Le marché marocain des ciments continue son trend baissier pour la 3e année consécutive. Cette mauvaise passe n'est pas sans impacter les principaux auteurs du secteur d'après une analyse que vient de livrer la société boursière M.S.IN qui croit encore aux opportunités du marché. Les derniers chiffres portant sur l'évolution du marché marocain du ciment parlent d'eux-mêmes : le secteur traverse toujours une mauvaise passe. À fin août dernier, le marché a poursuivi sa régression estimée à -4,98% soit 9,3 millions de tonnes sur l'année. C'est sur cette base que la société de bourse M.S.IN, qui vient de réaliser une analyse sectorielle du marché, anticipe une baisse pour la 3e année consécutive. Autant dire que le secteur ne se portera pas mieux d'ici la fin de l'année, une morosité qui affecte le secteur depuis maintenant trois ans. Les analystes de M.S.IN imputent le recul des ventes entamé depuis 2012 à plusieurs facteurs, notamment, la surcapacité qui plombe le développement du secteur. Selon les détails explicités par la note d'analyse, cette situation trouve son origine également dans une conjugaison de facteurs, dont la baisse de la demande du logement et de la construction, des sous-secteurs qui consomment 80% de la production, la hausse des prix de l'immobilier et le resserrement des octrois de crédit et le renchérissement des prix des matériaux de construction à la suite de l'introduction de taxes sur le sable et le fer à béton. Aussi, l'impact des coupes budgétaires opérées en 2013 s'est répercuté sur l'évolution du secteur en 2014 et probablement en 2015 en raison notamment de «la poursuite de la décélération de l'investissement dans les travaux publics». L'impact de ces mesures retombe sur l'évolution du secteur avec des chiffres peu reluisants constatés sur le marché marocain du ciment. Ainsi, à titre d'exemple, au 1er trimestre 2014, les mises en chantier du segment social ont baissé de 51% par rapport à leur niveau de 2013 à la même période et les autorisations de 46%, sous l'effet de la baisse des ventes des promoteurs immobiliers. Les analyses de M.S.IN ont également intégré l'impact de la montée de la concurrence au niveau du secteur. «L'arrivée de CIMAT en 2010 d'une part, et la régression de la demande adressée au secteur d'une autre part, ont provoqué une dilution des parts de marché des opérateurs historiques et ont conduit à une surcapacité du marché», fait constater la note. Surcapacité La surcapacité du secteur qui s'illustre par une surproduction de l'ordre de 6 millions de tonnes excédentaires, à fin 2013, devrait par conséquent s'accélérer. L'une des principales raisons, c'est les projets d'élargissement de capacité prévus par les cimentiers sur les années à venir. La mauvaise mine qu'affiche le secteur n'a donc pas refroidi les ambitions des principaux opérateurs du marché qui prévoient des projets de développement à court et moyen termes. Comme l'explique les analystes de M.S.IN : «Malgré les signes d'une morosité caractérisant le secteur depuis 2 ans, le marché du ciment n'est pas réellement en crise, mais plutôt dans une phase de retour à des niveaux normaux de consommation, après l'essoufflement de la bulle spéculative ayant atteint son plus haut niveau historique en 2011». Il faut dire que le secteur constitue encore un véritable relais de croissance pour l'économie nationale avec un potentiel de développement assez important. Il s'agit, entres autres, des opportunités qu'offre la stratégie nationale de résorption du déficit de logements sociaux qui s'élèvent à quelques 600.000 unités au 1er semestre 2014 ainsi que de la demande qui sera induite par la poursuite du programme visant à éradiquer les bidonvilles. De même, la poursuite des chantiers en infrastructures, notamment la réalisation des ports, des routes, des aéroports ou des barrages ainsi que les investissements prévus dans le secteur touristique et qui sont largement drainés par la reprise économique des principaux partenaires du Maroc, ouvre de nouvelles perspectives pour l'expansion de l'activité des opérateurs. Le secteur peut aussi compter pour se relever, sur l'existence de zones géographiques à fort potentiel, compte tenu d'une évolution contrastée de la consommation par région. C'est le cas de la région Sud-Centre (Marrakech-Tensift-El Haouz, Doukkala-Abda et Tadla-Azilal), celle du Centre-Nord-Est (le Gharb, Rabat-Salé-Zemmour-Zaër, Meknès, Fès...), des régions où la consommation par habitant est en dessous de la moyenne nationale. Les analystes de M.S.IN prévoient également une hausse de la demande, compte tenue de l'évolution continue du taux d'urbanisation, estimé entre 55% et 65% à l'horizon 2030 surtout qu'en termes de consommation de ciment, le Maroc affiche un coefficient relativement faible. Il est ainsi évalué à 487kg/hab/an en 2012 contre 645 kg/hab/an pour la Tunisie, ce qui laisse des marges pour les opérateurs. CIMAR, résilience face à la mauvaise conjoncture Selon les analystes de M.S.IN, les ventes de CIMAR devraient évoluer sur la base d'un taux de croissance annuel moyen de 3,6% sur la période 2014-2018. Le groupe devrait pâtir d'une baisse des volumes écoulés au niveau de l'activité ciment qui contribue à hauteur de 80% à la création du chiffre d'affaires global, mais il devrait profiter d'une hausse moyenne des prix du ciment de 3% sur la période prévisionnelle. S'agissant des bénéfices, un taux de croissance moyen de 3,8% a été retenu sur la période prévisionnelle. En 2014, le résultat net devrait baisser de 2% à 792 MDH. Pour rappel, la CIMAR a mieux résisté que le marché au premier semestre 2014 avec un recul de ses ventes de 4% sur le premier semestre contre 4,4% pour le secteur. À fin juin, le chiffre d'affaires s'est arrêté à 1,79 MMDH (en repli de 6%) et le résultat net à 455 MDH, en baisse de 7%. Toutefois, le groupe devrait éponger une partie des pertes cumulées au S1, à travers le développement des mix produits et l'exportation du clinker. La rentabilité financière du groupe devrait se renforcer sur la période d'étude, compte tenu de sa structure financière complètement désendettée. Les analystes de M.S.IN fixent le cours cible de CIMAR à 1.308 DH, soit une décote de 41% calculée à partir d'un cours en bourse de 925 DH. Par conséquent, il est recommandé d'acheter le titre. Lafarge : Une stratégie axée sur l'optimisation des coûts Les analystes de M.S.IN tablent pour Lafarge sur une évolution moyenne du chiffre d'affaires de 1,9% sur la période 2014-2016, justifiée principalement par un effet prix : revue des prix du ciment, du béton et du granulat à la hausse suite à l'augmentation des prix d'emballage et à la décompensation graduelle des hydrocarbures. Il est à noter que le coût moyen du petcoke représente environ 8% des achats du groupe. Par ailleurs, les volumes vendus devraient stagner en 2014. Le résultat d'exploitation consolidé devrait progresser en moyenne de 4%, profitant de la poursuite des actions d'optimisation industrielle des coûts en recourant à des combustibles de substitution et l'énergie éolienne (Usine de Bouskoura fonctionnant entièrement à l'énergie éolienne). Enfin les bénéfices du groupe devraient évoluer d'environ 5% sur la période prévisionnelle. Les analystes tablent pour Lafarge sur un cours cible de 1.221 DH, soit une surcote de 21% calculée à partir du cours de 1.540 DH, d'où une recommandation d'allègement du titre. Holcim, renforcement en Afrique Holcim a entamé sa stratégie d'expansion en Afrique subsaharienne, dans le cadre de la stratégie nationale de renforcement de la coopération économique. «Holcim Maroc compte renforcer son positionnement sur l'Afrique subsaharienne en devenant un hub pour les filiales africaines à travers le transfert des compétences commerciales et techniques et le pilotage de la mutualisation des achats avec les filiales africaines», soulignent à ce propos les analystes de M.S.IN. S'agissant de l'évolution des indicateurs financiers de Holcim Maroc, les analystes tablent sur une évolution moyenne de 2% sur la période 2014-2016 du chiffres d'affaires consolidé intégrant une baisse des volumes vendus de ciment et une légère hausse des prix de vente. Les bénéfices du groupe devraient évoluer en 2014, de 20% à 452,7 MDH, suite à la non récurrence de la provision fiscale constatée en 2013 sur Holcim Béton, ainsi que l'intégration des intérêts minoritaires relatifs à Holcim AOZ dans les bénéfices, suite à sa fusion. Pour Holcim, les analystes fixent un cours cible de 1.639 DH, soit une surcote de 14% calculée à partir du cours de 1.865 DH, d'où une recommandation d'allègement du titre.