Retour de l'expansion dans l'aéronautique. C'est désormais confirmé par le franc succès du Salon international de l'aéronautique et de l'espace Le Bourget, autant pour les professionnels que pour le grand public. Et cette fois-ci, c'est du concret. Pas moins de 1.000 commandes et options d'achats ont été passées par les compagnies auprès des avionneurs, Airbus en tête. Autant de marchés nouveaux pour les équipementiers qui s'en frottent déjà les mains. C'est d'ailleurs sur cette catégorie que l'industrie marocaine met les projecteurs, car recelant le plus d'opportunités d'investissement pour l'aéronautique nationale, érigée par ailleurs en métier mondial du Maroc. Quelles raisons derrière le redécollage de l'aéronautique mondiale ? Quels en seront les premiers bénéficiaires ? Quel apport de la participation marocaine à cet événement de référence ? Et dans quelle mesure la filière nationale peut-elle s'arroger sa part du gâteau ? Surbookés Au cours de la 49e édition de ce Salon parisien de référence, qui s'est tenue du 20 au 26 juin courant, la délégation marocaine a mis les bouchées doubles pour atteindre le maximum de clients et d'investisseurs potentiels. Présidé par le ministère de l'Industrie et du commerce et l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI), le pavillon marocain, estampillé «Invest in Morocco», n'a pas désempli durant les premiers jours réservés aux professionnels. Nos deux têtes d'affiches, Ahmed Réda Chami, ministre de tutelle et Fathallah Sijilmassi, DG de l'AMDI ( Agence marocaine pour le développement des investissements ) ont été surbookés pendant le déroulement de l'événement, multipliant les plénières et les rencontres B2B, aux côtés des industriels représentés par Hamid Benbrahim El-Andaloussi, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS). Il faut dire que c'est l'opportunité à ne pas rater pour que le secteur national tire au mieux parti de la dynamique expansionniste qui s'annonce et qui devrait se poursuivre pour au moins 5 à 6 ans, selon les observateurs. Stabilité politique, premier argument commercial Chami n'a donc pas manqué de profiter de la tribune médiatique et professionnelle offerte par le Salon, pour vendre la destination d'investissement Maroc. Dans une conférence de presse qu'il a donnée devant plusieurs administrateurs européens de multinationales aéronautiques, le ministre a entamé sa présentation par la stabilité politique du pays et la réforme constitutionnelle en cours comme premiers arguments qui doivent être pris en compte par les industriels à la recherche de points de chutes pour leurs implantations futures. «Le Maroc tend plus à s'aligner sur l'Europe que sur les pays voisins», n'a cessé de marteler Chami. D'un point de vue économique, l'accent est mis sur le concept de «co-localisation» pour rassurer les européens quant à leurs craintes sur les impacts socio-économiques liés aux délocalisations. «Le Maroc peut jouer, pour l'Europe, le même rôle que joue le Mexique pour les Etats-Unis», insiste-t-il. Le Maroc serait, en somme, une solution incontournable pour que l'Europe maintienne sa compétitivité mondiale dans le secteur. IMA : clé de voûte de l'offre Maroc «Bien plus que la technologie, bien plus que le financement, le défi majeur de l'aéronautique réside dans la disponibilité de compétences qualifiées et spécialisées. Une problématique qui commence d'ailleurs à devenir inquiétante en Europe», interpelle Jean-Paul Béchat, ex-PDG du groupe Snecme puis du groupe Safran, deux acteurs français majeurs dans le secteur, en réaction à la présentation de Chami sur l'offre marocaine. Il n'a toutefois pas manqué de souligner l'excellence de l'expérience Safran au Maroc. Plus que jamais donc, la composante formation est la clé de voûte du développement de ce secteur de pointe. Pour rappel, le Pacte national pour l'Emergence industrielle table sur la formation de 15.000 lauréats dans les métiers de l'aéronautique à l'horizon 2015. Pour ce faire, une étape cruciale a depuis été franchie avec le lancement de l'Institut des métiers de l'aéronautique (IMA), inauguré début avril dernier. L'institut, géré par les industriels du secteur, offre une capacité de formation initiale de 400 opérateurs, techniciens spécialisés et cadres de middle-management annuellement, une capacité qui sera au fur et à mesure doublée. Elle sera également appuyée par les complémentarités offertes par les universités et les centres techniques. Mais est-ce suffisant pour suivre la montée en puissance de la demande, en phase avec les ambitions marocaines ? «Oui, pour l'instant», répond Hamid Benbrahim El-Andaloussi, président du GIMAS. «L'Institut pourrait éventuellement être étendu pour s'ouvrir à de nouveaux métiers et spécialités, afin de répondre à la demande à venir», poursuit-il, confiant. Quand la flambée du pétrole relance le marché La sortie de crise économique est certes l'une des explications majeures derrière la reprise de la croissance de l'aéronautique internationale. Mais elle ne suffit résolument pas à expliquer le cru exceptionnel de cette édition «historique» du Bourget. L'explication majeure découle d'une problématique énergétique, avec une réponse technologique. Il s'agit en l'occurrence de la flambée, désormais structurelle, des cours du pétrole, dont le dérivé, le kérosène, est devenu un poste de dépense majeur et une charge de fonctionnement déterminante sur les résultats de l'activité. Résultat : les compagnies aériennes renouvellent plus que jamais leurs flottes, gourmandes en carburant, en s'orientant vers les nouveaux modèles, plus sobres et moins polluants. Avionneurs et motoristes ont anticipé cette tendance en procédant à des évolutions technologiques significatives pour obtenir un rapport performance-consommation optimal. Les références les plus économes sont devenues les plus prisées, ce qui explique en grande partie les commandes record enregistrées lors de cette édition du Salon international de l'aéronautique et de l'espace. Un chiffre pour en illustrer l'ampleur : valeur aujourd'hui, les carnets de commande sont pleins pour les 5 à 6 ans à venir. Carton plein pour Airbus Surfant sur cette vague «écolo-économique», l'avionneur européen Airbus est le plus grand gagnant de cette 49e édition. La filiale d'EADS totalise, au terme du Salon, 730 commandes pour un montant de 72 milliards de dollars, contre 142 unités commandées pour 22 milliards de dollars pour son ennemi juré, Boeing. L'A320-NEO a été la pièce maîtresse de l'avionneur européen. Offrant 15% d'économie de carburant supplémentaire, le dernier-né des moyens-courriers d'Airbus est à lui seul derrière 667 unités dans le carnet de commande de l'avionneur. Depuis son lancement, le NEO a engrangé 1.029 commandes, mettant une pression colossale sur son concurrent américain, dont les commandes de B737 peinent à décoller, en attendant sa remotorisation ou encore son remplacement par un nouvel avion. Aussi les outsiders commencent-ils à activer leurs turbines pour bousculer les tenanciers du marché. Le canadien Bombardier et le chinois Comac sont les mieux placés pour tenter de faire de l'ombre au duel mythique Boeing-Airbus. RAM, pas de commande avant 2015 Sur le tarmac de l'aérodrome du Bourget, l'ATR 72-600, issu de la coentreprise entre EADS et Finmeccanica, est exposé aux couleurs de Royal Air Maroc, qui a reçu le premier exemplaire au monde de cet avion régional. Par cette acquisition, «les besoins de la compagnie nationale sont couverts d'ici 2015», indiquait Chami dans une interview accordée à Reuters. Pas de commandes en vue donc, mais un événement annoncé en partenariat avec Boeing le 12 octobre prochain, où l'avionneur amènera ses fournisseurs européens dans le cadre d'une mission commerciale. Signalons à ce sujet que, mis à part les ATR, la flotte de la RAM est quasi exclusivement constituée d'aéronefs Boeing (4 Airbussur 57 avions. Mais Chami insiste, «les portes restent ouvertes à Airbus dans le cadre du prochain programme d'acquisition, au-delà de 2015». «Ce salon marque la 2e étape du développement du secteur»: Hamid Benbrahim El-Andaloussi, Président du GIMAS Les Echos quotidien : En quoi votre participation à cette 49e édition du Bourget a-t-elle été particulière? Hamid Benbrahim El-Andaloussi : Cette édition du Bourget a incontestablement été la plus importante de tous les temps. D'abord par le nombre de participants et de visiteurs, et surtout par le nombre de commandes qui a pulvérisé tous les records. De plus, plusieurs programmes nouveaux sont en cours ainsi que de nouveaux entrants qui arrivent sur le marché comme Mitsubishi et le chinois Comac. Ce salon marque donc un véritable retour à la croissance. Les carnets de commandes sont archipleins pour les 5 ou 6 ans à venir. Et le Maroc dans tout ça? Les donneurs d'ordre de premier niveau devront étendre leurs capacités pour suivre la cadence de la demande. Pour le Maroc, c'est une opportunité stratégique pour développer la base aéronautique nationale. Il faut dire que le Maroc est désormais présent sur la carte aéronautique mondiale et reconnu comme base compétitive dans la continuité naturelle de l'Europe, à l'instar du Mexique pour les Etats-Unis. Concrètement, que s'est-il fait de concluant pendant le salon? Le Maroc s'est présenté au salon avec une nouvelle offre, notamment en matière d'emploi et de ressources humaines, avec le lancement du nouvel Institut des métiers de l'aéronautique (IMA). Nous avons organisé plusieurs rencontres B2B avec les professionnels, dont les premières conclusions ont été très encourageantes. Elles présagent le développement accéléré des entreprises déjà implantées, mais aussi de nouvelles implantations dans un horizon de 2 à 3 ans. Ce salon marque ainsi pour nous le début de la seconde phase de développement du secteur, qui compte aujourd'hui plus de 100 entreprises dans différents métiers. Les donneurs d'ordre insistent sur les RH comme élément déterminant pour le secteur. Disposerons-nous de compétences suffisantes pour suivre? Il est clair que dans ce secteur, le facteur premier de la compétitivité est celui des compétences humaines. Depuis le 4 avril de cette année, nous avons fait un saut stratégique avec l'ouverture de l'IMA qui est d'ailleurs géré par les industriels eux-mêmes. L'institut est appelé à fournir 400 lauréats par an, puis 800 dans un second temps. Techniciens, opérateurs spécialisés et middle management. Le complément viendra des universités et des centres techniques. De plus, il est possible de procéder à l'extension de l'institut pour l'ouvrir à d'autres métiers et spécialités.