Les perspectives à court et moyen termes du secteur sont en partie tributaires des négociations complexes sur la tarification des médicaments et de la marge des distributeurs. En 2012, le marché global du médicament aurait généré un chiffre d'affaires (CA) de 11,5 MMDH (incluant les produits hospitaliers et les appels d'offres publiques), dont 8,2 MDH sont drainés par le marché du médicament privé. La part des médicaments princeps représenterait près de 70% des ventes sur le marché privé contre 30% pour les génériques, soit 2,5 MMDH. À en croire ce chiffre, l'industrie pharmaceutique accuse une baisse de ses revenus, puisqu'en 2011 le CA sectoriel s'est situé à 13,4 MMDH. En volume, la consommation de médicament ressort à 289 millions d'unités écoulées sur la même période contre 293 millions durant l'année 2011. La consommation nationale de médicaments reste ainsi relativement faible, elle est même en repli. La dépense annuelle d'un Marocain s'élève à environ 400-450 dirhams (36-41 euros) par rapport à 61 euros en Algérie, soit une différence de 49% et de 98 euros à l'échelle mondiale (+139%). Le faible niveau de consommation par habitant s'est longtemps expliqué par la tarification des médicaments. Un rapport parlementaire publié en 2009 a montré que les prix des médicaments de marque étaient entre 30 et 189% plus élevés qu'en Tunisie et de 20 à 70% plus hauts qu'en France. Pour faire face à cette dernière caractéristique, le ministère de la Santé a annoncé en fin d'année 2012 une baisse baisse jusqu'à 50% des prix de 320 médicaments. Cette réduction concerne notamment des médicaments destinés à des maladies graves comme le cancer, des maladies cardiovasculaires et les infections ainsi que des médicaments relatifs à l'anesthésie et à la réanimation. Le gouvernement espère parvenir à une nouvelle série de réduction des prix courant 2013. Mille autres médicaments devraient être concernés. Des négociations sont en cours entre des associations du secteur, des groupes pharmaceutiques et le gouvernement, afin de trouver un compromis sur la meilleure manière d'obtenir ces baisses de prix. Les marges menacées Ces baisses des prix pourraient avoir un impact négatif significatif sur les revenus des acteurs de l'industrie pharmaceutique en 2013. Toutefois, si la baisse des prix entraîne une hausse de la consommation, les opérateurs privés des segments fabrication auront du mal à amortir leurs charges si aucune mesure efficace de compensation n'était mise en place. D'autant que le ministère de la Santé vient de proposer un projet de réforme qui à pour objectif de porter la marge des pharmaciens d'officines à 34% pour les princeps et à 33% pour les génériques contre 30% actuellement. C'est une rétrocession de 6,05% du CA industriel en leur faveur. Prenons l'exemple de Maphar, première société du secteur en termes d'activité. La société a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 1,4 MMDH. Si la réforme était intervenue en début d'année, son CA aurait diminué de 83,8 MDH. Notons que le résultat net de Maphar s'est situé à 18 MDH au terme de la même année. Avec le scénario de la réforme, la première société du secteur aurait été déficitaire en 2011. D'autres défis pourraient également se présenter aux industriels pharmaceutiques. Les réformes concernant la structure des prix pour augmenter la consommation ne seront efficaces que si d'autres changements sont réalisés, notamment au niveau du renforcement à l'export. Le secteur pharmaceutique marocain occupe, par sa taille, la deuxième place à l'échelle du continent africain, après l'Afrique du Sud. Il est constitué de 56 unités industrielles, de 50 distributeurs et de plus de 11.500 pharmacies. Par ailleurs, la production nationale ne couvre que 70% de la demande intérieure, le reliquat étant assuré par l'importation de produits principalement en provenance d'Europe. En parallèle, le pays n'exporte que près de 12,5% de sa production (1,67 MMDH en 2011), en particulier dans les pays africains voisins. Ces exportations restent en deçà des réalisations de certains pays de la zone MENA tels que la Jordanie, la Turquie et l'Egypte. Le nouveau relais à l'export Notons que 3 entreprises seulement réalisent 88% du CA à l'export. Cooper Pharma réalise, à elle seule, 47% (796 MDH) du CA Export sectoriel en 2011. Cette dernière possède à la fois une marge opérationnelle et une rentabilité nette supérieures à la moyenne du secteur. En effet, sa marge opérationnelle (13.9%) est supérieure de 4,2 points à celle du secteur (9.7%). L'écart est encore plus important quand on compare sa rentabilité nette de 9,1% avec celle du secteur (3,7%) soit un écart de 5,4 points. En revanche, Maphar, quoique première société du secteur en termes d'activité, affiche une marge opérationnelle (5,3%) et une rentabilité nette (1,3%) inférieures. Si on regarde de plus près, elle n'a pas d'endettements financiers à moyen et long termes pouvant lourdement impacter sont résultats financier, à l'image de Cooper Pharma. Cependant, son CA à l'export reste faible (3 MDH). C'est la preuve que les industriels du secteur ont tout intérêt à se diriger vers l'export. Un contrat-programme sectoriel à horizon 2023 a été signé récemment, tablant notamment sur le renforcement des écoulements des médicaments fabriqués localement à l'international (notamment sur le marché subsaharien). Plusieurs mesures ont été étudiées par les différentes instances, notamment celles visant une augmentation des activités de R&D et le renforcement de la production marocaine. Un projet de développement d'une plateforme commune de distribution pour le marché africain serait également à l'étude. Selon les analystes, plusieurs sociétés du secteur ambitionnent de profiter de ces nouvelles mesures, afin de poursuivre leur développement à l'international. À titre d'exemple, Sothema souhaite poursuivre son expansion sur le continent africain à travers sa filiale sénégalaise, élargir ses exportations vers les pays arabes (Libye et Yémen notamment) et étendre son réseau en Europe dans le domaine des injectables. La société a signé une joint-venture avec un opérateur algérien pour le lancement d'une unité de fabrication dédiée aux injectables, pour un investissement estimé à 200 MDH et serait toujours en négociation avec un partenaire saoudien pour investir dans une usine en Arabie Saoudite. Elle table ainsi sur des revenus en hausse de 12% en 2013. Dynamique enclenchée Pour sa part, Promopharm projette de poursuivre sa stratégie de développement axée sur les génériques, profitant de la notoriété de son actionnaire de référence, Hikma, à l'international pour renforcer son positionnement à l'export. Pharma 5 a également affiché la volonté de développer ses ventes en Afrique durant les prochaines années, devant représenter à horizon 2015 près de 15% de son chiffre d'affaires global, contre près de 8% à fin octobre 2012. Pour ce faire, Pharma 5 projette de se développer davantage localement, à travers la construction de sites de production industrielle. Son premier projet devrait être situé en Guinée équatoriale. Néanmoins, la société pourrait également s'implanter en Côte d'Ivoire à plus long terme. Laprophan finalise, quant à elle, les plans pour la construction d'une nouvelle unité industrielle aux normes internationales, nécessitant un investissement global de 400 MDH et devant permettre à l'opérateur de renforcer ses écoulements à l'export. Le développement de l'industrie pharmaceutique locale passera également par l'augmentation de la part des génériques dans les ventes globales de médicaments, pour atteindre un taux de plus de 50% (contre près de 30% actuellement). Ainsi, si les perspectives à court et moyen termes du secteur sont en partie tributaires des négociations complexes sur la tarification et de l'accessibilité, les fondamentaux de l'économie marocaine qui disposent d'une population non négligeable, d'une main d'œuvre qualifiée et d'infrastructures fiables, contribueront à assurer à l'avenir, la poursuite de la croissance de la production nationale, qu'il s'agisse des médicaments de marque ou des génériques.