Ils sont avant tout passionnés de voitures, mais non moins talentueux dans leur discipline : le design. Points communs entre ces quatre stylistes, leur génie créatif et leurs coups de crayon, si magiques qu'ils ont révolutionné l'image, catalysé les ventes et changé le destin de leur marque automobile respective. Minis portraits croisés... Peter Schreyer Le designer devenu président À l'âge où beaucoup prennent leur retraite, Peter Schreyer, lui, entame une nouvelle étape dans sa carrière. Et pour cause, celui qui a révolutionné le look des automobiles Kia et qui chapeautera désormais aussi le design de Hyundai, vient d'être promu président de Kia Motors Corporation. Une première dans l'histoire de la marque ! Avant d'intégrer ce groupe en 2006, Schreyer avait plus que fait ses preuves au sein du groupe Volkswagen, pour lequel il a commencé à travailler du temps où il était étudiant. En effet, alors qu'il effectuait son stage chez Audi, en 1979, Schreyer a décroché une bourse au fameux Royal College of Art (Londres). Dès l'année suivante, il a rejoint officiellement l'équipe de designers de la firme aux anneaux pour laquelle il va ensuite dessiner une série de modèles à succès (A3, A4, A6). Mais c'est bien par l'Audi TT et la VW New Beetle qu'il se fera connaître le plus de l'extérieur. Plusieurs fois récompensé pour son travail, cet Allemand qui fête cette année ses 60 ans et qui ne jure que par un dress-code noir et des lunettes signées Philippe Starck, est l'un des rares, pour ne pas dire l'unique ex-cadre, que l'on regrette au plus haut point au sein du groupe VW. En effet, dans une interview, l'ex-grand patron du groupe VW, Ferdinand Piëch, avait avoué «regretter» le départ de Peter Schreyer. «Nous n'aurions jamais dû le laisser partir», avait-il dit en substance. Aujourd'hui, président de Kia et patron du style pour les deux marques du groupe Hyundai, Schreyer aura tout le loisir pour concrétiser les projets à même de faire évoluer celui-ci dans le Top-5 mondial. Ian Callum Jaguariste depuis l'adolescence Certaines reconnaissances arrivent tardivement. Il en a été ainsi pour Ian Callum, l'actuel patron du design Jaguar. Natif d'une petite ville en Ecosse (Dumfries), ce britannique est très tôt épris par la beauté des Jaguar. Très tôt, car à 14 ans, ce passionné d'automobile et de dessin prend son courage à une main avec laquelle il crayonne des croquis et les envoie à la marque au félin. Bill Heynes, le vice-président de l'époque, lui répond dans un courrier encore conservé à ce jour. Le n°2 de Jaguar reconnaît son «flair» et lui recommande d'étudier le design industriel là où il s'enseigne. De l'Ecole de Design de Transport de Coventry (Lanchester Polytechnic) au Royal College of Art, en passant le Collège d'Art d'Aberdeen et l'Ecole d'Art de Glasgow, Ian enchaîne alors les formations. Diplômes en poche, il débute alors sa carrière chez Ford en 1979 et contribue au design des Fiesta et Mondeo de l'époque. Après 11 ans chez l'Ovale bleue, il dessine pour le compte de l'écurie TWR, puis pour Aston Martin où il contribue à la création des Vanquish et DB7. En 1999, Callum succède à Geoff Lawson à la tête du design Jaguar. Commence alors tout un processus de renouveau stylistique avec la gamme qu'on connaît aujourd'hui (XK et XF), dont les nouvelles XJ et F-Type font, esthétiquement parlant, table rase du passé et constituent un tournant dans l'histoire de la marque au félin. Du haut de ses 60 ans, Ian Callum n'est pas prêt de quitter les planches à dessin. Prochain défi, reformuler la remplaçante de la X-Type ainsi que le premier SUV badgé Jaguar. Deux futurs modèles qui devraient définitivement booster les ventes de Jaguar. Walter De Silva L'«Emocion» par le coup de crayon Quoi qu'il dessinera, Walter Maria De Silva restera toujours identifié comme «l'homme de la 156», berline qui sauva Alfa Romeo d'une promise faillite. Ayant débuté sa carrière en 1972 au sein du Centro Stile Fiat, cet Italien n'est alors âgé que de 21 ans. Cinq ans plus tard, il rejoint un autre grand bureau de design, l'IDEA Institute (Turin) où il restera jusqu'en 1986, année où il prend la direction du style d'Alfa Romeo. À l'époque, sa mission est double : réorienter l'identité stylistique de la marque et redéfinir son «branding» vers un positionnement à la fois sportif et plus premium. Un objectif accompli, avec comme première salve l'inoubliable 156, suivie de la 147. Les ventes d'Alfa s'envolent et avec elles, sa réputation de grand designer. En 1999, alors que Citroën lui ouvre ses portes, Walter choisi l'autre proposition, en l'occurrence celle de Volkswagen, formulée par Ferdinand Piëch, qui le challenge sur le design des Seat. C'est à lui que l'on doit la tendance de l'époque marketée et baptisée «Auto Emocion», puis surtout, matérialisée par le concept Salsa qui a préfiguré la précédente Leòn. À partir de là, l'Italien aux 8.000 planches à dessin monte dans l'estime comme dans l'organigramme du groupe Volkswagen, jusqu'à diriger l'ensemble du design automobile du groupe (Audi, Volkswagen, Seat, Skoda, Bentley, Lamborghini et Bugatti). Bientôt âgé de 62 ans, le designer Lombard a appris à vivre en Allemagne, mais sans jamais renier ses gènes ni ses premiers amours. Il aurait ainsi confié à des journalistes italiens qu'une bonne partie de son cœur est restée du côté d'Alfa Romeo. Laurens van den Acker Un créateur bien dans ses baskets Il est le designer le plus médiatisé du moment ! Depuis qu'il a quitté la direction du design Mazda où il avait déjà dessiné de somptueux concept-cars, Laurens van den Acker est définitivement sorti de l'anonymat. Nommé à la tête du design Renault depuis 2009, ce Hollandais de 43 ans s'est surtout fait connaître avec la sulfureuse étude de style DeZir qui jeta les bases du nouveau design Renault. Diplômé en design industriel à l'université de technologie de Delft (Pays-Bas), Laurens n'a débuté sa carrière qu'en 1990 dans une petite boîte turinoise (Design System). Il rejoint Audi en 1993 en tant que designer extérieur, puis intègre le groupe Ford en 1998, où il s'illustre dans différents départements jusqu'en 2006, année où il prend la direction de la division design de Mazda. La suite, on la connaît avec outre la présentation d'une série de concepts (DeZir, R-Space et Captur), un léger restylage sur la Twingo, suivie par la nouvelle Clio, première Renault de l'ère «van-den-ackerienne». «Ma mission est d'apporter un nouveau souffle au design de Renault en donnant naissance à des voitures sensuelles, chaleureuses et simples...», explique-t-il. L'homme, dont tout le génie créatif a pris corps au sein de la marque au losange n'a visiblement pas fini de nous étonner. Plutôt beau-gosse, ce francophone est un inconditionnel des baskets qu'il chausse en tenue décontractée, comme en costard. Elles constituent même son signe particulier, puisque à chaque grand Salon où il dévoile un concept-car, il chausse une monture spécialement conçue pour lui par Adidas et reprenant les mêmes couleurs que le prototype exhibé.