L'embargo total décrété par la Russie sur plusieurs produits américains et européens donne des idées aux exportateurs marocains. L'Association marocaine des exportateurs entend saisir cette «opportunité» pour mieux se positionner sur le marché russe. «Le malheur des uns fait le bonheur des autres», dit le fameux proverbe. Le bras de fer qui oppose le bloc occidental à la Russie risque de tourner à l'avantage d'autres économies à l'image du Maroc. C'est du moins l'intime conviction des exportateurs nationaux, qui y voient une «opportunité en or pour enfin se positionner sur le marché russe». A peine la décision russe annoncée, l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX) est sortie de sa réserve pour remercier le ciel de cette «chance» qui s'offre au Maroc, et d'appeler à une «offensive» sur le marché russe. «Des amis russes nous ont contacté pour nous informer de la nouvelle avant qu'elle ne soit rendue publique. Nous nous préparons donc à offensive», déclare fièrement Hassan Sentissi El Idrissi, président de l'ASMEX, et non moins président du Conseil d'affaires maroco-russe. A l'«embargo total» d'un an décrété sur le bœuf, la volaille, le poisson, le fromage, le lait, et les fruits et légumes en provenance des Etats-Unis, de l'Union européenne, de l'Australie ou encore du Canada, les exportateurs marocains proposent des produits «made in Morroco». Le potentiel à saisir est immense. Rien qu'en 2013, les exportations de produits agricoles européens vers la Russie représentaient 11,8 milliards d'euros, soit plus de 120 MMDH. Au même moment, à en croire les statistiques officiels côté marocain, le volume des échanges commerciaux entre le royaume et la Russie tournent autour de 18 MMDH. Le royaume exporte l'équivalent de plus de 2 MMDH vers le partenaire russe. Que propose le Maroc ? Au niveau de l'ASMEX, on fait savoir qu'une stratégie sera prête vers la fin du mois courant afin de saisir cette opportunité historique. L'accent est mis sur certains secteurs de «niches». Il s'agit notamment des produits agroalimentaires, de la pêche et du cuir. Plus que cela, les exportateurs nationaux y voient également l'occasion de rediriger certaines de leurs exportations européennes vers la Russie. A en croire Sentissi, certains produits marocains exportés vers l'Europe finissent le plus souvent dans le marché russe. En dépit des nombreux obstacles qui plombent les échanges entre les deux pays, le président de l'ASMEX estime que les opérateurs nationaux ont la capacité de répondre à une partie de la demande russe malgré la féroce concurrence qui s'annonce. Pour le Maroc, la décision russe semble tomber à point nommé : la Haute commission se réunit le 17 septembre prochain. Les moyens de renforcer les échanges sera justement au centre des débats. Hassan Sentissi El Idrissi Président de l'ASMEX Les ECO : Pensez-vous que le Maroc puisse réellement profiter de la décision russe ? Hassan Sentissi El Idrissi : Bien sûr que oui ! C'est une décision qui arrive à point nommé pour le Maroc. Je dirais même que c'est une occasion unique pour le royaume d'intégrer le marché russe une fois pour toute. Il nous faut en profiter pour exporter au maximum. L'ASMEX compte anticiper et préparer le terrain à cette offensive. Nous allons décliner cette stratégie vers la fin août. Quels sont les secteurs de niches à exploiter ? Ils sont très nombreux et touchent aussi bien les produits agroalimentaires, de la pêche que du cuir. Un embargo russe sur les produits européens en cuir permettrait aux opérateurs marocains d'exporter directement vers la Russie car aujourd'hui, nous constatons que ce sont des chaussures fabriquées au Maroc que les Européens réexportent sur le marché, en réalisant des marges importantes. Quelles seraient les éventuelles barrières aux exportations marocaines ? De nombreuses entraves limitent les échanges avec le marché russe. Il s'agit notamment des différents impôts et taxes, de l'impossibilité de procéder à des importations indirectes, ou encore de la faiblesse de la desserte maritime. Au moment où 5 vols hebdomadaires lient le Maroc à la Russie, nous comptons une seule liaison maritime à partir d'Agadir. Cela dit, les barrières tarifaires ne manquent pas non plus. La haute commission mixte Maroc-Russie prévue le 17 septembre prochain permettra de discuter de tous ces problèmes. Une dizaine d'amendements pour booster les exportations Dans le cadre de l'élaboration de la Loi de finances 2015, l'ASMEX a émis plus d'une dizaine de propositions d'amendements soumises au ministère de l'Economie et des finances. Parmi les points évoqués : «Accorder aux exportateurs indirects les mêmes avantages et incitations que les exportateurs directs». L'ASMEX demande aussi la suspension de la TVA sur certaines opérations de promotion commerciale des exportations marocaines à l'étranger ou d'annuler le versement de cette TVA en la déduisant de l'encours de la TVA de la société. Concernant les secteurs de l'industrie de la pêche, les exportateurs proposent une baisse de la TVA et des droits de douane sur les emballages et intrants destinés aux industries de valorisation des produits de la pêche. Concernant le butoir de la TVA pour le secteur avicole, l'ASMEX souhaite à ce que le seuil soit relevé à 100 MDH et qu'une titrisation soit mise en place pour les montants dépassant ce seuil.