conditions actuelles, qu'il est probable que l'affrontement récent amplifie les risques géopolitiques, avec des répercussions sur l'investissement, le tourisme et le commerce dans une région déjà fragile. «La fin de ces conflits améliorerait les indicateurs macroéconomiques locaux et si les recettes publiques étaient non plus consacrées aux dépenses militaires mais à l'éducation et à la santé, les indicateurs sociaux progresseraient eux aussi», note le rapport qui évalue également le «dividende démocratique» pour les différents pays de la région. Selon une extrapolation du rapport : «Si les pays de la région MENA s'étaient démocratisés en 2015, la croissance de leur PIB par habitant aurait pu atteindre 7,8% en cinq ans, contre 3,3% en l'absence de transition vers la démocratie». Le coût de la guerre Selon les estimations de la Banque mondiale, les guerres qui sévissent actuellement en Iraq, en Libye, en Syrie et au Yémen touchent directement quelque 87 millions de personnes, soit environ un tiers de la population de la région MENA. Les combats qui font rage dans ces quatre pays ont des répercussions directes sur tous les aspects de la vie des populations locales mais aussi dans les pays voisins. Ainsi, la Turquie, le Liban, la Jordanie et l'Egypte, déjà économiquement très affectés, sont aux prises avec d'énormes difficultés budgétaires. La Banque mondiale estime que les plus de 630 000 réfugiés syriens qui affluent en Jordanie coûtent à ce pays plus de 2,5 milliards de dollars par an, soit 6 % de son PIB et un quart de ses recettes fiscales annuelles. Il y a cinq ans, estime le rapport, «tout le monde espérait que les nouveaux gouvernements en place dans la région allaient œuvrer au profit d'une croissance plus équitable et inclusive, en dynamisant la création d'emplois pour les très nombreux jeunes au chômage». C'est plutôt l'inverse qui s'est produit selon le constat actuel d'après les estimations, à l'échelle de la région, le manque à produire c'est-à-dire la croissance non réalisée et qui est imputable à la crise syrienne se chiffre à 35 milliards de dollars, mesurés en prix de 2007, soit l'équivalent du PIB de la Syrie en 2007.