Les Echos quotidien: Le Conseil de gouvernement vient d'adopter le projet de loi relative à l'autorité de marché des capitaux. Que représente pour vous ce nouveau cap franchi ? Hassan Boulaknadel: Le franchissement de ce cap était nécessaire et sera déterminant pour le futur de la régulation du marché des capitaux marocain. Il marque, par ailleurs, l'amorçage d'une réforme à grande échelle qui reprofilera l'ensemble des industries liées au marché de capitaux pour une réelle mise à niveau de la place casablancaise et le renforcement de sa crédibilité et de son effet d'attraction sur les scènes locale, régionale et internationale. C'est ce qui explique la priorité accordée par Monsieur le ministre à ce projet. Ce dernier n'est pas porteur de simples amendements ou ajustements techniques, mais d'une vision stratégique intégrée et bien mûrie qui offrira un nouveau modèle de régulation réellement au niveau des standards internationaux. Dans quelle mesure la mutation du régulateur en autorité pourra-t-elle contribuer à hisser le marché national aux standards internationaux ? Le projet sur l'autorité de marché ne concerne pas uniquement une mutation de l'institution, mais également et surtout ses outils de régulation. La conjugaison des deux offres constitue réellement le levier d'une efficacité et d'une efficience, déterminant pour l'image d'un marché aux yeux des intervenants et des investisseurs. Ainsi, le renforcement de l'indépendance du régulateur, aussi bien vis-à-vis des pouvoirs politiques que des intervenants de marché, d'une part, ainsi que le reprofilage de son pouvoir disciplinaire et le renforcement des garanties légales offertes aux personnes sujettes aux procédures disciplinaires, d'autre part, sont de nature à assurer un bond qualitatif certain au volet dissuasif de la régulation. Quels sont, selon vous, les aspects prioritaires qu'apportera cette nouvelle loi ? Le premier, bien évidemment, est la consécration de l'indépendance de l'autorité de marché qui ne sera plus un établissement public soumis à la tutelle du gouvernement, mais une autorité publique indépendante, telle que prévue par la nouvelle Constitution. Ce faisant, le Conseil d'administration ne sera plus présidé par le chef du gouvernement ou le ministre des Finances, mais par une personne désignée dans les formes prévues par la Constitution. Le projet renforce, également, l'indépendance de l'autorité vis-à-vis des personnes soumises à son contrôle, par l'édiction d'un certain nombre d'incompatibilités. En 2e lieu, toutes les circulaires de l'autorité de marché devront être, après l'adoption de la loi, publiées au Bulletin officiel, après homologation par l'administration. Ceci renforcera le caractère réglementaire des circulaires, comme il permettra une meilleure visibilité et sécurité de la réglementation boursière aux yeux des intervenants et des investisseurs. D'ailleurs, c'est dans le même sens que le CDVM a élaboré la circulaire (codifiée), qui a été très favorablement reçue par l'ensemble de la communauté financière marocaine et qui sera incessamment soumise à l'approbation du Conseil d'administration. Et pour ce qui est de la transparence du marché? Ce même projet de loi prévoit en effet l'obligation de disposer de l'habilitation pour l'exercice de certaines fonctions clés au sein des intervenants. Il s'agit de l'analyste financier, du contrôleur interne, du gestionnaire de portefeuilles et de négociateur d'instruments financiers. Ceci est de nature à pousser vers une meilleure professionnalisation et sécurité des pratiques sur le marché. C'est également un levier non négligeable pour une meilleure protection de l'épargne. Par ailleurs, le 4e axe prioritaire du projet de loi opère une refonte du régime disciplinaire, par l'allègement du dispositif pénal qui n'offre pas la réactivité requise par le marché de capitaux et le renforcement et l'élargissement du pouvoir disciplinaire du régulateur. Bien évidemment, cette refonte respecte la règle fondamentale qui fait du trouble à l'ordre public l'élément déterminant de la définition de la ligne de démarcation entre le fait pénal et ce qui ne l'est pas. En parallèle, le projet renforce les garanties d'une procédure équitable dont bénéficieront les intervenants faisant l'objet de procédures disciplinaires, ainsi que la place du collège de sanctions au sein de l'institution et l'indépendance de ses membres vis-à-vis de cette dernière et des professionnels de marché. D'autre part, le projet de loi charge l'autorité de marché de la promotion de l'éducation financière des épargnants. Cette charge, d'une importance primordiale pour la familiarisation du public avec le marché financier et les produits qui y sont offerts, est déjà traduite au sein de l'organigramme du l'institution, par la création d'un service qui y est dédié. Enfin, le projet apporte une distribution plus claire des attributions et des rôles respectifs du conseil d'administration et du président. Ceci donnera une meilleure fluidité, une meilleure réactivité et, partant, une grande efficacité dans l'opérationnel au quotidien du régulateur. Aujourd'hui, on parle d'une dissociation entre la loi régissant l'autorité de marché et celle relative à l'appel public à l'épargne. Quel intérêt a-t-on à adopter pareille séparation ? Effectivement, la réforme adoptée par le Conseil de gouvernement a eu pour conséquence d'opérer une séparation physique entre le texte régissant l'autorité de marché et celui régissant les opérations d'appel public à l'épargne. Mais, il faut noter que cette séparation n'est pas simplement physique. Elle s'inscrit dans un projet de grande envergure amorcé par le ministère des Finances, tendant à la codification de la législation et de la réglementation régissant le marché financier dans son ensemble. Ce qui facilitera, une fois mis en place, des actions intégrées de politique publique sur le marché financier et limiter les interventions fragmentaires rarement efficaces sur des problématiques macroéconomiques. Par ailleurs, cette séparation était l'occasion d'introduire une grande souplesse dans la philosophie d'encadrement régalien, en maintenant dans la loi les volets relatifs aux droits et libertés fondamentaux, ainsi qu'aux garanties y afférentes, tout en transférant vers un texte réglementaire les aspects techniques dont l'évolution incessante requiert une réactivité optimale du régulateur et du gouvernement pour entreprendre les ajustements nécessaires sur des détails très utiles pour une bonne application des règles et des principes édictés par la loi.