C'est l'une des conclusions d'un séminaire à Rabat en collaboration avec Brookings Institution et la JICA. La complexité du concept nécessite une réflexion multidimensionnelle sur les leviers à mettre en place. La croissance inclusive, en ces temps de crise, serait-elle une ambition réalisable ou un vœu pieux ? Un expert international avait une fois indiqué que pour y arriver il faut aboutir à une croissance du PIB de 7% et plus. Le contre-exemple vient alors de ces pays asiatiques ayant arrivé à une croissance à deux chiffres, mais sans pour autant réaliser l'inclusion de toutes les composantes de la société. Même remarque chez les pays développés d'Amérique et de l'UE, dans lesquels la question continue toujours de donner du fil à retordre aux décideurs. Il faut donc admettre que le partage équitable des richesses créées n'est pas forcément lié au niveau de la croissance, mais plutôt aux politiques publiques capables de le concrétiser. Pour percer le concept de croissance inclusive et mieux en cerner les multiples facettes, un séminaire a été organisé hier à Rabat à l'initiative du think tank américain Brookings Institution, le ministère des Finances marocain et l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Des experts de renommée mondiale y ont pris part dans une tentative de clarifier le concept et baliser le terrain aux moyens et mécanismes à même d'arriver à un modèle économique plus intégratif des couches sociales pauvres, des travailleurs et de la classe moyenne. Cette dernière, comme le regrette Hafez Ghanem, de l'Institution Brookings, est en perte de vitesse tandis que 80% de cette classe dans le monde arabe est très proche du niveau de la pauvreté (entre 2 et 5 dollars/jour). Cette situation, Ghanem l'explique par une contradiction criante dans les pays arabes : alors que dans les années 2000, ces pays ont connu une croissance forte, le taux d'insatisfaction n'a eu de cesse d'augmenter, y compris au Maroc. Comment donc améliorer l'inclusion ? Il faut d'abord commencer par l'éducation dont la qualité se dégrade à vue d'œil dans la région MENA. Selon une étude récente, il n'y a pas un seul arabe qui a atteint la moyenne dans le domaine de l'enseignement des mathématiques et des sciences. Plus encore, le chômage sévit parmi la population des diplômés. Ce qui pose un vrai problème de qualité de la croissance. Viennent ensuite les questions clés d'intégration de la femme dans le processus de création de la richesse et la réduction des inégalités spatiales. Selon Mohamed Boussaid, l'absence d'inclusion économique, s'explique un peu partout par des inégalités au niveau de l'accès aux opportunités longtemps limité aux grands groupes. Le ministre des Finances a évoqué aussi les inégalités spatiales, la problématique du genre et d'autres entraves à faire profiter le plus grand nombre des fruits de la croissance. Cet effort de réduction des inégalités quand bien même puisse-t-il être notoire, n'est toujours pas suffisant pour améliorer les indicateurs de développement humain au Maroc. Quant à l'ambassadeur du Japon à Rabat, Tsuneo Kurukawa, il a fortement mis l'accent sur l'étroite relation entre la croissance inclusive et la stabilité. L'une étant le pendant et la cause de l'autre et vice-versa. Pour lui, le Maroc fait exception dans la région MENA devenant ainsi un havre de stabilité. Preuve en est, l'existence aujourd'hui de 37 entreprises japonaises dans le pays employant plus de 30.000 personnes. C'est justement cette stabilité qui crédite le Maroc d'une aura régionale des plus valorisantes et contribue au trend haussier des investissements directs étrangers. Pour Shinichi Yamanaka, DG du département régional du Moyen- Orient et de l'Europe de la JICA, la collaboration avec le Maroc, depuis 1970, a permis d'aboutir à un total des subventions de 30 MMDH. Ce qui, encore une fois, dénote du rôle que joue le Maroc dans la région et son positionnement économique et social prometteur. Cela fait presque trois ans que la JICA et l'Institution Brookings réfléchissent ensemble sur les leviers à même d'encourager la croissance inclusive dans la région MENA. En effet, qui dit inclusion des populations de la région dans le développement, dit stabilité pour l'ensemble du monde, comme le soutiendra plus tard Kurukawa. C'est quoi une croissance inclusive ? Selon un récent rapport de l'OCDE, «Pour une croissance inclusive», plusieurs aspects, n'ayant pas trait au revenu, impactent la satisfaction des personnes. La santé, le niveau d'études, les conditions de travail, la qualité des institutions et d'autres aspects encore de la vie de tous les jours influent directement sur le bien-être. Selon une définition de la Banque asiatique de développement, la croissance inclusive est un concept qui va au-delà d'une croissance multidimensionnelle. Il s'agit d'une «croissance qui, non seulement crée de nouvelles possibilités économiques, mais assure aussi l'égalité d'accès à ces opportunités à tous les segments de la société, et notamment aux pauvres». Selon la Banque mondiale, la croissance inclusive se décline dans le rythme et le schéma de la croissance économique, concepts interdépendants et évalués simultanément. Selon cette approche, une croissance économique forte est nécessaire pour réduire la pauvreté absolue. Toutefois, pour que cette croissance soit durable, elle doit concerner le plus grand nombre de secteurs et de vastes pans de la population active d'un pays.