Selon le gouvernement, cette mutation qui vise à apporter une solution à la saturation du plan de numérotation actuel pourrait permettre aux quatre opérateurs du marché d'attribuer théoriquement jusqu'à 800 millions de numéros de téléphone. Depuis samedi 22 novembre courant, la numérotation téléphonique au Cameroun est passée de 8 à 9 chiffres. Pour cela, tous les numéros de téléphone portable sont désormais précédés du chiffre 6 tandis que le chiffre 2 est dorénavant placé devant tous les numéros de téléphone fixe. Cet événement est la concrétisation d'une information annoncée, depuis le 24 septembre dernier, par le ministre des Postes et télécommunications, Jean-Pierre Biyiti Bi Essam. Dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, l'Agence de régulation des télécommunications (ART) a essayé de rassurer les consommateurs sur la matérialisation concrète de ce basculement : «il n'y a aucune démarche administrative et technique à faire ; chacun devra actualiser manuellement son répertoire», dit-elle. Répertoire Cependant, la démarche n'est pas très appréciée par les abonnés qui ont exprimé leur désarroi sur les réseaux sociaux. D'autant plus que les facilités informatiques annoncées par certains opérateurs sur leurs sites internet ne sont pas toujours fonctionnelles. «En France, le basculement des nouveaux numéros se fait automatiquement et directement par les opérateurs. Au Cameroun, les clients doivent se débrouiller seuls ; on les renvoie sur un site internet pour les emmerder davantage ! C'est une discrimination intolérable de ces opérateurs milliardaires qui se foutent des clients que nous sommes», dénonce, par exemple, l'avocat Emmanuel Pensy sur sa page Facebook. «Mon répertoire compte plus de 1.500 contacts, ça va être extrêmement périlleux d'ajouter manuellement le 6 ou le 2 devant chacun de ces numéros. Encore faut-il avoir du temps pour cela», dénonce Clément Fankam, un autre internaute. 16 millions d'abonnés Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics expliquent que ce nouveau plan de numérotation téléphonique a pour finalité de s'adapter à la très rapide évolution du marché des télécommunications dans le pays. On est ainsi passé de 8 à 16 millions d'abonnés entre 2010 et 2014, dont environ 95% pour la téléphonie mobile en 2010. Avec pour conséquence, apprend-on de l'ART, l'épuisement des tranches de numérotation allouées à chaque opérateur. Qui plus est, le nombre d'opérateurs est passé de trois à quatre en septembre 2014. Et avec la généralisation de la technologie 3G annoncée pour le début de l'année 2015, la ressource en numérotation se fera encore plus rare. Selon le ministère des Postes et télécommunications, le passage de 8 à 9 chiffres va donc apporter une solution à ce problème en permettant d'avoir une capacité théorique de près de 800 millions de numéros de téléphones. Concurrence C'est la troisième fois que le Cameroun ajuste sa numérotation téléphonique. La première opération de ce type a eu lieu en 2001; le pays passait alors d'une numérotation à 6 chiffres à une numérotation à 7 chiffres. Le deuxième basculement est intervenu, quant à lui, en 2007 lorsque les numéros de téléphone sont passés à 8 chiffres. Si à ces deux premières occasions, le pays ne comptait que deux opérateurs de téléphonie mobile et un opérateur de téléphonie fixe, la situation est tout autre aujourd'hui. Avec quatre opérateurs de téléphonie mobile (le sud-africain MTN, le français Orange, le vietnamien Nexttel et le camerounais Camtel) et un opérateur de téléphonie fixe (Camtel) sur le marché, la concurrence est de plus en plus rude. Elle le sera encore davantage à partir de janvier 2015, lorsque tous ces quatre opérateurs pourront exploiter la technologie 3G qui offre beaucoup plus de facilités dans la transmission de données multimédias. Une technologie arrivée au Cameroun avec l'entrée en service, en septembre 2014, de la société Nexttel (filiale du vietnamien Vietel) qui en détient le monopole jusqu'à la fin de l'année en cours. Qualité de service Si le marché des télécommunications, et singulièrement de la téléphonie est en pleine expansion au Cameroun (voir ci-contre), l'on ne peut en dire autant de l'évolution de la qualité du service qui, elle, s'est considérablement dégradée au fil des ans. Indépendamment de l'opérateur, il faut le plus souvent effectuer plusieurs tentatives pour pouvoir joindre son correspondant. Et une fois qu'on est parvenu à avoir quelqu'un au bout du fil, la communication n'est pas toujours garantie. L'échange est généralement entrecoupé ou alors, l'un des deux interlocuteurs n'entend pas l'autre. Ce qui entraîne un dialogue de sourds entre les deux abonnés. Quelques fois, une voix automatique vous répond que votre correspondant n'est pas disponible alors même que le téléphone de celui-ci est bien allumé et couvert par le réseau. Enfin, il arrive même que le crédit de l'abonné soit débité alors que le SMS qu'il a écrit n'a pas été expédié. Plein de désagréments donc... En 2013, l'Agence de régulation des télécommunications (ART) avait d'ailleurs attiré l'attention des deux opérateurs de téléphonie mobile MTN et Orange sur cette situation. Mais, depuis, l'on ne peut vraiment pas dire qu'il y a eu le moindre changement. Les deux entreprises, pour leur part, incriminent aussi bien la saturation de la numérotation que l'instabilité de l'alimentation électrique. On verra donc si la modification du plan de numérotation améliorera les choses. Thierry Ekouti, Dir. pub - Le Quotidien de l'Economie (Cameroun)