En cette conjoncture difficile que traverse l'économie du royaume, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de prendre des mesures drastiques pour limiter les dégâts. Après la hausse des prix des carburants en 2102, les coupes dans le budget de l'investissement public, l'Exécutif revient à la charge avec l'indexation des prix des produits pétroliers, et à coup sûr, les décisions de rigueur, aussi amères et impopulaires soient-elles, ne s'arrêteront pas là. La loi de Finances 2014, dont la lettre de cadrage se fait toujours attendre, apportera d'autres «mauvaises nouvelles». Pour les opérateurs économiques, premiers concernés par tout changement des tarifs ou des taux de fiscalité (avant de répercuter la hausse sur le consommateur !), c'est le moment de se mettre en ordre de bataille. Un branle-bas de combat a été déclaré dans les états-majors de toutes les fédérations et associations professionnelles afin de ne pas être pris de court. Maintenant ou jamais ! Au niveau de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les choses sérieuses ont bel et bien commencé : «nous sommes en train de finaliser notre feuille de route pour les propositions fiscales de la Confédération pour la loi de Finances 2014. Un travail de compilation des revendications de toutes les associations et fédérations membres de la CGEM est en train de se faire, lequel devra déboucher sur un cahier revendicatif cohérent qui prenne en considération la conjoncture actuelle de l'économie du royaume et vise à améliorer la compétitivité de nos entreprises», indique Abdelkader Boukhriss, président de la Commission fiscalité à la CGEM. Une fois le document prêt, commence alors un vrai travail de lobbying pour convaincre et faire passer la pilule. «Le but de la CGEM est de défendre les intérêts de ses membres. Il est certain que nous allons utiliser tous les moyens légaux pour faire passer nos propositions et cela se fera en plusieurs étapes : les négociations, officielles et informelles avec le gouvernement, les réseaux et relations professionnelles, les relais de la Confédération au sein du Parlement, toutes les options seront utilisées pour faire entendre sa voix et surtout influencer les décideurs au moment de la prise de décision», explique un membre de la Confédération patronale. Il faut user de tous les moyens pour obtenir gain de cause ou, du moins, limiter les dégâts en cas de mesures inévitables. D'autant que la marge de manœuvre du gouvernement est très réduite et que pour décongestionner les finances publiques, il est obligé d'explorer toutes les pistes afin d'augmenter les recettes fiscales du Trésor. Les opérateurs appréhendent très mal d'ailleurs ce retard dans l'élaboration de la lettre de cadrage de la loi de Finances 2014, un document qui donne normalement le tempo et constitue la base des négociations. «La crise gouvernementale plonge les opérateurs économiques dans la tourmente. Jusque-là et à un mois de la date limite du dépôt du projet de la loi de Finances au Parlement, nous n'avons encore aucune idée sur les orientations de l'Exécutif», déplore ce responsable de la CGEM. Lobbying vs bras de fer En attendant plus de visibilité sur les intentions du prochain gouvernement, qui connaît un accouchement dans la douleur, les opérateurs s'activent pour peser dans le débat public et ne pas se faire dépasser par les événements. Sur ce registre, les industriels et chefs d'entreprise soufflent le chaud et le froid, et cela semble donner ses fruits. À l'occasion de chaque hausse des prix, les professionnels concernés montent au créneau, au mieux pour annuler la décision, au pire pour limiter la casse et négocier en contrepartie d'autres avantages. L'entrée en vigueur de l'indexation en est un exemple édifiant. Les industriels et chefs d'entreprise n'allaient pas avaler cette pilule amère, qui se traduit, in fine, par un alourdissement des charges tout en restant les bras croisés. Aussitôt la mesure annoncée, un branle-bas de combat a été déclaré dans les états-majors de toutes les fédérations et associations professionnelles. Décision impopulaire par excellence, au coût politique incertain, une ruée dans les brancards des opérateurs économiques aurait mis le feu aux poudres. La corporation des transporteurs le sait très bien et n'a pas hésité à surfer sur la vague. Résultat, la Fédération nationale du transport routier, qui regroupe plusieurs associations, a réussi à faire fléchir Najib Boulif, ministre des Affaires générales et de la gouvernance. À l'issue d'une réunion qui a duré plusieurs heures, mercredi 18 septembre, le ministre PJDiste annonce la constitution d'une Commission technique pour l'étude des doléances des professionnels du secteur. Dans le lot des avantages en négociation, l'augmentation de la TVA à prix fixe de 10 à 20%, une mesure qui consiste à ajuster le prix HT du gasoil, de manière à garder le même niveau du prix TTC, le différentiel étant supporté par l'Etat. Le gouvernement a finalement lâché du lest, mais cela ne semble pas plaire à tout le monde. Les transporteurs de voyageurs affiliés à l'Union marocaine du travail (UMT) ont annoncé une grève aujourd'hui lundi. Les taxis, petits et grands ainsi que les bus sont de la partie. Au-delà de l'entrée en vigueur de l'indexation, le timing n'est guère anodin. Les syndicats avaient promis une rentrée chaude pour le gouvernement. En outre, cela tombe à point nommé avec la préparation de la loi de Finances 2014. C'est le moment idéal pour marquer des points et obtenir des acquis. Relais politiques Souvent, un bon lobbying, un lobbying efficace et discret, est une affaire de personnes ou plutôt de personnalités, de par leurs connexions et leur réseau, qu'il soit formel ou non. La bonne personnalité au bon endroit et au bon moment constitue en effet un atout stratégique pour défendre une position ou des intérêts auprès des faiseurs de décision. Parmi ces personnalités clés, certaines peuvent avoir des doubles , voire de multiples casquettes. Membres d'une fédération professionnelle et parlementaires à la fois ou encore chefs d'entreprise, membres du bureau exécutif d'un parti politique selon les circonstances et les objectifs, les exemples ne manquent pas. Ces personnalités, par définition, se trouvent en situation de conflit d'intérêt, puisque leurs activités parallèles s'entremêlent facilement et les casquettes se chevauchent sans scrupule. Ils constituent les relais politiques, point de jonction entre la gestion de la chose publique et le monde des affaires. C'est d'ailleurs l'une des motivations derrière la haute discrétion qu'ils entretiennent, évitant de s'exposer eux et leurs activités au grand jour.