«Le cadre de l'investissement dans les infrastructures au Maroc est positif et, comparé à la région, c'est le pays qui a le plus d'atouts», s'est réjouit d'emblée Thierry Déau, fondateur et PDG de Meridiam, à l'occasion d'une conférence organisée vendredi à Casablanca sur le thème «L'investissement institutionnel dans les infrastructures : enjeux et opportunités». En effet, le royaume est l'un des seuls pays de la région à pouvoir se targuer de l'Investement Grade et où des financements relativement long sont disponibles notamment à travers la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Des atouts indéniables donc, mais aussi des points à améliorer surtout en ce qui concerne le cadre légal. «La loi de 2006 ne prévoit pas de dispositifs permettant des partenariats public-privé avec une rémunération en loyers indexés sur la performance», a suggéré Thierry Déau qui voit dans la mise en place de partenariats public-privé (PPP) avec loyers un moyen nécessaire pour financer l'infrastructure sociale. De manière générale, il faut souligner l'importance des PPP dans le développement des investissements dans l'infrastructure. Répartition adéquate des risques En effet, ce genre de partenariat permet une répartition adaptée des risques. Le risque d'expropriation de terrain, ou encore le risque administratif doivent naturellement rester dans le public car il est le plus apte à solutionner ce genre d'entraves. «Les PPP permettent aussi une optimisation du montage financier avec une forte présence de l'état à travers les subventions et les garanties», a expliqué Eric Hayoun, directeur financier chez CDC infrastructure. En fait, il y a deux modèles en la matière. Le premier s'articule autour d'une concession avec un subventionnement étatique, mais implique la nécessité de refinancement de la dette pour pouvoir coller à l'horizon généralement long du projet. Le second modèle se base sur des loyers fixes, et dans ce cas c'est l'opérateur privé qui prend en charge la gestion de l'infrastructure. Toutefois, recourir aux PPP pour le financement de l'infrastructure ne veut pas dire que l'on n'a pas d'argent. Car si le PPP implique le privé dans le domaine et permet une réduction de l'investissement public, il n'en demeure pas moins que l'Etat s'engage financièrement. «Un Etat qui n'a pas d'argent ne peut pas recourir à un PPP», a relevé François Jurd de Girancourt, directeur de projets au bureau parisien de McKinsey, qui explique que l'investissement dans l'infrastructure est une activité à forte composante capitalistique car ce sont généralement des actifs de plus de 20 ans. Pour les financiers, l'investissement dans l'infrastructure représente une classe d'actifs bien spécifiques, pour lesquels des fonds dédiés ont vu le jour de par le monde. «L'investissement dans l'infrastructure doit apporter aux fonds une certaine diversification et surtout un couple rendement/risque attractif», a tenu à préciser Farid Sedjelmaci, directeur de projet au bureau casablancais de McKinsey, avant d'étayer : «Ce sont des actifs monopolistiques avec contrat longue durée et permettent une protection contre l'inflation». En effet, la stabilité à long terme des cash flows est le principal argument de l'attractivité de ce genre d'actifs. Il faut toutefois distinguer deux types d'investissement dans les infrastructures, celles appelées greenfield et d'autres nommées brownfield. Ces dernières concernent des infrastructures déjà présentes qu'on veut ouvrir au privé, comme par exemple la privatisation d'une autoroute. Alors que les greenfield concernent des infrastructures à construire, c'est une phase à très grand risque qui est souvent portée par l'Etat. Par essence, les pays développés recèlent moins de potentiel en ce qui concerne le greenfield, vu l'état de développement avancé de leurs infrastructures. À contrario, des pays en voie de développement, comme le Maroc, y ont un potentiel très important. Possibilité de recours Aussi, les fonds spécialisés dans l'infrastructure lorgnent de plus en plus les projets d'infrastructure au Maroc. Même s'ils restent prudents en matière de sécurité juridique et de règlement de contentieux. Ces fonds veulent s'assurer de la possibilité de recours au niveau local ou à l'arbitrage international. «La prise de sûreté reste encor difficile à structurer en droit marocain», a regretté Thierry Déau tout en appelant à la mise en place d'actions concrètes en matière d'encadrement de la résolution des contentieux. In fine, et malgré certaines carences le développement des PPP, notamment à loyers fixes, permettrait d'orienter l'épargne locale et internationale vers ces projets à long terme et entretenir un cercle vertueux de croissance. C'est dans ce cadre que la conférence a aussi été l'occasion de présenter le lancement d'Infra Maroc (voire encadré), un fonds spécialisé dans l'infrastructure et sponsorisé par la CDG qui devrait servir d'outil de développement de l'investissement dans l'infrastructure dans le royaume. Infra Maroc privilégiera le Greenfield La conférence sur l'investissement dans les infrastructures, organisée vendredi dernier, a été l'occasion de présenter le lancement d'Infra Maroc. Ce fond, sponsorisé par la CDG, investit principalement dans des projets nouveaux «Grennfield» dans des infrastructures énergétiques, urbaines et de transport. Il investit également, dans une moindre mesure, dans des actifs de second marché «Brownfield». Le fonds est géré par CDG capital infrastructures et bénéficie d'un partenariat exclusif avec InfraMed, qui est lui-même un fonds d'investissement dédié aux infrastructures des rives méridionales et orientales de la Méditerranée né dans le giron de l'Union pour la Méditerranée. La taille cible d'Infra Maroc est de 3 milliards de dirhams auxquels viendront s'ajouter les engagements dédiés par InfraMed à l'investissement au Maroc, soit 1 à 2 milliards de dirhams. La durée de vie d'Infra Maroc est de 14 ans, extensible, en cohérence avec la nature des actifs sous-jacents et sa stratégie de placement à long terme.