Le festival se réveillait au rythme de ses films projetés à Dar Souiri, chaque matin à 10h, du jeudi au dimanche. Marocaine de Casablanca ayant vécu à Paris, elle revient au pays des années plus tard et a une révélation: elle commence une série de films sur la culture musicale marocaine. Rencontre avec une ethnologue de la musique marocaine. De Moulay Driss Zarhoune en passant par le Melhoun ou le Matrouz, les chants de l'Atlas, le Châabi ou la musique gnaoua, Izza Genini prouve son amour pour la patrie à travers ses recherches, son histoire ou encore sa mémoire...Ce travail documentaire puise ses origines dans les traditions musicales d'un Maroc riche et diversifié qu'elle raconte à travers différents types de musiques, des différentes régions du pays. Ce travail, elle le commence en 1973, à son retour au Maroc avec son mari, où elle a eu tout de suite un choc lorsqu'elle découvre Marrakech, ville d'origine de sa famille. Ayant quitté Casablanca en 1960 pour Paris où elle entreprend des études de lettres et de langues étrangères à la Sorbonne et à l'Ecole des langues orientales, Izza Genini se retrouve d'abord dans le cinéma pour financer ses études et elle décide d'y rester. Son retour au Maroc et déterminant, et Essaouira y est pour quelque chose. «Essaouira est une base de départ pour moi. Je souhaite rendre hommage à Tayeb Sediki parce que, bien que Marocaine, je ne connaissais rien à la musique et à la culture marocaine. Il m'a ouvert la voie du savoir», se souvient-elle avec nostalgie. «Il y a un lien entre la ville et mon parcours puisque j'ai fait partie de l'association «Identité et dialogue» pendant des années, et André Azoulay est témoin de ce parcours. La thématique de ce festival est dans la lignée dans certains de mes films. C'est ici que j'ai rencontré Fatna Bent Lhoucine. Cette rencontre a débouché sur le premier film que j'ai réalisé, Aita, en 1988. Cette ville m'accueille comme elle accueille tout le monde. Elle est «ma9boula»», continue l'artiste qui n'a jamais rien prémédité mais qui a toujours fonctionné au flair. «Je n'ai aucune démarche raisonnée, je travaille à l'instinct et à l'inspiration. Pour garder ce lien avec le Maroc, j'ai commencé par la distribution de films, ensuite je suis passée à la production. On a tourné ici une scène mythique pour le film Transes avec Paco, que Dieu ait son âme. Je suis ensuite passée à la réalisation, toujours de façon très autodidacte. La passion est mon moteur. J'ai besoin de faire ressortir la force que je reçois à travers des films parce que ce sont mes outils». La réalisatrice, véritable mélomane, ne se cantonne pas à un genre musical particulier. Ses films le prouvent, et les festivaliers ont découvert (ou redécouverts) Louanges, sur le rituel de Moulay Driss Zerhoune, Cantiques brodés, sur ces cantiques en hébreu et en arabe appelés Matrouz car ils «brodent» les deux langues ou encore Tambours battants, sur les percussions omniprésentes pendant la période d'Achoura. «Il ne s'agit pas de parler d'une musique en particulier. La musique par définition n'a pas de frontières. Dès que je ressent quelque chose pour une musique, je la fais mienne, cela peut être une musique d'opéra ou un air roumain. Dans la sensibilité, il n'y a pas de frontières». Cette sensibilité a su toucher Estrella Morente dans son Andalousie natale et sa culture flamenca, qui a fait part de son envie de jouer dans un des films de la réalisatrice. À croire qu'Essaouira porte véritablement bonheur à Izza Genini...