L'économie marocaine va encore pâtir, et pour un temps, des répercussions négatives de la crise économique qui persiste en Europe. Alors qu'on attendait un début de reprise pour l'année 2013 dans le sillage des signes de stabilisation des derniers trimestres, les indicateurs économiques pour les six prochains mois de l'année, publiés récemment par l'OCDE sont venus encore assombrir davantage les perspectives. La situation est particulièrement inquiétante sur les deux principaux marchés partenaires du Maroc, la France et l'Espagne. Ces deux pays concentrent, à eux seuls, plus de 50% des échanges commerciaux avec le royaume, ce qui amplifie les incertitudes pour l'économie nationale. En 2012, l'impact de cette crise conjuguée à une mauvaise campagne agricole a notablement affecté la croissance du PIB qui est passée, pour la première fois depuis des années, sous la barre des 3%. C'est d'ailleurs ce que vient de confirmer le HCP à travers la publication, la semaine dernière, des comptes nationaux pour l'année 2012. L'exercice précédent a fortement pâti de la contraction de la demande européenne puisque la contribution des échanges a été presque nulle. De ce fait, la persistance de la récession en Europe, cette année et peut-être l'année prochaine, est de mauvais augure pour l'économie marocaine, qui traverse déjà une mauvaise passe en raison aussi de la situation au niveau interne, notamment le recul des recettes fiscales. Mesures anticipatives «Il est clair que nous sommes affectés par la crise et notamment par la récession en France et en Espagne, puisque 50% de nos échanges extérieurs avec l'UE se font avec ces pays», a récemment déclaré aux ECO, le ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka, pour qui toutefois, l'économie nationale se porte mieux que prévue. «Aujourd'hui, l'économie marocaine se comporte mieux que prévue dans la mesure, notamment où nous avons une excellente année agricole et où nous pourrions dépasser les 4,5% de croissance que nous nous sommes fixés lors de la loi de finances», a fait valoir Nizar Baraka, dans une autre sortie médiatique en marge des assemblées générales de la BAD, qui viennent de se tenir à Marrakech. Le gouvernement s'attend de ce fait à une croissance entre 4,7 et 5,1% en raison des prévisions d'une excellente campagne agricole et de l'accalmie sur les prix des matières premières, notamment du baril de pétrole. Des espoirs qui n'écartent toutefois pas les incertitudes liées à la persistance de la crise en Europe. C'est ce qu'a d'ailleurs prévenu le FMI au mois de mai dernier. «Les pays comme le Maroc, la Tunisie ou la Jordanie vont fortement pâtir de la persistance de la conjoncture économique européenne, qui aura des retombées sur les exportations, les transferts de devises et le tourisme», ont noté les experts du FMI à l'occasion de la mise à jour des perspectives économiques régionales pour la zone Mena. Alors qu'on entame le deuxième semestre de l'année, l'actualisation des prévisions macroéconomiques pour les pays européens, par le FMI ou l'OCDE, sont venus confirmer la poursuite de la détérioration économique. Il y a bien sûr des aspects positifs, notamment la reprise de l'économie américaine, qui a profité au Maroc lors de l'emprunt international de 750 millions réalisé fin mai, mais également la vigueur de la reprise au Japon. Cependant, note par exemple l'OCDE, même si ses performances restent décevantes, l'économie mondiale progresse à des rythmes toutefois divers. «L'économie mondiale se renforce peu à peu, mais la reprise demeure fragile et inégale», a déclaré à ce sujet, le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría. Il va sans dire que le Maroc devrait s'attendre à la poursuite des répercussions et en attendant que les politiques de diversification des marchés-clients prennent véritablement forme ou qu'une éventuelle reprise européenne se confirme d'ici la fin de l'année, voire en 2014, le gouvernement doit se préparer à faire face à cette situation en accompagnant, à travers des mesures adaptées, les entreprises marocaines tournées vers l'export, notamment en direction des pays européens. En ce sens, la décision de réactivité du comité de veille stratégique constituera un puissant instrument permettant d'offrir plus de visibilité aux opérateurs, notamment à travers des mesures anticipatives en cas de besoin, ou d'urgence en cas de nécessité. Optimisme prudent L'optimisme du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, sur les probabilités d'une éventuelle reprise européenne vient d'être confirmés par le FMI, notamment pour la France. C'est ce qui ressort des conclusions de la mission de consultation du FMI en France qui ont été publiés hier. «Dans un contexte d'incertitude persistante et de faiblesse des indicateurs économiques, nous prévoyons que la reprise économique ne se matérialisera qu'au second semestre 2013», a noté l'institution de Brettons Woods, qui prévoit une contraction du PIB réel de 0,2 point en 2013 et une croissance de 0,8 point en 2014. Après deux trimestres de croissance négative (2012 T4 et 2013 T1), l'activité économique devrait commencer à se redresser au second semestre de 2013, grâce à une amélioration progressive de l'environnement extérieur, souligne le document. Des perspectives reluisantes se profilent à l'horizon, même si le FMI a souligné qu'en dépit de cette prévision de reprise, la demande intérieure privée devrait se contracter en 2013 par rapport à 2012. Il s'agit d'un mauvais signal pour le Maroc, puisque la contraction des dépenses des ménages va rejaillir sur la consommation, donc sur les exportations, notamment pour certains secteurs comme celui de l'industrie automobile, en plus des retombées sur les transferts de devises et le tourisme. La persistance de la crise en Europe va continuer à affecter notre économie. La récession n'épargne pas la France et l'Espagne, qui concentrent plus de la moitié de nos échanges extérieurs avec l'Europe. Nizar Baraka, ministre de l'Economie et des finances. L'environnement économique extérieur difficile continue d'exercer des pressions sur les réserves internationales de nombre de pays importateurs de pétrole de la région MENA. La croissance mondiale atone et la récession dans la zone euro empêchent une reprise plus rapide des exportations et du tourisme. Masood Ahmed, directeur du département du Moyen-Orient du FMI. La situation dans la zone euro reste difficile, mais quelques signaux d'une possible stabilisation sont apparus. Notre scénario de base continue d'être celui d'une amélioration très graduelle commençant pendant la dernière partie de l'année. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE).