Le dispositif juridique lié à la protection du patrimoine culturel se renforce ! Ce n'est pas un, ni deux, mais trois avant-projets de lois qui viennent d'être validés par le ministère de la Culture. Il était grand temps que le Maroc mette à jour sa législation interne en assurant sa conformité avec les traités internationaux, notamment la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, que le Maroc a ratifiée en juillet 2006. La Constitution de 2011 a également mis la barre haut et plaçait parmi ses priorités la protection de la diversité culturelle marocaine. L'article 71 de la Constitution allant jusqu'à habiliter «le Parlement à voter des lois cadres concernant les objectifs fondamentaux de l'activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l'Etat». C'est d'ailleurs dans cette optique que le ministère de la Culture vient de dévoiler sa vision concernant la très attendue charte nationale du patrimoine culturel. Celle-ci se présente comme «un guide d'orientation, un outil de référence, et surtout, comme une plateforme d'éthique à adopter en vue de la préservation du patrimoine culturel national», indique l'avant-projet de loi. Le Maroc qui s'est désintéressé durant les dernières décennies de la protection de son patrimoine, compte rattraper le temps perdu. Jusqu'ici, le dispositif juridique manquait cruellement d'une charte sur le patrimoine qui s'adresse directement aux usagers et encadre la déontologie des pratiques liées à ce dernier. Concrètement, il s'agit d'une sorte de feuille de route, d'un recueil de bonnes pratiques constituant un complément de la réglementation qu'il réinterprète en valeurs et règles éthiques communes. Au-delà du renforcement stricto sensu de la protection du patrimoine et à l'énoncé des principes généraux liés au respect de ce dernier, cette charte définit les responsabilités et les engagements de toutes les parties concernées : Etat, collectivités territoriales, établissement et entreprises publics, entreprises privées, associations de la société civile et citoyens. Mieux encore, le texte exige du gouvernement l'élaboration d'une stratégie nationale du patrimoine culturel qui fait de la «préoccupation patrimoniale», une priorité au même degré d'intérêt que celles d'ordre économique, social ou environnemental. En outre, la charte prévoit un système de responsabilité envers le patrimoine assorti d'un mécanisme de financement des réparations et d'indemnisation. Ce projet de loi-cadre est accompagné de deux autres textes juridiques, tous soumis actuellement à commentaire au portail du Secrétariat Général du Gouvernement (SGG). Ces textes comptent faire face à la désuétude des dispositifs législatifs, vieux de plusieurs décennies. Il s'agit notamment d'un projet de loi relatif à la protection, à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine culturel qui vient renforcer et se substituer aux dispositions de la loi n° 22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et antiquités, vieille de plus de trois décennies. L'autre avant-projet de loi est celui concernant les «Trésors humains vivants». Un nouveau concept défendu par l'UNESCO qui incite depuis plusieurs années les pays membres à adopter un système de protection de cette catégorie. En effet, l'une des plus grandes menaces à la viabilité du patrimoine culturel immatériel est la diminution du nombre de ceux qui pratiquent l'artisanat, la musique, la danse ou le théâtre traditionnels... ainsi que la réduction du nombre de ceux qui ont la possibilité d'apprendre auprès d'eux. C'est dans cette perspective que le ministère a élaboré le projet de loi qui définit ces «Trésors humains vivants» comme étant des personnes qui possèdent, à un haut niveau, les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour interpréter ou recréer des éléments spécifiques du patrimoine culturel immatériel et en assurer la transmission. Le texte définit les critères de sélection de ces personnes, fixe les modes de financement nécessaires pour la gestion, la promotion et la pérennisation du système et stipule les droits et obligations des Trésors humains vivants sélectionnés et de leurs apprentis.