Le ministre de l'Economie et des finances, Mohamed Boussaïd, devra placer la barre très haut pour hisser le taux de croissance du PIB marocain au niveau que vise le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane. À cette fin, les mesures de relance que son département est en train de finaliser, préalable à une véritable réforme économique, sont très attendues et seront particulièrement détaillées par les acteurs économiques et les principaux partenaires financiers du Maroc, dans le sens de se donner une idée de la dynamique que prendra l'économie marocaine sur les trois prochaines années. En ce début d'année, les perspectives de croissance ne plaident pas, en tout cas, en faveur des objectifs fixés par le gouvernement pour les trois prochaines années, qui nous séparent de la fin de l'actuel mandat de Benkirane. La moyenne de 5,5% visée sur cette période est loin des projections que publient régulièrement les principales institutions financières internationales. C'est ce qui ressort des dernières publications en la matière, notamment celle de la Banque mondiale. Selon les prévisions de l'institution qui vient de rendre publique ses Perspectives économiques mondiales (PEM) pour 2014, le taux de croissance du PIB marocain sera aux alentours de 3,6%, après 4,5% en 2013. Ces prévisions sont certes en deçà des objectifs fixés dans la loi de Finances par le gouvernement, qui sont de 4,2%, mais sont nettement plus optimistes que ceux du HCP et du CMC. Pour les trois prochaines années, les projections de la Banque mondiale font ressortir des estimations du rythme de croissance de l'ordre de 4,4% pour 2015 et 4,7% pour 2016. De ce fait, la croissance marocaine va maintenir une relative dynamique de croissance, qui sera cependant loin de celle attendue notamment pour une réponse efficace et efficiente aux défis socioéconomiques auxquels fait face le royaume. Selon les experts, l'économie marocaine aurait besoin pour ce faire d'une moyenne de 6 à 7% pour cette période, à la suite de la bonne dynamique enregistrée jusqu'en 2011. Incertitudes régionales En dépit de ces perspectives qui s'avèrent peu reluisantes au regard des attentes au niveau interne, le rythme de croissance de l'économie marocaine fait pourtant figure de l'un des plus dynamiques de la région MENA. «La croissance des pays en développement de la région devrait rester faible pendant la période considérée», peut-on lire dans les PEM, puisque selon le scénario de base, il n'est pas prévu d'amélioration notable de l'instabilité politique qui secoue la région. De ce fait, la croissance globale de la zone, qui a reculé de 0,1 % en 2013, devrait s'établir à 2,8 % en 2014, et passer à 3,3, puis 3,6 % en 2015 et 2016, respectivement, des chiffres bien inférieurs au potentiel de la région. Concernant les pays en développement importateurs de pétrole de la région, le contexte sera marqué par une consommation soutenue par d'importantes dépenses publiques destinées aux salaires et aux subventions, «alors que les investissements publics risquent, eux, d'être limités par l'importance des déficits budgétaires pendant la période considérée». Du coté des pays exportateurs de la région, les prix pétroliers restant relativement élevés, «la croissance de ces pays «se renforcera à mesure que les problèmes liés aux infrastructures seront résolus et que la situation sécuritaire commencera à s'améliorer». Pour la Banque mondiale, trois ans après le printemps arabe, la région continue à faire face à des situations complexes qui font tourner l'économie de la région au ralenti. La région MENA devrait aussi faire face à l'amplification des risques importants de dégradation de la situation, qui pèsent sur les perspectives de cette zone et qui sont pour l'essentiel propres à la région, selon la Banque mondiale. Entre autres, une nouvelle escalade de la violence en Syrie, avec des retombées sur d'autres pays, peut déstabiliser la région. «Les ratés des transitions politiques et une nouvelle escalade de la violence fragiliseraient davantage la confiance et retarderaient les réformes structurelles ou réduiraient la production pétrolière». Selon la même source, les risques extérieurs sont plus nuancés. La croissance en Europe, qui intéresse particulièrement le Maroc, «pourrait remettre en cause la reprise, déjà modeste, qui y est prévue, mais elle pourrait aussi l'amplifier». C'est d'ailleurs l'une des bonnes nouvelles que confirment les dernières publications des institutions internationales, celle des signes de reprises de l'économie mondiale cette année, en dépit de la persistance des risques. Eclaircie de l'économie mondiale D'après les perspectives actualisées de l'économie mondiale du FMI, «l'élan mondial s'est accentué au second semestre de 2013 et de nouvelles avancées s'annoncent en 2014». Pour Christine Lagarde, directrice générale du fonds, «pour 2014, la grande priorité des dirigeants doit être de consolider la reprise mondiale, encore fragile». En ligne de mire, le monde pourrait créer beaucoup plus d'emplois sans avoir à se soucier de l'inflation. «Globalement, nous allons dans la bonne direction, mais la croissance mondiale est encore trop faible, trop fragile et trop inégale. Elle ne suffit pas à créer des emplois pour ceux qui en ont besoin et qui sont plus de 200 millions dans le monde» a déclaré l'ancienne ministre de l'Economie et des finances, qui présentait les prévisions de son institution, il y a quelques jours, au National Press Club à Washington. Cette éclaircie est une bonne nouvelle pour le Maroc, même s'il est trop tôt pour s'attendre à un quelconque impact. C'est pourtant ce qui va certainement permettre à la croissance marocaine de gagner quelques maigres points dans la perspective de sa confirmation. Pour le gouvernement, ces perspectives illustrent tout simplement qu'il y a de la marge pour gagner des points de croissance, ce qui devrait le conforter dans sa quête de relance et de réformes économiques.