Comme vous le savez, nous sommes à la veille de grands rendez-vous, qui vont probablement déterminer l'avenir de ce pays, un pays merveilleux, quoi que j'en pense et quoi que j'en dise et un avenir qu'on espère radieux, sinon mieux. Quand j'ai dit ça, je n'ai en fait rien dit, car tout reste à dire et, surtout, tout reste à faire. Oui, mesdames et messieurs, vous savez que l'heure est grave et je sais que votre temps est précieux. Je sais aussi que vous n'avez pas envie de le perdre, ce temps, même si, entre nous, dans quelques semaines, il va vous paraître si long que vous seriez prêts à l'échanger contre un vulgaire hamburger. Pardonnez-moi, je crois que je m'égare. Bien sûr, ce n'est pas de bouffe que je voudrais vous parler dans ce billet, mais c'est un peu d'un registre similaire. En vérité, j'aimerais vous entretenir de politique, de politique d'aujourd'hui, qui est censée préparer la politique de demain. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, dans la politique, en général, il y a à boire et à manger. J'insinue par là qu'on y passe souvent son temps à se bouffer le museau et, parfois, à préparer dans certaines officines transformées en cuisines de bien étranges bouillabaisses, qu'on accompagne la plupart du temps de discours aussi fades qu'indigestes. Cela dit, beaucoup disent aujourd'hui et me prient de le dire moi aussi, que tout ça, c'était avant et que dorénavant, plus rien ne sera plus comme avant. Moi, je veux bien, mais d'après ce que j'entrevois dans le peu qu'on nous laisse voir, j'ai bien l'impression que certains – et je ne parle forcément que de ceux auxquels vous pensez – ne sont pas tellement pressés de se débarrasser des pratiques du passé. À croire que ça les arrange que le Maroc continue de faire du surplace, peut-être parce que c'est grâce à ça qu'ils ont réussi, mais eux seuls, à avancer si vite et en si peu de temps. Alors, comme ils diraient, pourquoi bouger et pourquoi changer des équipes qui gagnent... tellement ? J'ai sans doute l'air, comme ça, de plaisanter, mais je vous prie de me croire, je n'ai pas la moindre envie de me marrer. Vous ne pouvez pas imaginer combien ces gens-là m'énervent, et il y a bien de quoi. Tenez, prenons, par exemple, le projet de la nouvelle Constitution, dont le seul brouillon crée déjà pas mal d'embrouilles chez pas mal de types du type anti - bougeotte. Au moment où je commets ces quelques lignes tordues, je n'ai encore rien vu, ni rien lu. Par contre, eux, les privilégiés, même s'ils n'ont encore rien vu et rien lu non plus, ont eu au moins l'avantage d'en avoir entendu parler, de vive voix, et par qui de droit. Je sais que ça a duré plusieurs heures, que tout le monde a été tout ouïe, pour ne pas dire béni-oui-oui. Mais, après tout ça, je m'attendais, comme vous tous, je suppose, à les voir à la sortie soit applaudir à tout rompre comme ils savent si bien le faire, exprimant par là leur satisfaction totale, même après une simple présentation d'une mouture orale, soit poussant une de ces gueulantes comme on en voit parfois ailleurs, histoire de montrer que c'est bien en deçà de ce qu'ils attendaient. Si vous avez pensé également ça, c'est-à-dire la même chose que moi, laissez-moi vous dire que vous êtes bien naïfs et que vous ne connaissez pas encore assez bien nos valeureux, mais néanmoins étonnants politiciens. Franchement, je savais que certains dirigeants de certains de nos partis étaient bien ramollis par tant d'années de confort plutôt chouette, mais aussi et surtout, de courbettes et de positions pas toujours nettes, mais de là, à crier sur tous les toits que ce qu'on leur a présenté ce jour là, même s'ils n'avaient aucun droit de le toucher ni encore moins de le retoucher, dépassait tout ce qu'ils escomptaient, je trouve qu'ils ont poussé la babouche trop loin et baissé le tarbouche trop bas. J'en ai entendu quelques-uns protester vigoureusement et assez fort pour qu'on les entende en haut lieu contre ce dépassement qui dépasse leur si bas et si las entendement. Il y en a même qui sont allés jusqu'à menacer d'appeler à voter contre ce projet, du moins s'il reste dans sa version «brouillonne» qui a, apparemment, chatouillé leurs frileux neurones. Ceux-là, ils sont devenus si dociles et si versatiles, que je ne serais pas surpris de les voir, un jour, peut-être très proche, se rapprocher du diable, juste pour pouvoir, enfin, eux aussi, avoir une petite part du pouvoir. En tout cas, pour conclure, je dirais que si on compte sur tous ces gens-là, ce n'est pas demain la veille qu'on commencera à construire demain. En attendant, je vous souhaite un bon week-end et vous dis vivement le changement et vivement vendredi prochain.