Noureddine Charkani Expert en finance islamique Le potentiel de la finance islamique au Maroc est certain. Il a été confirmé par la volonté d'asseoir un cadre réglementaire à cette activité. Interview avec Noureddine Charkani, expert en finance islamique. Les ECO : Comment se comporte aujourd'hui la finance islamique au Maroc ? Noureddine Charkani : Nous pouvons dire que la finance islamique a franchi plusieurs étapes constructives depuis son lancement au Maroc. Une première phase expérimentale, lors de son lancement en 2007, a permis de tirer de nombreux enseignements sur l'impact des aspects réglementaires et fiscaux sur le développement de l'offre des produits alternatifs. Une phase d'étude et de connaissance de la clientèle cible a révélé le potentiel de la demande et ses attentes afin de mieux cerner les insuffisances qui freinent le choix du produit. Enfin, une dernière phase tout aussi importante consistait à comprendre et à intégrer l'ensemble des mécanismes de la F.I en se basant sur l'expérience mondiale afin de produire une feuille de route complète, à même de permettre la création d'un moteur de développement en intégrant toutes les composantes du secteur. Tous ces facteurs combinés ont contribué à la finalisation d'un chapitre consacré aux banques islamiques au niveau du projet de loi bancaire qui apportera une batterie de réformes pour un accompagnement global, aussi bien sur le plan du financement que sur le plan de l'investissement et de l'épargne. Quel est l'état d'avancement de la réglementation dédiée à la F.I? Ce chantier a été lancé en 2012 dans le sillage de la révision de la loi bancaire, la F.I y fait l'objet d'un chapitre qui intègre l'instauration d'un cadre juridique ainsi que l'élargissement du champ d'application de ces institutions pour le renforcement des services et produits de financement pouvant être proposés par ces banques. Le projet a été adopté par le Conseil de gouvernement en septembre 2012 et doit passer par le Parlement pour sa promulgation. Cette réglementation donnera-t-elle un nouveau souffle au marché ? En effet, cette nouvelle réglementation préconise l'amendement de la loi bancaire avec entre autre l'objectif de l'introduction des banques islamiques dites participatives via un ensemble de réformes spécifiques qui ciblent d'abord la mise en place d'un cadre juridique spécial régissant les banques participatives ainsi que l'élargissement du champ d'action de la F.I, en intégrant les produits d'investissement et de l'épargne réservés auparavant exclusivement aux banques classiques. Cette nouvelle loi prévoit également la mise en place d'un comité Sharia Board central indépendant qui supervisera les activités bancaires ainsi que les produits d'investissements Sharia-compliant comme les Sukuks. Il aura pour mission principale le contrôle de la conformité de tous les produits bancaires offerts au public. Comment les banques doivent-elles se préparer à cette réglementation ? L'expérience internationale a démontré l'existence de trois cas de figures qui peuvent se présenter en cas d'introduction de banques islamiques dans un pays donné, soit par la transformation pure et dure d'une banque classique en banque islamique ou bien par l'ouverture de fenêtres islamiques appelées Islamic Windows au niveau des banques conventionnelles ou par la création de filiales exclusivement dédiées. Tous ces systèmes peuvent coexister dans un même environnement avec les banques traditionnelles, en témoigne l'expérience des pays du Golfe et celle du sud-est de l'Asie, principalement en Malaisie. Comment les banques marocaines espèrent-elles faire face à la concurrence des banques islamiques? Etant donné le phénomène de globalisation que le monde traverse actuellement et qui converge vers des marchés plutôt interdépendants et ceci est valable pour tous les secteurs d'activités, il n'est pas faux de dire que la concurrence sera de plus en plus rude. Il est clair que l'ouverture de ce marché offre de nombreuses opportunités de développement susceptibles d'intéresser des nouveaux entrants, cependant, il faut rappeler que le secteur financier marocain est un secteur moderne qui fonctionne avec des outils précis qui lui confèrent une bonne longueur d'avance par rapport à de nombreux pays, sa faculté de positionnement, d'adaptation et de conquête lui a même permis d'exporter son savoir-faire dans d'autres marchés internationaux. Certes, nous aurons toujours besoin d'acquérir d'autres expertises métiers, mais il ne faut pas négliger la capacité d'innovation de nos institutions qui disposent d'une excellente matière première constituée d'hommes et d'outils qui offrent d'excellentes perspectives d'accompagnement et de développement.