Casablanca a connu lundi dernier un braquage, un vrai, avec moto, motards en casque intégral -c'est-à-dire que eux te voient, mais toi tu ne vois que dalle- des flingues avec balles sur mesure -9 mm à tout casser- et, en plus, pas des balles juste pour jouer ou pour te foutre la trouille, mais carrément pour faire des trous et t'envoyer en enfer ou au paradis, car ça dépend de ton dossier. Bref, ça nous change du misérable pickpocket sur sa mobylette minable et son petit canif à deux ronds, et qui te demande ton portable comme s'il voulait avoir ton numéro. Non, cette fois-ci, c'est du lourd et pas du cinéma : 11 kg d'or dur et fin, si dur et fin que les durs qui l'on piqué ont déguerpi en 5e vitesse avant même la fin du générique du début du film. En partant, ils ont laissé derrière eux des apprentis porteurs d'or blessés dans leur corps, mais aussi dans leur amour propre, et des dizaines de spectateurs qui n'ont rien vu venir, ni, encore moins, vu partir. Il a fallu que tout ça arrive chez nous, et pile-poil la veille d'un mois que tout le monde attend pour, normalement, arrêter de pécher. Comme quoi, on peut être un voyou, mais pas forcément un impie. Après tout, ce n'est peut-être qu'un vulgaire fait divers arrivé accidentellement en été, mais à mon humble avis d'observateur très peu averti, c'est sans doute le signe, un de plus s'il en faut, que le Maroc change vraiment, et il fait du bruit pour le faire savoir. Non, je ne dis pas n'importe quoi. D'ailleurs, je prends à témoin un pote étranger, disons européen pour ne pas le cramer, et qui, dès que je lui en ai parlé au téléphone, a eu cette réplique insolite et inattendue : «Bienvenue dans notre monde !». Et comme il a dû comprendre que je n'avais pas pigé sa vanne, il a aussitôt ajouté, devant ma totale et absolue incrédulité : «Vous êtes en train d'entrer de plain-pied dans la modernité». Texto, mes amis ! Je ne vous cache pas que ça m'a laissé coi. Bouche bée, quoi. D'abord, ce que j'ai oublié de vous dire, c'est que je n'habite pas très loin du lieu où ça a eu lieu. En plus, ce matin-là, je suis passé juste à côté, quelques minutes plus tôt, sans, bien sûr, savoir que ça allait arriver. Je suis un visionnaire, mais pas encore un voyant. Mais, quand je l'ai su plus tard, grâce à mon smartphone délateur qui me raconte tout même quand je ne lui demande rien, j'ai failli avoir une syncope. Et si j'étais là, me suis-je fait peur après coup, juste au moment où l'or se barrait en barres, j'aurais été vraiment mal barré. Au fait, puisque j'y pense, c'était de l'or en barres ou... en petites coupures genre, bagues, bracelets, chaînettes ou autres amulettes ? Je vous le demande à toutes fins inutiles car ma douce moitié m'avait posé la même question, alors que j'étais en train d'insister sur les malheureux salariés du richissime joailler qui avaient failli y passer. Ceci dit, soyons honnêtes, ma femme n'est pas la seule à avoir tilté sur la mallette dorée. Il y a eu aussi, et dans le désordre, ma mère, mes sœurs, une belle-sœur, ma vieille tante et même ma chère associée et néanmoins amie, «étrangère» en plus, et que je ne pensais pas du tout être portée sur la chose. C'est la preuve, encore une, que si les hommes n'aiment pas beaucoup les bijoux, ne serait-ce que parce que ça leur coûte bonbon, les femmes, elles, continuent d'en raffoler même si... ce n'est pas le moment. Quant à moi, je suis encore sonné -pourtant, je le répète, je n'ai rien vu et rien entendu de tout ce bazar- et j'ai comme l'impression que, comme le Maroc et comme, semble-t-il, la majorité des Marocains, moi aussi je commence à croire au changement. Mieux : lentement mais sûrement, moi aussi, je suis en train de changer. La preuve, et vous ne vous en êtes même pas encore rendu compte, c'est, je crois, la première fois qu'au lieu d'écrire, comme d'habitude, bêtement et souvent lourdement sur nos politiciens qui n'en demandent pas tant, je viens d'écrire tout un billet sur... un vulgaire fait divers. Détrompez-vous -ou rassurez-vous- c'était juste un trompe-l'œil pour tromper l'ennemi. En fait, je ne fais -Ramadan et vacances obligent- que respecter la trêve des confiseurs et... des joaillers. En attendant qu'on arrête les mystérieux motards lascars casqués et qu'on leur mette de jolis bracelets, je vous souhaite un très bon week-end et je vous redis, bien entendu, vivement le vrai changement et vivement vendredi prochain.