Bouab Comédien C'est le plus européen des acteurs marocains, mais on n'oublie pas ses rôles marquants dans les productions marocaines, à savoir «Marock» de Laila Marrakchi ou «Whatever Lola wants» de Nabil Ayouch. Sollicité en Europe où il enchaîne les projets, il est installé à Rabat où il vient se ressourcer avant chaque tournage. À la veille d'une nouvelle aventure en Belgique, Assaad Bouab parle de son «cinéma à lui»... Confidences. Les ECO : Vous vous apprêtez à commencer le tournage d'un nouveau film. Parlez-nous de ce film. Comment avez-vous réussi à en faire partie ? Asaad Bouab : C'était à Bruxelles, à l'époque où je jouais les «Justes» d'Albert Camus, une adaptation de Mehdi Dehbi en arabe. Une pièce très originale puisque nous nous sommes mélangés au public. Le jour de la première théâtrale de la pièce à Bruxelles, les réalisatrices Bénédicte Lienard et Mary Jimenez étaient là. Elles m'ont proposé de venir passer les auditions à Bruxelles. Après plusieurs auditions, elles m'ont confié ce beau rôle. C'est un film qui va parler de faits réels ayant eu lieu en Belgique, où des sans-papiers d'horizons différents se sont réunis dans une église et ont entamé une grève de la faim. Les réalisatrices les avaient suivis et avaient fait un documentaire sur eux pendant les grèves de 2008. Elles ont décidé d'en faire un film. Vous interprétez le rôle d'un homme qui entame la grève de la faim, une histoire vraie. Comment avez-vous préparé ce rôle ? Mon personnage est un étudiant marocain parti faire ses études à Bruxelles et qui, faute d'avoir bien préparé ses examens, ne va pas obtenir son diplôme et, du coup, va perdre son titre de séjour. C'est un personnage très intéressant car il a une trajectoire compliquée. Je ne peux pas en dire plus. Pour la préparation, j'ai vu des témoignages de grévistes de la faim et j'ai parlé pendant mon séjour à Bruxelles à certaines personnes qui ont été sans-papiers, qui ont dormi dans la rue pendant plusieurs mois, des moments très durs qu'ils ont bien voulu partager avec moi... et j'ai commencé à perdre du poids. Cependant, le plus dur reste à venir: il s'agira d'en perdre le plus possible pendant le tournage car nous tournerons ce film chronologiquement. Avez-vous un rituel de travail ? Avez-vous une méthode de préparation avant un film définie, ou chaque rôle est différent ? Je pense effectivement que chaque rôle est différent et cela nous mène à une préparation différente, même si la «base» de la préparation est la même: il faut construire le passé de son personnage! J'ai 33 ans et autant d'années de vie, mais mes personnages n'auront que la vie que je leur aurai créée. Plus je travaille, plus j'enrichis son passé. Il ne faut pas faire l'impasse sur ce travail. Vous avez souvent incarné des personnages complexes ou historiques. Aujourd'hui, vous portez, à travers vote rôle, une histoire vraie. Vous semblez vous éloigner des rôles de jeune premier de vos débuts...Est-ce un choix ? Non, c'est vraiment la vie qui m'amène à cela. J'aimerais bien pouvoir avoir des rôles très différents à chaque fois. C'est délicieux de pouvoir faire un grand écart artistique d'un film à l'autre. Vous avez joué dans l'adaptation des «Justes» de Camus, au théâtre. Où vous retrouvez-vous le plus : au cinéma ou au théâtre ? À quel point est-ce différent ? Quand il s'agit de vivre l'instant présent, c'est sûr que le théâtre me procure quelque chose de très fort. Par moment on est heureux, par moment déçu... c'est un parcours, mais en direct, à l'instant T, c'est l'ascenseur émotionnel, la palette d'émotions est particulièrement intéressante. Une pièce est différente tous les soirs. Pour le cinéma, on travaille pendant plusieurs semaines, sans avoir a refaire la même scène le lendemain, et le résultat est «le film»... qu'on découvre généralement un an plus tard. En gros, au théâtre, il y a une responsabilité «immédiate»... celle du live. Vous avez été révélé au public grâce à «Marock», le film de Laila Marrakechi, où vous avez campé le rôle de Mao. Vous attendiez-vous à ce que ce film ait autant de succès ? J'espérais que ce film plaise bien sûr, mais de là à imaginer qu'il ait ce succès, non!! Cette expérience m'a ouvert beaucoup de portes et je ne remercierai jamais assez Laila Marrakchi de m'avoir accordé sa confiance. Cela fera 10 ans bientôt. Quand je pense à la manière avec laquelle tout cela a commencé... J'ai rencontré la directrice des castings pendant une soirée, elle a vu que je parlais arabe et m'a demandé de venir passer le casting. Je l'ai passé et j'ai eu le rôle! Incroyable! Ce fut pour moi une superbe expérience parce que nous étions une bande de jeunes, pour la plupart débutants, on était au même niveau ! Quel rôle qui ne vous a jamais été proposé aimeriez-vous jouer ? Des rôles poétiques, décalés, des rôles dans lesquels on ne m'attend pas. J'aimerais pouvoir surprendre, et me surprendre moi- même. Déjà, il y a des rôles qui m'ont marqué au cours de ma carrière. Tout d'abord «Indigènes», parce que c'est historique et c'est une partie de l'histoire qui a marqué et qu'on ne connaissait pas bien. Je jouais le frère de Sami Naciri, et dans ma vie je suis le cadet aussi... J'ai joué ce goumier, qui pendant la deuxième guerre mondiale, rentre dans une église alors qu'il est musulman! C'est quelque chose qui me parle, parce que ma mère est française chrétienne et mon père est marocain musulman. Petit, j'ai déjà été a la mosquée et à l'église. Le deuxième, c'est mon rôle dans Kandisha où je joue un conteur et ça se rapproche beaucoup de ce que j'ai fait, du théâtre! Une nuit, pour le rôle, on a tourné à Jamâa El Fna où j'ai fait le conteur! Il y avait les figurants mais également des passants qui s'arrêtaient... C'est un superbe souvenir. Pourquoi ne vous voit-on pas dans les productions marocaines ? Quand on y regarde de plus près, je vous assure que je n'ai pas tant de propositions de réalisateurs marocains que ça. En revanche, j'ai discuté avec un ami réalisateur dont je tairai le nom qui a un très beau projet. Ce n'est pas pour tout de suite, mais je suis impatient de pouvoir faire partie de cette aventure. Impatience, quand tu nous tiens ...(Rires). Vous verra-t-on un jour derrière la caméra ? C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup, mais je voudrais d'abord aller le plus loin possible en tant que comédien afin de ne pas avoir de regrets. J'écris déjà, j'ai des idées de scénario, mais j'écris à mon rythme... Je ne suis pas encore prêt, je ne suis pas encore pleinement satisfait de mon parcours de comédien, j'ai encore du chemin à faire et pleins de choses à prouver et à apprendre! J'ai une grande soif d'apprendre, j'écris des textes, je compose, je joue du piano et un petit peu de guitare...