La situation dure depuis des mois. L'essentiel des banques ont fermé le canal des prêts garantis par le Fogarim. Les deux seules banques qui continuent à octroyer cette catégorie de prêts immobiliers sont dans le giron de l'Etat. En effet, la Banque Populaire et le CIH, où des représentants des organes de l'Etat siègent dans le conseil d'administration (CDG pour le CIH), assurent ainsi en quelque sorte le service minimum dans un secteur en grève contre Fogarim. L'ensemble des autres banques ont pour leur part fermé le robinet de ces prêts au logement en faveur des populations à revenus modestes. Cette situation commence à inquiéter le département de l'Habitat. «Nous sommes en train de surveiller de près ce blocage de la part des banques au niveau des prêts Fogarim, car effectivement, seules deux banques continuent à octroyer des prêts immobiliers dans le cadre de ce mécanisme de garantie», déclare Nabil Benabdellah, ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville, en confirmant au passage la persistance de cette situation de blocage. Le GPBM pas au courant! Pour sa part, l'organisme de représentation des banques tient une position pour le moins opaque, en éludant la question. Contacté par nos soins, El Hadi Chaibainou, directeur général du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), affirme, ainsi, «ne pas être au courant de cette situation». Notre insistance sur la question n'y fait rien, Chaibainou coupant court à l'échange : «je n'ai aucun commentaire à faire». Il semble que ce sujet soit particulièrement embarrassant pour les établissements bancaires, et nos appels répétés vers plusieurs banques sont demeurés sans réponse. Il a fallu se diriger vers les agences commerciales des banques pour avoir un semblant d'explication. «Nous avons reçu des directives explicites de notre management pour arrêter l'octroi des crédits Fogarim», nous explique un chargé de clientèle bancaire dans un établissement marocain contrôlé par un grand groupe français. «Selon les explications du siège, c'est l'augmentation de la sinistralité sur ce type de prêts qui a motivé cette décision», poursuit notre source bancaire, qui ajoute au passage «poliment rediriger les clients demandeurs de crédits Fogarim vers des enseignes concurrentes», à savoir les agences de la BP et du CIH. Arbitrages Un autre chargé de clientèle dans une autre banque, tout en confirmant avoir reçu les mêmes directives de sa hiérarchie, tempère toutefois le degré du blocage. «Effectivement, la plupart de nos agences, notamment les plus importantes, ont reçu l'ordre de se retirer du créneau Fogarim. Cependant, il y a d'autres agences, notamment dans les petites villes et dans certains quartiers périphériques qui continuent à en octroyer au compte-gouttes, parce que l'essentiel de leur activité de crédit est généré par ce type de prêts», explique cette autre source. Au-delà de l'état de fait désormais recoupé, les raisons derrière cette décision sont multiples mais convergentes. Augmentation des créances en souffrance sur cette catégorie de prêts, coûts de gestion élevés, risque supérieur à la moyenne, le tout dans un contexte de raréfaction des liquidités. Une conjonction d'éléments qui poussent les banques à faire des arbitrages sur l'allocation de leurs ressources, afin d'en optimiser l'association rendement/risque. À cela s'ajoute un précédent qui est intervenu dans la région de l'Oriental, où l'ensemble des habitants d'un quartier de logements économiques ont décidé de suspendre le remboursement de leurs échéances dues. Prétexte ou problème de fond? La question reste entière. En attendant, la pression s'accentue sur les deux banques qui assurent le service, alors que les populations à revenu modeste font face à encore plus de difficultés pour accéder à un logement décent. point de vue Nabil Benabdellah, ministre de l'Habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville . Nous sommes en train de surveiller de près ce blocage de la part des banques au niveau des prêts Fogarim, car effectivement, seules deux banques continuent à octroyer des prêts immobiliers dans le cadre de ce mécanisme de garantie. Il s'agit en l'occurrence de la Banque Populaire et du Crédit Immobilier et Hôtelier. C'est une situation qui influe sur la politique de logement. Dans ce cadre, nous sommes en train de mener un dialogue avec les banques marocaines pour débloquer la situation. Toutefois, nous constatons qu'elles sont très frileuses, s'enrhumant à chaque courant d'air. Il est aussi vrai que ce blocage freine l'accès au logement pour les populations éligibles. Cela freine également le développement du logement social et économique. Il faut absolument entamer de nouvelles initiatives pour faire avancer les choses, en concertation avec les banques marocaines.