C'est le dernier cri des céramistes ! Après plusieurs mises en garde quant à la détérioration du secteur, l'Association professionnelle des industries céramiques (APIC) vient de rendre public un communiqué qui tire la sonnette d'alarme : «L'Association est préoccupée par la situation alarmante du secteur du revêtement céramique du fait des importations massives non régulées à des prix de dumping manifeste». Et d'ajouter : «alors que l'ensemble du secteur a, ces dernières années, déployé des efforts considérables en investissant plus d'1 MMDH pour moderniser son outil de production, offrir un produit de qualité certifié aux normes internationales et développer l'emploi dans notre pays, nous assistons aujourd'hui à une anarchie totale dans le secteur des importations de revêtement céramique. Les importions de carreaux ont augmenté de plus de 40% sur les deux dernières années et la même tendance est observée sur le premier trimestre 2014». C'est dire que la situation est critique et les céramistes craignent le pire. Selon l'Association, certains importateurs, pour la plupart étrangers au métier et sans aucune règle, importent des carreaux céramiques issus des stocks européens d'avant la crise de 2008 à des prix de dumping et inondent le marché avec des carreaux de qualité suspecte sans aucune garantie ni conformité aux normes en vigueur. Mauvaise passe Mais comment en est-on arrivé là ? Les raisons sont multiples, mais deux d'entre elles sont déterminantes selon les céramistes : le passage à la vitesse supérieure dans la libéralisation des échanges avec l'Union européenne, surtout avec la fin des barrières douanières en 2012 et la crise économique et financière que traverse la majorité des pays du vieux continent, qui s'est traduite par une invasion du marché marocain. À titre d'exemple, les constructions de logements en Espagne sont passées de 200.000 unités annuellement à quelque 50.000. Une chute libre qui a poussé les entreprises qui opèrent dans les matériaux de construction à jeter leur dévolu sur le royaume pour écouler leurs produits. Le résultat est une concurrence acharnée aux entreprises locales, laquelle ne se fait pas toujours dans les règles de l'art. D'où le recours des opérateurs marocains au département du Commerce extérieur pour prendre des mesures de défense commerciale afin de limiter les dégâts. Les céramistes ne manquent pas de pointer du doigt le «choix» stratégique d'un alignement sur la tendance du commerce international en signant des accords de libre-échange (ALE) à tour de bras, ainsi que la crise économique qui a complètement chamboulé la donne en mettant à mal les entreprises locales, visiblement prises de court. Ces dernières, des PME en grande partie, n'étaient pas suffisamment fortes pour faire face à la concurrence qui en découle. Du coup, le ministère de tutelle est constamment sollicité pour limiter la casse et endiguer l'invasion des importations étrangères. Ce qui est loin d'être une mission de tout repos. Terrain glissant En effet, si de temps à autre, le département du Commerce extérieur défraye la chronique en annonçant une nouvelle décision, sa tâche n'est pas une mince affaire. Ainsi en témoigne l'affaire de la SNEP, qui a perduré pendant plusieurs années. Sur le terrain, des entreprises étrangères et les importateurs ne manquent pas d'ingéniosité pour liquider leurs produits. Les pratiques passibles de défense commerciale peuvent en effet prendre plusieurs formes. Les cas les plus répandus sont ceux où les entreprises étrangères cassent volontairement les prix de vente du produit exporté vers le Maroc, le but étant de serrer l'étau autour des entreprises locales jusqu'à ce qu'elles jettent l'éponge. Cette action donne la possibilité au fournisseur de fixer librement les prix de vente, loin de toute concurrence. Ensuite, il y a la forme dont se plaignent aujourd'hui beaucoup de secteurs : les subventions. Certains pays accordent en effet des aides à leurs entreprises exportatrices, ce qui leur donne une bonne longueur d'avance sur les acteurs du marché domestique qu'elles souhaitent envahir. Cette situation donne du fil à retordre aux autorités publiques, d'autant plus que le Maroc est lié par des ALE avec quelque 55 pays. Une autre difficulté réside dans les limites existantes entre le dumping ou l'importation massive et la concurrence tout court. C'est un terrain glissant qui demande un traitement minutieux. Il ne faut pas oublier que le Maroc est régi par les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et du coup, un abus des mesures de sauvegarde peut mettre le royaume en porte-à-faux vis-à-vis de l'organisation. Du côté du ministère du Commerce extérieur, on en est conscient. Le dispositif mis en place pour contrer ces pratiques constitue une transposition des règles et prescriptions pertinentes des accords de l'OMC, qui réglementent la question de la défense commerciale, à savoir l'accord antidumping, l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires, ainsi que l'accord sur les sauvegardes.