Alors qu'elles ont toujours financé la demande avec des conditions avantageuses, les banques ont rationné les crédits voire fermé les robinets pour les promoteurs immobiliers. Plusieurs analystes estiment qu'elles ont contribué à la crise du secteur. La grande majorité des Marocains opte dans ses choix de placement pour l'acquisition d'un bien immobilier et ce, malgré la hausse frénétique des prix depuis la moitié de la première décennie des années 2000. Les raisons de cet engouement résident d'abord dans la méconnaissance des marchés et des produits financiers, mais aussi dans le fait que de nombreux investisseurs ont tourné le dos à ces produits suite à l'atonie que connaît le marché boursier depuis quelques années. Ces derniers optent de plus en plus pour un investissement dans la pierre dans le but de réaliser des plus-values intéressantes, dans la mesure où les prix des biens immobiliers vont crescendo d'année en année. Toutefois, pour la majorité des Marocains, l'achat d'un bien immobilier répond à un besoin de sécurité ou de transmission. Cet attrait de l'immobilier a été favorisé ces dernières années pour une dynamique de distribution des crédits plus qu'encourageante pour les acquéreurs. En effet, le financement peut couvrir 80% et même 100% du prix du bien. Il est même possible de décrocher un crédit destiné à des travaux d'aménagement. Frilosité ascendante Pourtant, 2014 a été une année difficile pour le secteur immobilier induisant une augmentation importante des stocks de produits finis invendus des promoteurs et des craintes autour de leur solvabilité. Cette situation a eu pour effet un ralentissement de l'activité du secteur reconnu par la majorité des promoteurs immobiliers. En effet, les mises en chantier du segment du logement social et du moyen standing (qui représente 2/3 des mises en chantier en moyenne sur les 10 dernières années) ont connu deux années de baisses successives avec -19,4% en 2012 et -28% en 2013. Les professionnels estiment que les statistiques 2014 devraient afficher une nouvelle baisse à deux chiffres des mises en chantier. À ce stade une question s'impose : quelles sont les causes de cette crise de l'immobilier ? Plusieurs facteurs y ont contribué, mais les promoteurs accusent surtout la frilosité des banques à les financer. En effet, les banques ont financé la demande depuis toujours avec des conditions avantageuses, comme l'atteste la progression des crédits immobiliers destinés à l'acquisition. Parallèlement, «elles ont rationné les crédits voire fermé les robinets pour les promoteurs immobiliers : garanties plus importantes, apport personnel requis de 40% au moins, déblocage des crédits au-delà de 25% de taux de commercialisation», nous assure un professionnel du secteur. Cette prudence dans l'octroi des crédits à la promotion immobilière remonte à plus de 4 ans déjà selon la même source. D'ailleurs, le rythme de croissance des crédits immobiliers a connu une nouvelle décélération en 2014. Il s'est établi à 2,7% suite à la baisse des crédits aux promoteurs (-5,6% contre une quasi-stabilité en 2013). En revanche, le rythme de croissance des crédits à l'habitat s'est maintenu à 6,2%. Notons à ce titre qu'un tiers des crédits distribués par les banques marocaines va à la pierre (voir graphique). Un mal pour un bien «Le fait que les banques ait levé le pied sur les crédits aux promoteurs est justifié. Celles-ci se sont exposées de manière très importante sur le financement, que ce soit de la production ou de l'acquisition dans l'immobilier. À cela s'ajoute le contexte d'assèchement des liquidités dont elles ont souffert ces dernières années», se défend un banquier avant d'arguer: «Je ne pense pas que les banques de manière générale refusent de financer les promoteurs qui ont des projets viables avec des business plan bien étudiés. Elles seront au contraire heureuses de les accompagner». En tout cas, les promoteurs se disent être dans une situation de dilemme. Ces derniers ayant investi massivement, poussés par des encouragements étatiques et ne pouvant pas accéder au financement, les promoteurs immobiliers ont soit impacté cela sur les prix des produits ou pire ! Ils ont maintenu les prix, mais n'ont pas respecté les niveaux standards de qualité attendus par les consommateurs. Cette situation a creusé davantage l'inadéquation entre l'offre et la demande à la défaveur du secteur immobilier en globalité. En termes de prévisions, 2015 serait marquée, selon les analystes, par une reprise de la croissance des crédits immobiliers à 5%, tirée par le crédit à l'habitat (+8%) en lien avec la poursuite de l'assouplissement des conditions d'octroi des crédits aux ménages. En revanche, les crédits aux promoteurs devraient encore afficher une baisse, mais moins soutenue qu'en 2014. Elle serait aux alentours de -2% contre -5,6% l'année dernière. La trajectoire que devrait emprunter les crédits pour les promoteurs conforte un scénario de poursuite de la baisse de la production du secteur immobilier sur les prochaines années, après le boom qu'a connu celle-ci après la loi de Finances de 2010. Quelle sortie de crise ? Les promoteurs immobiliers doivent d'abord se structurer. Leur offre doit être adaptée et répondre aux besoins des consommateurs. Des mesures pour l'encouragement des investissements immobiliers orientées consommateurs doivent être mises en place. La simplification des procédures administratives relatives à la délivrance des autorisations et des documents administratifs, tout en réduisant leurs délais, doit être également assurée. Pour les professionnels, la mise en place d'un cadre réglementaire incitatif au profit du moyen-standing permettrait au secteur de retrouver le chemin d'une forte croissance. Rabii Berady Directeur associé de Business Optimising Consulting Group «Le taux d'inflation a sérieusement impacté la demande» Les ECO : D'après les dernières statistiques de Bank Al-Maghrib, l'indice des prix des actifs immobiliers (IPAI) poursuit sa baisse. Quelles en sont les raisons, selon vous ? Rabii Berady : La baisse était attendue, pour la plupart des opérateurs immobiliers, pour cette simple raison qu'est le retour à l'équilibre des prix des produits de ventes. Il est à noter, aussi, que le taux d'inflation, depuis les années de gloire de ce secteur jusqu'à ce jour, a sérieusement impacté la demande «acquéreur» ainsi que la capacité des ménages à accéder à des logements affichant des prix exorbitants, parfois injustifiés. Le volume des transactions est également en baisse. Comment l'expliquez-vous ? Le seul créneau de produits finis immobiliers ayant affiché une bonne santé durant l'année 2013 et début 2014 est le social et l'économique. Cependant, l'offre qui dépasse la demande ou qui, parfois, n'est pas adaptée à certaines zones, a induit l'affaiblissement du taux d'acquisition. Ainsi, les investisseurs ou les promoteurs se sont trouvés dans une posture difficile vis-à-vis leurs créanciers, ce qui a engendré une baisse globale des transactions sur les produits finis et, par conséquence directe, sur la matière première qu'est le foncier. Pourquoi les transactions des actifs immobiliers ont ralenti alors que les prix des biens ont baissé ? La corrélation entre le volume des transactions et les prix subsiste, et les deux vont de pair, quel que soit le secteur d'activité appréhendé. Quelles sont, selon vous, les perspectives du secteur de l'immobilier en termes de prix et de transactions ? Nous pensons que 2015 devrait être l'année de la restructuration de grands opérateurs immobiliers en termes de stratégie immobilière, et plus exactement au niveau de leurs produits, de leurs projets immobiliers. Et parmi les aspects qui seront amenés à être revus, il y a l'écoulement de leurs stocks sur tous les types de produits, et la nécessité d'essayer de rassurer le marché immobilier. Nous pensons que cette année devrait s'inscrire dans la continuité de l'année 2014 en termes de prix, mais avec une augmentation au niveau du taux des transactions.