Ibrahim Maalouf Musicien Il a hypnotisé la scène principale Moulay Hassan, à Essaouira. Il partage, laisse de l'espace à ses musiciens, les met en valeur. Ibrahim Maalouf s'est livré durant une soirée pleine de magie qui rendrait presque son «true sorry» en true story...Coulisses avec un virtuose. Les ECO : On a l'impression que votre succès au Maroc vous étonne toujours ? Ibrahim Maalouf : Je ne sais pas si on peut appeler cela un succès. Tout ce que je sais, c'est que je suis ravi. Je suis venu à Essaouira en 2006, personne ne me connaissait. J'étais invité avec d'autres artistes. Revenir 8 ans plus tard et constater un tel changement, je n'y croyais pas. Pour être franc, je pensais que j'allais jouer sur la petite scène. Quand on m'a appris que je jouerai sur la scène principale, je leur ai dit : «Vous êtes fous, il n'y aura personne !». Quand je suis monté sur scène et que j'ai vu tout ce monde, j'étais le premier étonné. Merci internet qui a permis de découvrir ma musique car mes albums ne sont pas vendus ici, merci aux réseaux sociaux également. Je me dis que c'est chouette. Je suis heureux que les gens au Maroc connaissent mes morceaux, je ne m'attendais à cette réaction quand j'ai annoncé que je jouais «Beyrout» (Ndlr : hystérie totale à l'annonce du titre, le public a crié à en faire sursauter le musicien). Je suis très touché. J'espère que l'on reviendra pour faire une vraie collaboration avec les maalems. Et c'est prévu ? Ce n'est pas moi qui décide, mais si le festival m'invite à faire une résidence ou une fusion, je dirai oui évidemment ! (Rires) Il y a des points communs entre les gnaouas et la musique que je joue. Le point commun entre la trompette dont je joue et son histoire, et le guembri et son histoire, c'est le blues qui est né de ces deux musiques là. Ce métissage là. Je suis un grand fan de blues. J'aimerai jouer de la trompette comme un BB King joue de la guitare. Je me sens plus proche de la culture blues que de la culture jazz en réalité. Je suis plus bluesman que jazzman. C'est ce point commun qu'il y a entre le guembri et la trompette, je trouve. C'est très inspirant. Vous avez dit sur scène que votre musique a plus de sens ici qu'autre part... Oui, ce que je trouve formidable à Essaouira, c'est qu'il y a de tout dans le public : des très très jeunes, moins jeunes, de très vieux. Les gens viennent d'horizons différents culturellement. On sent que les gens viennent ici passer un bon moment et profiter un maximum. Il y a des gens qui sont plus fans de genres de musique que d'autres, mais tous viennent profiter de ces moments de fête gnaoua. C'est un métissage extraordinaire. On est entre la mer et le désert. On est dans un endroit magique. Au-delà même de la musique et de la culture, au-delà de la population, que ce soit des gens d'ici ou des gens qui viennent pour le festival, on voit bien qu'il y a un métissage assez impressionnant et comme je considère que ma musique est une musique métisse, c'est le genre de public qui, a priori, serait le plus réceptif. Comme à Istanbul ou en France, on sent que ce sont des publics qui sont ouverts aux mélanges culturels, dans la musique ou dans les choses gérées au quotidien et la manière avec laquelle est géré l'avenir. À part une fusion gnaoua, une collaboration marocaine vous intéresserait ? Je pense que la musique, dans ma vie, c'est plus que ma passion, c'est ma façon de respirer. On a des surprises dans la vie, on ne sait pas ce qui va se passer et ce sont ces surprises là qui m'animent. Je n'aime pas faire de projets. Souvent on me demande avec qui j'aimerai travailler, si j'ai en rêve. Souvent je répond que non. Je ne sais pas ce qui peut se passer. Il y a 2 jours, on m'a proposé de faire la musique d'un spectacle de magie. Je n'aurais jamais imaginé qu'on me proposerait cela un jour. J'ai sauté sur l'occasion ! J'adorerai faire ça. Ce sont ces surprises qui me motivent et j'espère vraiment un jour faire une collaboration avec des artistes marocains, comme avec n'importe quel artiste auquel je pense inconsciemment... Vous êtes devenu populaire avec le pouvoir des notes alors que la plupart utilise les mots dans la musique. Quel est votre processus de création ? J'accorde une attention et une importance particulière à l'origine de mes envies musicales. Souvent il y a une origine aux choses, comme les rêves. On se réveille le matin, on a rêvé de quelque chose, on ne trouve pas ça logique du tout, mais si on creuse, il y a souvent une origine derrière. Dans la musique, c'est un peu pareil. Si ce n'est pas scientifique, c'est inconscient et instinctif. Quand j'essaie de savoir d'où cela vient, il y a toujours une histoire derrière et c'est cette histoire que j'utilise dans ma musique. Au-delà de l'aspect commercial qui est un peu négatif, il y a un aspect pécuniaire, je suis ravi que les gens me découvrent, m'écoutent. Je ne cache pas cette volonté d'être aimé par les gens, j'ai envie d'être aimé...