L'acteur qui a fait chavirer les cœurs dans «Marock» a fait du chemin depuis. En plein tournage de son dernier long métrage «Lalla Fatma N'Soumer» qui raconte les péripéties de Boubeghla, personnage historique qui a participé à la résistance en Kabylie, Assaad Bouab raconte le quotidien d'un acteur et les coulisses d'un tournage passionnant. Loin de toute nuisance sonore, une équipe de tournage décide de prendre possession des beaux paysages kabyles pour raconter l'histoire. L'histoire d'une époque où un peuple se révolte pour la liberté. Cette histoire est racontée par le réalisateur algérien Belkacem Hadjadj qui est aussi acteur, producteur et président de l'Association algérienne des producteurs et réalisateurs professionnels (créée en juillet 2007). Le réalisateur, qui est -entre autres- derrière L'Arc-en-ciel éclaté (long métrage, 1998) et Une femme taxi à Sidi Bel Abbès (documentaire, 2000), se passionne pour l'histoire de Lalla Fadhma N'Soumer et de Mohammed Lamjad ben Abdelmalek, dit le Chérif Boubeghla dont on parle très peu dans les livres d'histoire, sinon pas. Ces deux personnages ont joué un rôle majeur dans la résistance des Kabyles contre la conquête de la Kabylie par la France dans les années 1850. «Il s'agit d'une femme qui a organisé et mené la résistance face à l'invasion française en 1840, et que les historiens surnomment la «Jeanne d'Arc kabyle». Cette grosse production algérienne subventionnée par l'Etat a nécessité cinq semaines de préparation et dix-huit semaines de tournage pendant deux saisons, l'hiver et l'été. Le réalisateur décide de choisir un visage marocain pour camper le rôle de Chérif Boubeghla, celui d'Assaad Bouab. «Ce qui a joué en ma faveur, c'est le fait que le personnage n'est pas Kabyle. Il arrive en Kabyle de l'Ouest pour renforcer la résistance kabyle. Il arrive en Kabylie au dos d'un mulet, d'où son nom», raconte Assaad Bouab qui a du apprendre le kabyle pour jouer ce rôle. «Le challenge a été d'apprendre le kabyle. Je me souviens que, lors du casting, une de mes premières questions était de savoir si on allait tourner en français ou en arabe. Le réalisateur a répondu «en kabyle». J'étais à la fois surpris et ravi puisqu'un film coréen se joue en coréen, pourquoi un film kabyle se jouerait autrement qu'en kabyle?», continue l'acteur qui a eu pour coach l'auteur du chef d'œuvre musical d'Idir «Ava Inouva», Mohamed Benhamadouche dit «Ben Mohamed». «C'est une des seules chansons que je jouais à la guitare quand j'étais jeune. Me voir proposer des cours de kabyle avec un grand auteur est un honneur. J'ai beaucoup avancé grâce à lui. Même à distance, il continuait à m'envoyer mes textes enregistrés que j'apprenais et que je répétais toute la journée. J'ai fini par acquérir des réflexes avec le temps, comprendre ce qui se disait, réutiliser les phrases dans d'autres contextes. Un travail difficile mais je suis fier d'avoir appris ces quelques lignes dans cette si belle langue». Une expérience unique et pour le moins difficile puisque les conditions de tournage n'étaient pas de tout repos. Un hébergement loin d'être luxueux, une nourriture approximative, une escorte militaire qui les suivait partout, une organisation pour le moins désorganisée qui n'a pas vraiment dérangé l'acteur. «Je pense que tout cela m'a aidé à me mettre dans la peau de mon personnage. À l'époque, je ne pense pas qu'il y avait des hôtels 5 étoiles et que la nourriture était luxueuse. En plus, nous étions au cœur même de l'action, les villages kabyles où ils ont sûrement dormi, discuté, où ils se sont battus, jadis. Tout cela permet de croire au personnage et de se mettre dans sa peau plus, aisément», confie Assaad Bouab qui est presque à l'opposé de Chérif Boubeghla. Le personnage historique était une masse, au visage «cassé», un fou, presque. Assaad Bouab a l'allure fine, les traits fins, qui rappelle les samouraïs japonais de l'époque. Le réalisateur a joué sur cela, pour rendre le personnage encore plus atypique et en décalage. «J'ai beaucoup joué sur cela aussi. Quand on m'a parlé du casting, j'avais les cheveux longs que j'ai ramenés en queue de cheval, une barbe et j'ai mis du khôl pour rappeler les personnages historiques de l'époque. Je voulais montrer que je pouvais jouer le personnage, même si je ne lui ressemblais pas physiquement à 100%», rappelle l'acteur. C'est ainsi que le choix s'est naturellement porté sur l'acteur marocain. Le film, tourné essentiellement à l'extérieur, a dû faire l'objet de quelques ajustements à Paris, notamment pour une expérience avec un cheval mécanique sur fond vert que raconte, amusé, Assaad Bouab. Les moyens limités ont poussé le réalisateur à miser sur la simplicité, ce qui donne plus de réalisme au film. Le tournage, qui s'est terminé mi-septembre, doit encore subir quelques retouches, comme pour cette voix off qu'Assaad Bouab s'apprête à enregistrer sur une lettre que «Boubeghla» a écrit. Un personnage complexe, que l'acteur a eu beaucoup de plaisir à jouer! «J'en garde de bons souvenirs. C'est un personnage complexe, avec une large palette d'émotions. Il est extravagant, presque fou, il est doux au départ mais devient révolté quand il se voit refuser l'amour de Lalla Fadhma N'Soumer. Je me suis beaucoup attaché à lui», confie l'acteur. Une chose est sûre: ce film, qui doit sortir en 2014, est très attendu. En attendant, Assaad Bouab ne s'endort pas sur sur ses lauriers, il joue déjà dans une pièce produite par le Théâtre national de Liège en Belgique, «Les Justes», adaptation d'une œuvre d'Albert Camus. Une pièce qui réunit des comédiens majoritairement palestiniens où l'acteur marocain se lance un nouveau challenge, celui de l'arabe classique. Ce projet regroupe plusieurs acteurs venus du monde arabe pour faire passer un message sur le monde d'aujourd'hui, comme ce fut le cas pour par Camus, initialement. Il y campe Boris, un chef de cellule. Ce sont là des projets que l'acteur marocain accepte à l'étranger, tout en souhaitant se voir proposer un rôle dans un film marocain...À bon réalisateur, salut !