Le Maroc est-il sur la bonne voie en matière d'intégration de son économie à la chaîne de valeur commerciale mondiale ? D'après les principales conclusions de l'édition 2013 du rapport de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), la réponse est a priori positive. Selon le document qui sera publié aujourd'hui à Genève, où siège l'organisation, mais aussi à Rabat, les leviers d'une véritable gestion de cette période post-crise économique qui se dévoile progressivement, se trouvent dans la redéfinition de nouvelles politiques axées sur un soutien à la demande intérieure. Pour la CNUCED, qui passe en revue l'état des lieux du commerce mondial, ainsi que les tendances des politiques les plus efficaces, les pays développés et ceux en développement ne doivent en aucun cas avoir recours aux stratégies mises en œuvre pour contenir puis sortir de la dernière crise économique, qui est en voie d'être dépassée, comme le confirment les principaux indicateurs. L'organisme onusien recommande l'adoption de nouvelles approches mieux adaptées pour accompagner les pays du monde, principalement les économies en transition, vers une croissance inclusive et créatrice d'emplois. «Ces approches doivent être remplacées par des politiques visant à parvenir à une croissance équilibrée, qui met davantage l'accent sur la demande intérieure et régionale, par opposition à une forte dépendance vis à vis des exportations», avertit la CNUCED. Le rapport, sous-titré «S'adapter à l'évolution dynamique de l'économie mondiale», a ainsi mis en évidence le fait que le développement des économies en transition ne peut plus s'appuyer fortement sur les exportations vers les pays développés. La principale raison est que «la croissance de la demande des consommateurs dans les pays riches a considérablement diminué et les économies des pays industrialisés devraient croître lentement à court et long termes». Selon la CNUCED, contrairement à une croissance tirée par les exportations, les stratégies de croissance équilibrée peuvent être mises en œuvre par tous les pays, simultanément, sans tenir compte des obstacles liés aux salaires contre-productifs ou à la rude concurrence fiscale. De ce fait, la CNUCED conseille aux gouvernements des pays développés et de ceux en développement de canaliser leurs investissements au sein de «l'économie réelle». Pour les experts de la CNUCED, cela renvoie à la réorientation des activités telles que l'industrie, l'agriculture, les services et les infrastructures. Il ne s'agit pas là de la seule recommandation de la CNUCED, mais en l'espèce, elle conforte l'évolution de l'économie marocaine ces dernières années. Levier de croissance C'est un fait des plus évidents, confirmés par tous les indicateurs disponibles portant sur l'évolution de l'économie nationale de ces dernières années. La demande intérieure constitue la principale composante de la croissance du PIB et, même si celle-ci est corrélée à la campagne agricole, elle continuera à jouer ce rôle à court et long termes. C'est ce qui ressort d'ailleurs des principales prévisions du Haut-commissariat au Plan (HCP). Dans son budget exploratoire pour les exercices budgétaires 2013 et 2014, le HCP estime que la croissance du PIB sera fortement tributaire du bon comportement de la demande intérieure qui va bénéficier de «l'amélioration de la consommation des ménages, sous l'effet notamment de l'accroissement de leurs revenus induits par la performance de l'activité agricole». Au total, le HCP anticipe que la demande intérieure contribuera pour 5,8 points à la croissance du PIB en 2013, contre 2,7 points en 2012. La même tendance se poursuivra en 2014, avec cependant une valeur ajoutée moins significative que celle de l'année en cours, puisque le HCP s'attend à un accroissement de la demande intérieure de l'ordre de 2,8% en volume, au lieu de 5% en 2013 et à une contribution à la croissance de 3,2 points. Vu sous cet angle, les perspectives de l'évolution de l'économie nationale s'inscrivent dans la droite ligne des recommandations que vient de publier la CNUCED. Il faut relever que cette année déjà, les prévisions se confirment, puisque selon les derniers indicateurs de conjoncture de la DEPF relevant du ministère de l'Economie et des finances, la demande intérieure aurait maintenu une tendance positive en 2013, malgré le contexte international défavorable. «La consommation des ménages, principal levier de la croissance économique nationale, bénéficie de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment la création de 126.000 emplois rémunérés au premier trimestre 2013 et la progression toujours positive de l'encours des crédits à la consommation, avec une hausse de 6,5% à fin mai 2013», a relevé la DEPF. De même, elle a également profité de la réalisation d'une bonne campagne agricole et de la reprise des transferts MRE (+2,6% au deuxième trimestre 2013, après -3,7% au premier trimestre 2013) ainsi que la relative maîtrise des prix à la consommation (+2,4% pour l'IPC à fin mai 2013). La CNUCED conforte ainsi la tendance d'évolution de l'économie nationale, même si celle-ci doit être tempérée. La principale inquiétude qui ressort des avis exprimés par les économistes, c'est justement le fait que le bon comportement de la demande intérieure n'est que la conséquence de la production agricole. Autrement dit, l'action des pouvoirs publics n'aura aucun impact, comme le souligne l'universitaire Hicham El Moussaoui (voir page 10). Au moment où, en dépit des mesures prises et de celles envisagées, les exportations marocaines peinent à se développer, notamment sur le marché européen et que le secteur industriel traverse une mauvaise passe, il est temps pour le gouvernement de revoir sa copie. En tout cas, dans sa feuille de route, le gouvernement Benkirane avait pris l'engagement de miser sur la contribution de la demande intérieure pour relancer l'économie nationale.