La forte dépendance aux exportations de produits de base menace la dynamique économique du continent. La demande des pays émergents en matières premières se contracte dangereusement. Les répercussions seront importantes sur les économies africaines. Dans les dernières actualisations du FMI publiées en début de semaine dernière, les perspectives sont peu stables pour les pays d'Afrique subsaharienne. Ce manque de visibilité est surtout lié à la baisse de la demande dans les pays émergents et du BRICS, en l'occurrence la Chine, qui passe d'une moyenne de 10% sur les dix dernières années, à 7% sur la prochaine décennie. Ces économies dominent depuis quelques années la demande sur le marché international des matières premières, depuis l'avènement de la crise européenne, dans le but de soutenir leur forte croissance. «Les principales menaces pour l'avenir sont la possibilité d'une phase de repli économique mondial ou d'un ralentissement de la croissance en Chine», peut-on lire dans les récentes Perspectives de l'économie mondiale (PEM) du FMI. Le fait est qu'une perte de dynamique des pays émergents, avec à leur tête la Chine, entraînerait avec elle tout le marché des matières premières. Cela «compromettrait les exportations en réduisant les prix des produits de base», explique-t-on auprès de l'institution financière internationale. Concrètement, les experts de l'organisme sont en effet convaincus qu'une contraction brusque et de longue durée des prix du pétrole, en particulier, et des produits de base, en général, devrait avoir de lourdes répercussions sur l'économie des pays exportateurs de ces produits comme l'Angola et le Nigéria. Une situation de repli de la demande et de baisse des cours des matières premières pourrait également négativement impacter les projets de mise en valeur des ressources à l'étude ou déjà en cours de mise en œuvre, au Ghana, en Guinée ainsi qu'au Libéria. Effets d'entraînement Les projections indiquent également que les soldes des comptes courants de certains pays du continent devaient continuer de diminuer, entraînés, justement, dans le fléchissement des cours mondiaux des produits de base. Le Burkina Faso et le Nigéria sont les principaux concernés. «La poursuite des investissements dans l'infrastructure et les ressources naturelles, financés par les IDE», sera également compromise au Mozambique, et en Sierra Leone. Ces risques en perspective découlent de la forte dépendance du continent aux exportations des matières premières, les rendant vulnérables aux moindres fluctuations des cours appliqués. Selon la Banque mondiale, «ces exportations sont demeurées limitées à quelques matières premières telles que le pétrole, les métaux et les minéraux». Cela a tout de même permis aux économies africaines de diversifier leurs partenaires commerciaux. «Les BRICS (Brésil, Russie, Inde et Chine) représentent désormais 36% des exportations de la région», révèle-t-on dans la dernière édition d'Africa's Pulse, un document d'analyse semestriel de la Banque mondiale sur les enjeux façonnant les perspectives économiques de l'Afrique. En chiffres, les exportations du continent à destination des BRICS ont atteint 144 milliards de dollars en 2012, se rapprochant du niveau des exportations à destination de l'Union européenne et des Etats-Unis combinées, soit 148 milliards de dollars. Croissance... à quel prix? Le FMI et la Banque mondiale confirment la dynamique africaine, mais soulignent les défis que constituent les réformes des politiques économiques, la dette, les infrastructures et l'emploi. Du Nord au Sud du Sahara, les impératifs sont les mêmes. Réformer en profondeur, financer le développement infrastructurel et privilégier le social: telles sont les recommandations que vient de confier le FMI aux économies subsahariennes pour soutenir leur croissance et rendre celle-ci durable, et surtout, plus inclusive. Si les dernières Assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale ont permis de réaffirmer ce que le monde entier sait déjà -l'économie africaine est sur le bon trend: 5% en 2013 et 6% en 2014- elles ont également permis de se focaliser sur certaines insuffisances structurelles. Parmi elles, la mobilisation des recettes pour financer la croissance. «Les politiques macroéconomiques africaines devraient, de manière générale, continuer de viser à reconstituer des marges de manœuvre lorsque celles-ci se sont épuisées à juguler l'inflation», explique-t-on auprès du FMI. Pour cette dernière institution, la mobilisation de recettes devient un impératif pour les pays à faible revenu de la région, où elle peut contribuer à faire face aux besoins sociaux d'investissement. Les économies africaines devront également prendre sérieusement en compte les priorités en termes de dépenses sociales, tout en continuant à améliorer la sélection des projets et renforcer les capacités d'exécution. L'autre grande problématique qui pèse sur les économies du continent est relative à la dette. Le FMI appelle à la prudence et à la maîtrise des niveaux d'endettement de certains pays : le Cap-Vert et le Sénégal sont particulièrement dans le collimateur de l'organisme international. Ces deux pays ont multiplié, ces derniers mois, les emprunts sur les marchés financiers internationaux, suscitant des risques quant à leur niveau d'endettement. Un risque que le FMI recommande à prendre sérieusement en compte, en dépit, pourtant, de l'annulation de la dette dans le cadre de l'initiative d'allègement de la dette multilatérale. Cette initiative a permis à certaines économies de la région d'améliorer la viabilité globale de la dette. Au Nord, cela bloque... Au Maghreb –Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie– si les défis structurels sont tout aussi nombreux qu'en région subsaharienne, ils sont d'une autre nature. Le FMI reconnaît d'emblée que la situation économique de la région est «difficile». La dynamique économique de la région ne devrait progresser que de 2,7% en 2013, avant de repartir à 6,7% en 2014, selon les projections de l'institution financière internationale. Pour l'année en cours, «la persistance des incertitudes politiques et économiques» pèse davantage sur la dynamique économique des pays de la région, même si des signes d'amélioration commencent à se manifester dans les domaines du tourisme, des exportations et des IDE. Dans ce dernier secteur, les flux financiers en provenance des pays membres du CCG en sont les principaux constituants. Sur le volet des risques politiques, l'enlisement du conflit libyen et l'aggravation de la situation en Egypte font peser sur les économies de la région des menaces d'instabilité et de déstabilisation plus globales, «ce qui complique encore la situation économique». D'autres défis persistent. «Dans la plupart des pays, cela signifie que le chômage restera élevé et que les niveaux de vie ne s'amélioreront pas et, par conséquent, que le climat de mécontentement social persistera probablement», projette le FMI. L'Egypte est le cas le plus préoccupant. La dynamique économique à moyen terme du pays dépendra en effet de l'évolution de la situation politique interne, du rétablissement d'un climat de confiance aux affaires et de la dynamique de l'activité intérieure. Le degré d'attentisme est quasiment le même en Tunisie. Dans ce pays, l'instabilité continue de peser sur les perspectives économiques. Au Maroc, par contre, même si le pays brille de par sa stabilité politique, la croissance devrait ralentir en 2014, la production agricole devant revenir à son niveau normal après les records de 2013.