La mutation de l'ordre économique mondial est inéluctable et les gisements de croissance, d'investissements et de débouchés se réorientent doucement mais sûrement. Ils échappent petit à petit à nos partenaires traditionnels au profit, pour une grande part, des BRIC, l'acronyme désignant le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Pour le deuxième pays, le Maroc a nettement saisi le potentiel et met les bouchés doubles pour accélérer le partenariat, principalement dans sa composante économique. Un partenariat win win dans un contexte où le Maroc préserve encore son statut de pays exceptionnellement stable dans une région en ébullition. «Ce n'est pas un hasard si la 10e session du Conseil d'affaires russo-arabe se tient ce mois-même à Casablanca», confie Boris Bolotine, Ambassadeur de la Fédération de Russie à Rabat. «Je constate avec satisfaction que l'intérêt du business russe pour le marché marocain est grandissant, et que plusieurs délégations d'affaires russes ont fait le déplacement depuis le début de 2011», poursuit-il. Le Conseil d'affaires russo-arabe se réunira donc, du 24 au 26 mai à Casablanca, sous l'égide de la CGEM et du Conseil d'affaires maroco-russe. Quelque 300 opérateurs économiques russes, arabes et marocains, représentant différents secteurs d'activité dont l'énergie, le transport, le tourisme, l'agro-industrie, la pêche, la métallurgie, le BTP, les matériaux de construction et le commerce et services, y prendront part. Une manifestation multilatérale, mais qui sera l'occasion d'exploiter les opportunités économiques bilatérales entre les deux pays. Contexte régional oblige, les deux pays seront majoritaires parmi les participants. Plus d'une centaine de Marocains et près de 75 entreprises russes se rencontreront lors de l'événement, où la partie B to B aura une place de choix. L'occasion aussi pour les entreprises russes intéressées par le marché national de présenter leurs produits et services dans le cadre d'une exposition dédiée. Potentiel considérable Et les potentialités sont considérables. Rien que pour le tourisme, plus de 2,3 millions de Russes se sont rendus en Turquie, 2,2 millions en Egypte et 200.000 en Tunisie durant l'année 2010, alors que le royaume n'en a capté que 33.000. Ceci dit, la destination Maroc devient de plus en plus attractive pour les touristes russes, d'où l'importance de renforcer le dispositif de promotion envers ce marché à fort potentiel, mais qui reste nouveau. Ce n'est qu'en 2005 que le visa a été supprimé au profit des ressortissants russes, et le marché a été clairement identifié dans la Vision 2020 comme «marché nouveau» où il faudra percer. Le bureau de l'ONMT à Moscou a ouvert ses portes en 2009 et les premiers résultats sont très encourageants, notamment suite à l'ouverture d'une ligne aérienne directe par la RAM. Par ailleurs, les exportations marocaines concernent essentiellement les agrumes, les produits du textile et le cuir et se chiffrent à environ 2,5 milliards de dirhams au terme de l'année 2010. Il ne faut pas oublier non plus que le marché russe des agrumes est le plus important au monde, devant l'Union européenne. Dans le contexte actuel, le Maroc n'a d'autre choix que de chercher à sceller de nouveaux partenariats avec des pays à fort potentiel telle la Russie. Toutefois, c'est loin d'être évident pour maintenir un équilibre géostratégique où les partenaires traditionnels maintiennent leurs positions dominantes dans certains métiers, mais aussi compte tenu des spécificités intrinsèques de la Russie. «Le Conseil d'affaires maroco-russe a démarré il y a tout juste un an, et il n'est pas facile de percer dans ce pays qui est à la fois éloigné et très étendu géographiquement, mais ce n'est que le début, les choses iront plus vite dans quelque temps», concède Hassan Sentissi, président du côté marocain de ce Conseil d'affaires bilatéral et également président de la Fédération nationale des industries de la pêche (FENIP), autre secteur stratégique entre les deux pays. Ce dernier bénéficie d'un accord-cadre de 100.000 tonnes et une dizaine de navires qui réalisent leurs captures dans les eaux marocaines, à destination du marché russe. «Nous aimerions, il est vrai, que les captures soient débarquées sur nos ports, et que des investissements russes viennent s'implanter pour que les produits de la mer soient transformés localement, puis expédiés vers la Russie», poursuit Sentissi. En attendant, la Russie reste en lice sur des marchés stratégiques, principalement dans l'énergie, où le pays est compétitif, que ce soit pour la réalisation de la future centrale nucléaire entre Safi et Essaouira, ou pour avoir sa part du grand gâteau qui se profile pour la concrétisation du Plan solaire marocain, sans oublier la recherche géologique, l'immobilier et surtout le tourisme.