Encore quelques jours de négociations et Benkirane pourra définitivement laisser derrière lui la crise politique qui aurait pu provoquer la chute de son gouvernement. En parvenant à rallier le RNI, le chef du gouvernement a habilement réussi à sauver sa majorité, qui va devoir faire place à un nouveau venu. Le parti de la colombe est désormais en instance d'engagement avec le PJD et ce qui reste de la coalition (le PPS et le MP), ce qui inaugure un nouveau départ pour l'Exécutif avec toutes les conséquences que cet épisode, le premier de l'histoire (politique) du Maroc, suppose. L'accord de principe validé, les regards vont désormais se tourner vers la prochaine étape du processus qui s'annonce difficile. Dès cette semaine, Abdelilah Benkirane et Salaheddine Mezouar s'attèleront à définir les grands axes de gestion de la nouvelle alliance avec ses autres leaders, à savoir Mohand Laenser du MP et Nabil Benabdellah du PPS. Tous les quatre ont été mandatés par leur formation politique respective pour mener les négociations en vue de la conclusion de l'alliance et de la formation d'un nouveau gouvernement. La tâche se trouve donc relativement moins compliquée puisque les positions ne sont pas toujours convergentes au sein de chaque formation à propos de la configuration de la nouvelle majorité. De ce fait, la partie que s'apprête à livrer maintenant les nouveaux alliés de la majorité s'annoncent plus comme une première épreuve que comme un «marchandage» politique, à l'issue duquel le gagnant sera celui qui aura amené l'autre à faire le plus de concessions. C'est du reste le message du président du RNI qui a tenu à insister, en marge des négociations, sur la nécessité de faire abstraction de tout chantage pour ne pas mettre en péril la réussite de cette étape stratégique pour la gestion de la majorité. En clair, chacun doit s'attendre à faire des concessions pour que tous les enjeux soient appréhendés dès le début des activités du nouveau gouvernement. Les détails à apporter à la nouvelle charte de la majorité et la formation du prochain gouvernement ou son remaniement serviront de référentiels pour jauger les réelles capacités de la nouvelle majorité à faire enfin bouger les choses. Il va sans dire que les premières réactions se focaliseront plus sur les probables gagnants et les éventuels perdants des manœuvres politiques en cours, mais ces considérations risquent fort de ne pas survivre aux premiers pas du gouvernement réactualisé. Le projet de loi de finances pour l'exercice 2014 sera, à coup sûr, l'occasion d'avoir une plus grande visibilité sur le cap que prendra la coalition. Réformes économiques Les enjeux politiques et socioéconomiques constitueront une donne importante, ils structureront les négociations entre les futurs alliés de la majorité. Les défis sont assez importants, particulièrement sur le plan socioéconomique qui traverse une inquiétante zone de turbulences et dont les effets ont été amplifiés par l'attentisme provoqué par la crise politique. Le discours royal du 30 juillet dernier a remis à l'ordre du jour les chantiers qui attendent le gouvernement. Il s'agira donc pour les alliés de s'activer pour valider un agenda clair des actions à mener, à court terme pour stabiliser la dégradation de la situation économique, et à moyen terme insuffler une nouvelle dynamique à l'économie nationale, de sorte à relever les défis d'une croissance durable et inclusive. La touche RNI est particulièrement attendue à ce niveau puisque le parti bénéficie d'une certaine expérience en matière de gestion gouvernementale. À ce titre, l'intégration de son programme à celui qui servira de feuille de route à la nouvelle majorité offre l'occasion au gouvernement de réactualiser ses prévisions à la lumière du contexte socioéconomique actuel. D'une part, la situation macroéconomique du pays s'est détériorée depuis la prise de fonction de Benkirane, c'est-à-dire à l'époque de l'élaboration de la Déclaration de politique générale (DPG). D'autre part, les actions menées jusque-là par le gouvernement n'ont eu que de faibles impacts sur le rendement de l'économie nationale. Les engagements pris par le gouvernement avec ses partenaires internationaux, notamment le FMI, ainsi qu'au niveau interne avec les hommes d'affaires et les syndicats, constituent d'autres arguments qui lient la prochaine coalition. Avec un décor presque planté, la nouvelle coalition gouvernementale se trouve presque devant les faits accomplis, ce qui servira de ligne de conduite pour les négociations.La rencontre qui devait réunir hier les deux dirigeants du PJD et du RNI devait donner le coup d'envoi des consultations à proprement parler pour la formation de la nouvelle coalition gouvernementale. Les négociations entre les deux principaux alliés de la coalition seront de toute évidence assez difficile au vu des prétentions de part et d'autre. Cependant, plus que les autres alliés, Abdelilah Benkirane et Salaheddine Mezouar n'ont que trop conscience de l'ampleur de la responsabilité qui leur incombe. À ce sujet, la rapidité avec laquelle les deux partis ont conclu l'accord de principe pour engager les négociations constitue un premier pas positif pour la coalition. Trop de temps a déjà été perdu. Désormais, le RNI se trouve engagé par les initiatives que prendra le majorité, notamment pour la formation du nouveau gouvernement. À ce niveau, les prochains jours s'annoncent décisifs pour la coalition. Les prétentions de certains partis de l'alliance n'augurent pas de répit pour Benkirane qui va, encore une fois, devoir accorder les violons de ses différents et ambitieux alliés. Prétentions politiques Au premier rang des grandes questions de l'heure sur lesquelles les leaders de la nouvelle coalition devront se prononcer, la formation d'un nouveau cabinet constitue incontestablement la plus difficile partie à mener pour les futurs alliés. La coalition doit d'abord déterminer l'alternative la plus crédible pour la constitution du nouveau gouvernement. Le remaniement, qui constituera l'épilogue de la procédure devra, de toute façon, se traduire par une révision de l'architecture du cabinet puisqu'il faudra intégrer les nouveaux arrivants. Ce sera également l'occasion pour le chef du gouvernement de revoir son cabinet à la lumière du rendement des ministres en poste, ce qui évidemment nous conduira à un jeu de chaises musicales. La répartition des postes en fonction des alliés peut aussi être source de discorde. Pourtant, d'un point de vue technique, les choses s'annoncent moins compliquées. Même si le RNI ne se contentera pas des postes laissés vacants par l'Istiqlal, il en ressortira tout de même avec un nombre de maroquins à peu près égal à celui que détenait le parti de la balance. Les deux partis disposent sensiblement du même poids au Parlement (52 sièges pour le RNI contre 60 pour l'Istiqlal). L'attribution des postes en fonction de leur enjeu stratégique devrait être l'aspect le plus décisif(voir encadré). À ce niveau, et contrairement à l'époque de la gestation du gouvernement Benkirane I, aucune position tranchée n'a été encore émise par les différents alliés. Il faut voir là une prédisposition à aller de l'avant pour la nouvelle coalition qui se prépare à une véritable épreuve pour affirmer ses ambitions. Le PPS à la croisée des chemins Il n'y a pas que le PJD et le RNI qui s'apprêtent à jouer une partie serrée lors de ces négociations pour la formation de la nouvelle coalition gouvernementale. Les autres partis de l'alliance, le MP et le PPS appréhendent également cet épisode avec une certaine dose de pression. Pour le MP, il s'agit de reconquérir de nouveaux Marocains, une revendication que les Harkis avaient mis sur la table depuis belle lurette et qu'ils entendent remettre à jour dans le cadre de la formation du nouveau gouvernement. Le Parti de Mohand Laenser s'appuie sur son poids au sein de la coalition pour légitimer sa demande qui risque de froisser, par contre, le PPS. Le parti du livre ne s'est pas encore remis du règlement intérieur de la Chambre des représentants, même si ce dernier n'est pas encore définitivement adopté. Le texte qui risque de priver le PPS de son groupe parlementaire est passé en commission avec l'appui du RNI et du MP. Si ces aspects peuvent créer des frictions entre les différents alliés, il ne faudrait aussi pas négliger la course aux départements à fort impact social donc à enjeux électoraux. Bref, des raisons de s'attendre à de dures négociations, ce qui engendre déjà des surenchères politiques de part et d'autre. La plus prisée est le recours aux législatives anticipées. Après le PJD, c'est désormais le PPS qui s'y met.