Grande réception ce soir à Casablanca. Le consulat général de Russie organise une soirée qui devrait connaître la participation prestigieuse d'une vingtaine de patrons et de banquiers russes, ainsi que des personnalités marocaines dont notamment, le patron des banquiers, Othman Benjelloun. Ne pas y voir un simple événement mondain, car cette réception est, avant tout, prétexte à business. «La délégation russe vient approfondir sa connaissance du marché marocain», explique-t-on auprès du consulat de Russie. «Les banquiers russes viennent en éclaireurs», avance, plus explicite, le président du conseil d'affaires maroco-russe, Hassan Sentissi. Celui-ci, en fin connaisseur des investisseurs russes, explique que leur champ de prospection est large, allant de l'industrie pharmaceutique ou encore l'agroalimentaire, au tourisme et jusqu'au montage de camions... Autant de secteurs qui pourraient intéresser des implantations d'entreprises battant pavillon russe au Maroc. Par ailleurs, les patrons du pays seront également en embuscade au Maroc, le 24 mai prochain, lors d'un colloque tenu à l'occasion du 10e anniversaire de l'accord entre la Russie et les pays arabes. Une centaine de personnalités russes seront de la partie et, signe de l'intérêt du pays pour le Maroc, des rencontres maroco-russes seront tenues en marge du colloque. Pour l'heure, la présence de ce partenaire reste timide au Maroc. Certes, il y a quelques mois, de grands groupes russes semblaient opérer une véritable offensive sur le marché national. Il en est ainsi d'Inteko, spécialiste du BTP, filiale du géant mondial Gazprom, qui avait initié en 2008 la construction de plusieurs sites touristiques dans la région du Nord pour un investissement conséquent d'un milliard d'euros. Ou encore, IFC Métropol, qui s'est lancé depuis 2005, dans un mégaprojet touristique pour un coût de 150 millions de dollars. Ce à quoi s'ajoutent quelques projets énergétiques épars, implantés par les Russes depuis des décennies. Mais en bout de course, le Maroc peine à hisser un pays de 140 millions d'habitants comme la Russie, dont la manne pétrolière se porte au mieux, parmi ses 40 premiers pourvoyeurs d'investissement directs étrangers. La situation n'est guère plus reluisante s'agissant des échanges commerciaux entretenus avec le pays. À examiner les statistiques de l'Office des changes sur les dernières années, le premier constat qui ressort est que ces flux sont largement déséquilibrés en faveur de la Russie, nonobstant le fait qu'ils pèsent peu dans le volume des échanges commerciaux du Maroc (moins de 5% des importations et 1% des exportations). En effet, le taux de couverture des exportations marocaines destinées à la Russie par les importations nationales provenant de ce marché, ne dépasse pas les 20% depuis 2006. Le différentiel en termes de valeur des produits expédiés explique cette situation. En effet, les exportations russes vers le Maroc concernent essentiellement le pétrole. Leur valeur qui s'établit en moyenne à 11 milliards de dirhams depuis 2006, a culminé à plus de 16 milliards de dirhams en 2008, concomitamment à la flambée du brut cette même année. Tandis que les expéditions nationales adressées au marché russe, concernent essentiellement les agrumes, le cuir et très peu de textile, explique Sentissi, ce qui fait qu'elles plafonnent à 2,3 milliards de dirhams depuis 2006. Pétrole, contre produits n'incorporant pas une grande valeur ajoutée... Le Maroc part désavantagé, mais il y a aussi que les opérateurs nationaux négligent encore le marché russe, estime Sentissi, en raison de la double contrainte de l'éloignement et de la langue, alors qu'ils pourraient profiter de niches évidentes. «La Russie connait six mois de neige par an et le Maroc pourrait se positionner en plate-forme de distribution des fruits et légumes pour ce marché», illustre le président du conseil d'affaires maroco-russe. Un autre filon pour le royaume consiste à s'ériger en maillon de la chaîne d'approvisionnement de la Russie en têtes de poulet, un produit que le pays importe en grande quantité. Il ne reste donc plus qu'à transformer l'essai. R.H