Mehdi Chekkouri Directeur associé de FTV, partenaire exclusif de DirectFN, Maghreb-Afrique francophone. Les ECO : On entend souvent parler, dans le jargon boursier, d'analyse technique. Quel est son intérêt ? Mehdi Chekkouri : Pour simplifier, l'analyse technique a pour rôle de diagnostiquer la psychologie des intervenants sur le marché. Elle va se baser d'abord sur des outils graphiques (chartistes) ensuite sur des indicateurs mathématiques et statistiques. Et enfin sur l'analyse eliottiste (vague) trouvant son fondement dans la théorie du chaos et des fractales. L'analyse technique répond à des problématiques très particulières dont le timing : quand acheter et quand vendre ? Elle permet aussi de gérer la position. L'analyse technique donne en effet la possibilité de suivre la tendance d'une manière dynamique et de déterminer les nœuds de bifurcation. À titre d'exemple, si j'ai pris une position sur une valeur à partir d'un point «A», je sais en amont qu'à partir d'un point «B», mon scénario initialement prévu va être invalidé. L'analyse technique est donc une très bonne approche pour optimiser la performance d'un portefeuille. L'analyse fondamentale reste l'approche qui est souvent utilisée par les analystes pour la valorisation des actions. En quoi est-elle différente de l'analyse technique ? On peut dire que ce sont deux frères ennemis mais complémentaires. L'analyse fondamentale se base plutôt sur la valeur économique. Dans cette approche, on suppose que les cours devraient converger vers la valorisation économique et financière de l'entreprise. C'est l'école de la valeur intrinsèque. Généralement on dit que l'approche fondamentale est une approche normative. En pratique, l'approche fondamentale pose trois contraintes. La première concerne le timing. Contrairement à l'analyse technique, l'analyse fondamentale ne vous dit jamais quand acheter et quand vendre. Ensuite, elle ne prend pas en compte l'«irrationnel». Historiquement, il existe sur le marché des valeurs qui sont surévaluées sur le plan fondamental et que les investisseurs continuent à acheter. Aussi, nous avons sur le marché des valeurs qui sont largement sous-évaluées qui ont de bonnes performances financières, mais qui sont boudées par le marché. Pourquoi cette situation subsiste-t-elle ? Il faut comprendre la psychologie humaine, ce qu'on appelle les passions individuelles et instincts grégaires. L'analyse technique va essayer de «scanner» la psychologie et de comprendre les biais psychologiques et donner une réponse à l'évolution de la valeur. L'analyse technique est plutôt une démarche explicative. Heureusement que le Maroc est passé aux normes IFRS, mais on continue de se poser certaines questions à commencer par celle-ci: Est-ce que les états de synthèse et le business plan sont réalistes ? Pour finir je dirais que l'analyse technique et l'analyse fondamentale sont toutes deux valables, seulement il faut jauger quand utiliser l'une ou l'autre. Un des éléments déterminants demeure l'horizon «d'investissement». S'agissant de la Bourse de Casablanca, laquelle des deux méthodes est préférable pour l'analyse du Masi ? D'abord, il faut commencer par fixer un paramètre à savoir l'horizon d'analyse. Sur le long terme, entre 2 et 3 ans, l'approche fondamentale donne quand même une réponse sur les variations du Masi ou de n'importe quel autre indice du marché de Casablanca. Il a été empiriquement prouvé que sur le long terme, les actions convergent vers leurs valeurs fondamentales. Sur le court terme, c'est une autre histoire. Il faut savoir que ce n'est pas l'économique qui prime, mais c'est plutôt le psychologique. In fine, la variation des prix sur le marché est uniquement un conflit entre acheteurs et vendeurs. Le résultat est donc purement émotionnel. Par conséquent, l'analyse technique donnera de meilleurs rendements. Quelles sont les autres approches qui sont utilisées par les analystes des marchés actions ? Il y a l'analyse technique dynamique des marchés financiers de «P.Cahen» qui a été développée récemment et qui permet de mieux formaliser l'analyse technique. Les tests ont montré une capacité prédictive du modèle avoisinant les 80%. Il y a aussi eu un développement de la finance comportementale qui remet en cause des principes clé de la finance classique. La théorie eliottiste avec les fractales de Benoît Mandelbrot se sont également développées après et permettent même une prédiction sur le très long terme.