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Le patrimoine national culturel, propriété de l'ensemble des Marocains
S'appuyant sur l'article 71 de la Constitution : Projet de charte nationale du patrimoine culturel
Publié dans L'opinion le 29 - 06 - 2013

Protéger l'héritage culturel contre toutes les formes de destruction et de dégradation
La protection du patrimoine culturel matériel et immatériel sont au centre des préoccupations de l'Etat et hissés en priorité stratégique au moyen de trois importants avant-projets de loi relatifs à la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, aux trésors humains vivants et à la charte nationale du patrimoine culturel. Ce nouvel arsenal juridique s »appuie sur les dispositions de l'article 71 de la constitution et trace un cadre réglementaire précis, qui a jusque-là fait défaut, dans lequel doivent se déployer toutes sortes d'actions en relation avec le patrimoine culturel et la nécessité de le préserver et le mettre en valeurs ainsi que les engagements et devoirs de l'ensemble des acteurs impliqués par sa préservation.
Un tel dispositif constitue aujourd'hui un impératif stratégique d'autant plus que les territoires et les espaces s'urbanisent au détriment du patrimoine qui est à l'abandon ou est l'objet d'actes de destruction dont les responsables ne se préoccupent guère.
S'agissant de la charte nationale du patrimoine culturel que nous présentons ci-après à nos lecteurs, les initiateurs de cet avant-projet de loi estiment que, riche de son patrimoine culturel, le Maroc a développé au courant du siècle dernier une longue et importante tradition dans la préservation et la gestion de son patrimoine culturel. Toutefois, et en dépit d'une législation ancienne ; notre pays ne dispose pas d'une charte nationale du patrimoine culturel qui s'adresse directement aux usagers et encadre déontologiquement au plus près; les pratiques liées au patrimoine culturel. Le présent projet de charte qui est le premier du genre, vient combler ce manque. Il s'affiche comme un complément indispensable de la réglementation qu'il réinterprète en valeurs et règles éthiques communes.
L'élaboration de ce projet s'appuie sur les dispositions de l'article 71 de la Constitution habilitant «le Parlement à voter des lois cadres concernant les objectifs fondamentaux de l'activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l'État». Son contenu se rapporte aux prescriptions relatives à la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel, en concordance avec les choix de développement économique et social de notre pays.
Ce projet de loi-cadre vise ainsi à conférer une assise juridique à son contenu qui introduit de nouveaux concepts déclinés dans les principes, les droits, les obligations et les engagements qu'il présente. Dans sa vertu, elle se démarque de l'approche classique de nature technique stricto sensu et propose une démarche qui suscite la réflexion concertée et la planification méthodique avant l'intervention et propose un cadre d'action incitatif à la finalité et la protection.
- Inspirée par les orientations Royales exprimées à plusieurs occasions dans les discours et lettres de SM le Roi Mohammed VI, notamment le Message de sa Majesté aux participants de la 23ème session du Comité du patrimoine mondial du 29 novembre 1999, et dans lequel, le Souverain rappelle le besoin de souscrire à une approche dynamique « visant à intégrer notre patrimoine dans nos projets de développement et non seulement à l'embaumer dans une vision de sacralisation du passé » ;
- Animée par la volonté gouvernementale de doter le Maroc d'une loi-cadre sur le patrimoine culturel, avec une forte portée normative qui cadre avec les critères internationaux auquel le Maroc a adhéré ;
La présente charte, proposée à la fois comme un guide d'orientation, un outil de référence, et surtout, comme une plate forme d'éthiques à adopter en vue de la préservation du patrimoine culturel national:
I. formule les droits et devoirs inhérents au patrimoine culturel reconnus aux personnes physiques et morales et proclame les principes qui devront être respectés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements et entreprises publics et leurs partenaires, tant au niveau de l'élaboration de leurs plans d'action qu'au niveau de leur exécution ;
II. renforce la protection juridique de l'héritage culturel et dénombre les types d'actions ou de mesures que l'Etat se propose de prendre dans le but de le protéger et de le conserver contre toutes les formes de destruction, de dégradation, de déformation et de trafic illicite, en veillant à lui procurer un haut niveau de protection ;
III. met l'accent sur le devoir d'orienter et de modifier les comportements individuels ou collectifs, les modes de consommation et de production et la façon d'occuper le territoire à potentiel patrimonial;
IV. fait obligation au Gouvernement d'élaborer une stratégie nationale du patrimoine culturel qui fait de la « préoccupation patrimoniale » une priorité au même degré d'intérêt que celles d'ordre économique, social ou environnemental ;
V. définit les responsabilités et les engagements que toutes les parties concernées - Etat, collectivités territoriales, établissement et entreprises publics, entreprises privées, associations de la société civile et citoyens - doivent veiller au respect et à la protection du patrimoine culturel ;
VI. prévoit les mesures d'ordre institutionnel, économique et financier dans le but d'instaurer un système de gouvernance patrimoniale caractérisé par la bonne gestion, la transparence, l'efficacité, l'efficience, la concomitance et la cohérence des actions menées, notamment en termes d'éducation, de sensibilisation, de communication sociale dans le but d'évaluer et d'intervenir pour la protection du patrimoine culturel ;
VII. oeuvre pour un système de responsabilité envers le patrimoine assorti d'un mécanisme de financement des réparations et d'indemnisation et prévoit le renforcement de la capacité de l'Administration à veiller à la bonne application de la réglementation régissant ce secteur.
La charte nationale de préservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel s'inscrit dans la dynamique que connaît notre pays dans le cadre du développement social, économique et culturel et qui suscite un intérêt particulier pour le patrimoine national. Son assise juridique s'appuie sur les dispositions de l'article 71 de la Constitution habilitant "le Parlement à voter des lois cadres concernant les objectifs fondamentaux de l'activité économique, sociale, environnementale et culturelle de l'État".
Les dispositions de cette charte se rapportent à la préservation, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine national et tiennent compte des engagements internationaux du Royaume.
L'interdépendance, en matière d'intervention sur le patrimoine national, nécessite l'organisation des rapports et des démarches entre les différents protagonistes. Dès lors, la présente charte vient introduire de nouveaux concepts déclinés en principes, droits et engagements. Elle se démarque de l'approche classique, de nature technique stricto sensu, et propose une approche basée sur la réflexion concertée et la planification méthodique, avant toute intervention visant le patrimoine national, et préconise un cadre d'action consensuel qui favorise la finalité de la préservation, la protection et la mise en valeur de ce patrimoine.
Le patrimoine national culturel : Un héritage communautaire qui reflète l'identité nationale et préserve la mémoire
L'objet, les objectifs et les principes de la charte sont contenus dans le titre I du projet de loi, dont l'article premier stipule que la (présente) charte traduit la volonté de l'Etat dans le domaine de la préservation, la protection, la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine national culturel (culturel et naturel), définit les objectifs et les principes fondamentaux y afférents et incite à l'adoption de mécanismes de coordination, de coopération et de partenariat entre les différents intervenants et acteurs dans le domaine du patrimoine national culturel qu'ils soient des personnes de droit public ou privé.
Selon l'article 2, l'objet de la présente charte s'étend au patrimoine national culturel comme étant un héritage communautaire qui reflète l'identité nationale et préserve la mémoire. Ce patrimoine concerne tous les biens culturels matériel et immatériel légués par les générations passées, de la préhistoire à nos jours, représentant un intérêt pour la civilisation nationale ou universelle qui nécessite la conservation et la transmission aux générations futures. Il inclut :
1. Le patrimoine culturel dont :
‐ Le patrimoine culturel immobilier, composé de :
Sites et monuments (monuments, sites archéologiques, œuvres architecturales ...) ;
Ensembles historiques et traditionnels (médinas, kasbahs...).
‐ Le patrimoine culturel mobilier ;
‐ Le patrimoine culturel subaquatique ;
‐ Le patrimoine culturel immatériel (us, traditions, savoir‐faire...).
2. Le patrimoine mixte (cultuel et naturel).
Au titre de l'article 3 du projet de loi, la Charte vise à :
‐ encourager toute action consistant à préserver un bien culturel, matériel ou immatériel, dans l'état actuel pour en garantir la pérennité et la transmission aux générations futures ;
‐ faciliter l'adoption de structures de coopération et de partenariats entre les acteurs publics et/ou privés dans un cadre conventionnel consensuel à des fins
de préservation, de protection et de mise en valeur du patrimoine national culturel ;
‐ appeler à mobiliser tous les moyens de lutte appropriés contre toutes les menaces qui pèsent sur le patrimoine national culturel ;
‐ appeler les différents intervenants à mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour la préservation du patrimoine national culturel ;
‐ appeler les différents organismes publics concernés et leurs services centraux et déconcentrés à adhérer aux efforts visant la préservation du patrimoine national culturel, et sensibiliser les élus, les groupes, les communautés et le public à l'importance du patrimoine national culturel et l'urgence de la finalité de sa préservation ;
‐ définir les engagements de l'Etat, des collectivités territoriales, des différents organismes publics, des entreprises privées, des associations de la société civile et des citoyens en matière de protection du patrimoine national culturel ;
‐ Inciter les différents services de l'Etat concernés à établir des réformes d'ordre institutionnel, économique et financier dans le domaine de la gestion du patrimoine national culturel en faisant valoir la bonne gouvernance;
‐ appeler à renforcer le cadre juridique visant la préservation, la protection et la mise en valeur du patrimoine national culturel et à l'adapter avec les dispositions contenues dans les conventions internationales ratifiées par le Royaume du Maroc;
‐ œuvrer pour une meilleure accessibilité des groupes et des communautés d'accueil ainsi qu'à l'ensemble des citoyens au patrimoine national culturel.
L'article 4 précise que les principes énoncés ci-après constituent des éléments de cadrage à respecter lors des interventions techniques et au moment de l'élaboration et de mise en oeuvre des politiques, des stratégies, des programmes et des plans d'action par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics et par les autres parties intervenant dans le domaine de la protection du patrimoine national culturel :
‐ Principe de la primauté
Ce principe signifie que le patrimoine national culturel dont la valeur et l'intérêt ont été dûment reconnus doit primer sur le reste de son environnement. Par conséquent, il est un facteur déterminant lors de l'aménagement ou de la modification de cet environnement ;
‐ Principe de responsabilité
Ce principe signifie que toute personne, physique ou morale, publique ou privée est concernée par le patrimoine national culturel et a la responsabilité de sa préservation ;
‐ Principe de l'engagement
Il signifie l'organisation adéquate des responsabilités incombant à chaque entité par rapport aux obligations légales, face à la fonction de préservation et de mise en valeur du patrimoine national culturel, et la mobilisation constante des acteurs, de leurs entités hiérarchiques et des moyens de coopération dont ils disposent ;
‐ Principe de transversalité
Il consiste à adopter une approche globale intersectorielle lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques, des stratégies, des programmes et des plans d'action en prenant en considération la protection et la mise en valeur du patrimoine national culturel ;
‐ Principe de territorialité
Ce principe exige la prise en considération des différents niveaux de décision territoriaux, notamment régionale, en vue d'assurer une meilleure articulation des mesures initiées et de favoriser la mobilisation des acteurs locaux au profit de la protection du patrimoine national culturel ;
‐ Principe de participation
Ce principe permet l'organisation d'une large concertation entre tous les acteurs et intervenants dans le domaine du patrimoine national culturel à savoir les administrations publiques, centrales et déconcentrées, les autorités élues, les organisations professionnelles, la société civile, les universités et les habitants concernés...
Ce principe est essentiel au succès des opérations de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine national culturel ;
‐ Principe de précaution
Il consiste à mettre en place des mesures adéquates, viables et acceptables destinées à faire face aux dangers menaçant le patrimoine national culturel , même en l'absence de certitude scientifique au sujet des impacts réels de ceux-ci ;
‐ Principe de prévention
Il consiste à prévoir les outils d'évaluation et d'appréciation régulière des impacts des activités susceptibles de porter atteinte au patrimoine national culturel (les travaux d'aménagements, grands chantiers...) tels les études d‘impact sur le patrimoine national culturel , de préconiser et de mettre en oeuvre des mesures concrètes pour les supprimer, ou du moins réduire leurs effets négatifs ;
‐ Principe de spécialisation
Le patrimoine national culturel étant une ressource fragile et non renouvelable, toute intervention physique le concernant ne peut être entreprise que par les personnes habilitées, de par leur spécialité dans le domaine, ou par les instances compétentes ;
‐ Principe de réversibilité
Toute intervention physique sur le patrimoine national culturel doit être réversible ;
‐ Principe de la diversité culturelle
Il consiste à établir un équilibre consensuel entre les différentes composantes du patrimoine national culturel sans distinction d'ordre historique, régional, ethnique ou typologique. Toute approche visant la préservation et la mise en valeur doit prendre en considération le principe de la diversité culturelle.
Le titre II du projet de loi traite de la protection et de la mise en valeur du patrimoine national culturel. Son article 5 précise que le patrimoine national culturel doit faire l'objet d'une reconnaissance publique, solennelle et systématique.
L'ensemble des lois, des règlements, des mécanismes fiscaux, financiers et administratifs doivent favoriser, par des mesures adéquates et préventives, la préservation, la conservation, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine national culturel et ce, au niveau central, déconcentré et décentralisé.
Les principes et règles du droit international conventionnel dûment ratifiés par le Royaume bénéficient de la primauté qui leur est constitutionnellement reconnue.
Le patrimoine doit être transmis aux générations futures avec le plus grand souci d'authenticité et de maintien de sa valeur culturelle
Selon l'article 6 du projet de loi, l'importance scientifique, historique, culturelle, naturelle, sociale et esthétique du patrimoine national culturel, à l'échelle nationale, régionale et locale, doit être évaluée par des équipes pluridisciplinaires.
Ce patrimoine doit être préservé, conservé, sauvegardé, mis en valeur et transmis aux générations futures, avec le plus grand souci possible d'authenticité et de maintien de sa valeur culturelle exceptionnelle.
Dans toutes les mesures de conservation et de préservation, les apports significatifs de toutes les époques et la relation d'appartenance entre le bien culturel et son lieu d'origine doivent être respectés. Lorsqu'il n'en reste que certains éléments, ceux‐ci doivent être traités comme des ensembles intégraux. Les interventions doivent être lisibles et réversibles.
Selon l'article 7, l'inventaire, dont la compétence générale appartient légalement à l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, constitue une prérogative assortie de conditions techniques conduisant à l'inscription et au classement. Il spécifie en conséquence les menaces qui pèsent sur l'avenir d'un bien et constitue de ce fait le prérequis conditionnel et préalable à toute action ou stratégie de préservation.
Cette compétence générale imposante d'une obligation de résultats est conditionnée par les impératifs de collaboration et des concours de service des autres autorités notamment au plan territorial, déconcentré et décentralisé.
Les autorités gouvernementales en charge de l'Agriculture, des Eaux et forêts, de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, des pêches maritimes, de l'Artisanat, de la Défense nationale, des Habous... et les collectivités locales en coordination avec l'autorité gouvernementale en charge de la Culture agissent de concert pour établir un inventaire général des biens qui relèvent de leur compétence sur l'ensemble du Royaume obéissant au critère de patrimoine culturel.
Un tel inventaire peut être ordonné sur une base régionale.
Au titre de l'article 8, le patrimoine national culturel, dûment reconnu et inventorié, nonobstant toute modalité d'inscription ou de classement, doit demeurer la propriété de l'ensemble des marocains. L'Etat, les autres entités publiques et sociales n'en sont que les affectataires quel que soit le régime juridique qui le régit.
Une telle reconnaissance patrimoniale, légalement attribuée à un bien, indépendamment de son régime de propriété, en conditionne la transmission et établit toutefois le droit de préemption favorable à sa préservation, exercé au profit de l'Etat selon les strictes prescriptions légales.
L'article 9 du projet de loi précise que la normalisation est un outil réputé efficace pour préserver tous les processus cognitifs et pratiques, les matériaux naturels ou composés, les métiers d'art et les hommes détenteurs du savoir et savoir‐faire. C'est l'ensemble des procédés qui consistent à identifier, à spécifier et à labelliser des biens culturels dans les processus de production en vue d'en protéger les propriétés, l'invention, les usages qu'ils supposent, au niveau de leurs créations et de leurs applications.
Quel que soit le secteur auquel les processus de fabrication sont afférents, la normalisation est considérée comme inhérente au caractère des biens concernés dès lors qu'ils répondent aux critères des biens en question reconnus comme patrimoine national culturel et naturel.
L'établissement des procédés de normalisation est une composante essentielle pour la protection des droits qui découlent de la propriété intellectuelle et industrielle.
L'article 10 traite de 'entretien permanent et l'actualisation des moyens de sauvegarde qui demeurent la première mesure de protection du patrimoine national culturel.
Toute intervention doit être pensée au préalable et mise en actions programmées afin de prévenir, de préserver, de conserver le plus possible, de mettre en valeur et d'éviter toute posture hypothétique qui inhibe la volonté d'agir et dilue les responsabilités.
La mise en valeur d'un patrimoine culturel le rend plus accessible, utile et, au besoin, le réintègre dans la vie quotidienne, et doit être suivie de plans de communication et de diffusion de connaissances pratiques, en vue de la sensibilisation constante du public aux actions essentielles à la transmission du patrimoine culturel et à la pérennité de sa protection.
Pour sa part, l'article 11 vient préciser que les principes de préservation, de protection, de conservation, de sauvegarde et de mise en valeur doivent être considérés comme primordiaux et prioritaires dans la conception de tout schéma d'aménagement et dans l'élaboration de tous les documents d'urbanisme et de l'environnement comme dans leur exécution.
Selon l'article 12, quand il s'avère nécessaire, les adjonctions contemporaines, oeuvres de création ex nihilo, doivent s'intégrer aux biens culturels existant selon des exigences esthétiques et s'harmoniser au contexte environnant par la tonalité, la texture, les proportions...
L'article 13 stipule qu'en vertu du principe de précaution et du risque d'irréversibilité, il est indispensable de procéder, à titre préventif, à une analyse archéologique des terrains qui doivent recevoir de nouvelles constructions et projets de grandes envergures de façon à dégager les vestiges archéologiques et, le cas échéant, en envisager la conservation in situ.
Les caractéristiques importantes du patrimoine national culturel doivent être préservées et conservées lors du choix d'une nouvelle utilisation dans la conception et l'exécution des projets.
Les changements apportés à ces actions réputées patrimoniales, devront être en tout temps réversibles.
Le choix d'une nouvelle fonction de l'usage du patrimoine national culturel doit prévenir l'utilisation excessive et la détérioration qui en résulterait.
Au titre de l'article 14, lorsque le patrimoine national culturel est touché par une action précise, inhérente à un projet dûment autorisé, il en va de la responsabilité de l'intervenant public ou privé, d'informer le citoyen, en toute transparence, de la portée de l'intervention escomptée et de recueillir son avis selon les moyens de communication les plus adéquats (audiences publiques, expositions...).
Un tel recours au public au sein de la société, indispensable aux biens immobiliers, vise à rendre compatible le développement des projets avec la structure et la nature des bâtiments, des espaces et des sites qui la composent. L'utilisation du patrimoine national culturel dans ces projets exige le respect de son intégration aux activités économiques et sociales du milieu.
L'article 15 vient préciser que les résidents permettent au patrimoine culturel de conserver son dynamisme et son caractère fonctionnel. Ils en sont une partie inhérente qui contribue à sa protection et à son animation.
La vie qu'il faut préserver, conserver ou réintroduire en faveur d'un patrimoine culturel est la vie de tous les jours, qui ne dispense pas de celle faisant fonction d'un musée ou d'un lieu voué au tourisme.
La réanimation du patrimoine bâti à préserver doit être compatible avec le maintien voire l'amélioration de son identité, de son intégrité et de ses valeurs culturelles propres.
Au titre de l »article 16, selon le concept d'adaptabilité inhérent à toute action et mission d'intérêt général, la préférence devrait être accordée aux occupations traditionnelles en matière immobilière notamment les ensembles historiques et dans les zones rurales régionales. Il faudrait en tout état de cause respecter les besoins et les aspirations légitimes des habitants.
En bonne pratique patrimoniale, il faut favoriser le respect des droits coutumiers acquis par la population en place. La fonction d'habitat doit avoir préséance sur toute autre utilisation et être considérée prioritairement, nonobstant les règles légales de gestion administrative régie par le droit de l'urbanisme et de l'aménagement des espaces.
Conserver et rehausser la qualité de la vie du milieu dans lequel s'inscrit le monument, le paysage, le vestige ou l'ensemble est un objectif national prioritaire au sein des politiques publiques.
L'article 17 précise que la connaissance scientifique du patrimoine national cultuel est un prérequis essentiel à la préservation, comme l'est l'accès à cette connaissance et à l'information y relative par l'éducation, la formation et les médias publics et privés.
Se doter de tous les moyens adéquats d'acquérir cette connaissance, notamment par des inventaires à jour, des expertises préalables à toute intervention et des opérations de sensibilisation et de diffusion à tous les niveaux, requiert la juste adéquation notamment financière.
L'article 18 prévoit que la charte oeuvre pour qu'un modus vivendi puisse s'opérer entre urbanisme, aménagement des espaces fondé sur les créations et l'innovation d'une part et la finalité de préservation du patrimoine national culturel essentiellement conservatrice, d'autre part.
La réalisation d'un tel modus vivendi, dans les projets d'aménagement, se conçoit par :
- la concertation et la coordination permanente découlant du respect des prérogatives légales par les entités de gestion ou de supervision ;
- la synergie structurante dans les projets évoqués entre innovation et conservation qui priorise la dimension patrimoniale ;
- la conception, l'élaboration et la mise en agenda planifiée d'un partenariat entre les entités dans les secteurs de l'urbanisme, de l'aménagement et de la Culture.
Les compétences légales en matière de préservation du patrimoine culturel et la coopération dite partenariale entre les opérateurs publics et privés et les collectivités territoriales
Selon l'article 19, au sens de la présente charte, la finalité de préservation ne peut se réaliser qu'eu égard au respect des compétences légalement définies et de l'ensemble des modalités conventionnelles participatives et partenariales établies entre parties concernées.
L'article 20 précise que l'Etat est investi de :
- La tutelle légale générale sur le patrimoine national culturel, exercée selon une législation le régissant;
- La tutelle technico‐administrative qui est reconnue à l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, sur la base du principe de spécialité ;
- La tutelle financière reconnue à l'autorité gouvernementale en charge des Finances sur l'ensemble des prérogatives financières et fiscales liées au patrimoine culturel.
Selon l'article 21, la charte vise à délimiter le rôle de l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, compte‐tenu de ses fonctions légales dérivées de sa compétence générale tutélaire sur le patrimoine national culturel et eu égard aux fonctions des divers autres intervenants concernés quant à la réalisation de la mission de préservation de ce patrimoine.
Parmi les autres fonctions légales essentielles caractérisant cette compétence générale de l'autorité gouvernementale en charge de la Culture :
- Une fonction d'inspection générale sur l'ensemble des dimensions patrimoniales culturelles ;
- Une fonction d'étude, de documentation et d'inventaire général des biens culturels, quel qu'en soit le détenteur ou le gestionnaire ;
- Une fonction d'étude, de formation, de supervision et d'exécution archéologiques ;
- Une fonction générale de communication et de diffusion se rapportant au patrimoine national culturel à titre principal ou dans le cadre du partenariat conventionnel ;
- Une fonction consultative permanente avec les instances territoriales déconcentrées ou décentralisées.
Au titre de l'article 22, l'autorité gouvernementale en charge de la Culture exerce cette compétence générale de plein droit. Elle met en action une politique conventionnelle de type partenarial (conventions cadre) pour assurer la coordination avec les intervenants ayant la compétence légale de gestion sur les secteurs à dimension culturelle, à savoir :
- Les autorités gouvernementales partenaires : Habous, Artisanat, Tourisme, Urbanisme et Aménagement du territoire, Agriculture, Eaux et Forêts, Environnement, Energie et Mines, Pêches maritimes... ;
-Les institutions publiques : Commission nationale de l'Histoire militaire, fondation nationale des musées...
L'impératif de stratégie globale
Selon l'article 23, l'impératif de stratégie globale incombe à la tutelle exercée sur le patrimoine culturel par l'autorité gouvernementale en charge de la Culture.
Cette stratégie est à élaborer en concertation avec les intervenants publics et privés.
Elle s'apparente à la stratégie de la politique publique dont le gouvernement est responsable selon les règles constitutionnelles en vigueur.
Selon l'article 24, l'autorité gouvernementale en charge de la Culture maintient pour la faisabilité des projets de préservation, la consultation permanente avec les collectivités territoriales et avec les autres intervenants publics ou privés en vue de la conclusion et de la mise en oeuvre de conventions partenariales.
Pour être efficient, ce type de partenariat, basé sur le volontarisme et le consensualisme, doit remplir des critères qualitatifs mesurés par des indicateurs précis notamment :
‐- La convergence de vues sur les finalités de préservation dans les projets relatifs au patrimoine culturel ;
‐- La Co-élaboration d'une stratégie de mise en oeuvre avec des objectifs clairs et mesurables ;
‐ - La complémentarité des compétences et des moyens ;
‐ - L'inscription de cette relation dans le temps ;
‐ - La transparence ;
‐ - L'actualisation.
L'article25 prévoit que la fonction de gestion des biens culturels et naturels habousés est pleinement liée au droit de propriété inaliénable de ces biens telle que la détermine le régime des Habous en vigueur. La présente charte oeuvre pour en garantir le plein exercice au respect de l'exercice du pouvoir de supervision reconnue aux autres entités administratives, dont l'autorité gouvernementale en charge de la Culture.
Elle encourage la mise en place d'une politique partenariale conventionnelle qui concilie plein exercice du pouvoir de gestion programmée et pouvoir de supervision tutélaire susvisé.
L'artisanat, un secteur de forte confluence avec le patrimoine national culturel
L'artisanat est un secteur de forte confluence avec le patrimoine national culturel, précise l'article 26. Ainsi, la (...) charte, par le bais de la coordination entre les autorités gouvernementales compétentes, incite à la réhabilitation, la promotion, la transmission formelle du savoir-faire, des techniques et de l'esthétique liées à l'artisanat à valeur patrimoniale. De telles mesures contribueront indubitablement à la préservation d'un pan entier du patrimoine national.
L'article27 précise que le tourisme est le premier secteur bénéficiaire du patrimoine culturel. La présente charte appelle à une coordination entre les instances intervenant dans le patrimoine, y compris les collectivités territoriales, et les acteurs du tourisme sur des bases mutuellement avantageuses basées sur une péréquation financière dont les ressources sont directement affectées à la finalité de préservation.
Les modes de vie des communautés d'accueil, l'intégrité physique des sites et des ensembles historiques et traditionnels, les équilibres de la biodiversité doivent formellement être respectés dans tout investissement ou projet d'aménagement touristique.
La gestion du patrimoine culturel et le tourisme doivent produire des bénéfices économiques, sociaux et culturels, équitablement répartis entre les femmes et les hommes des communautés d'accueil, à tous les niveaux, à travers essentiellement l'éducation, l'enseignement, la formation et la création d'emplois.
Selon l'article 28, la connaissance du patrimoine culturel dans le but d'une prise de conscience quant à sa valeur est une nécessité à sa préservation. Le système d'enseignement doit inclure des programmes scolaires et universitaires favorisant la compréhension de la signification du patrimoine national culturel et de la nécessité de le préserver. Les institutions de formation professionnelle doivent aussi assurer une transmission des savoir et savoir-faire par la formation d'artisans, de techniciens, et de professionnels aptes à travailler dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine culturel.
L'éducation en matière de patrimoine culturel est aussi la responsabilité des autres instances éducatives. La famille, la société civile, les mass‐médias, les praticiens et les spécialistes sont indiqués pour participer à l'effort de la sensibilisation.
L'article 29 annonce que la Gendarmerie royale, la Sureté nationale, les Autorités locales et la Douane, de par leurs prérogatives, contribuent à la protection et à la préservation du patrimoine culturel et ce, par la lutte contre le vandalisme, le vol, le trafic illicite des biens culturels...
La formation et la formation continue liées au patrimoine culturel sont les moyens indiqués pour rendre plus efficace l'intervention de ces différents corps.
L'article30 prévoit que les départements de l'Agriculture, des Eaux et Forêts, de l'Environnement, des Mines et Energie et des Pêches maritimes... contribuent, chacun dans le cadre de ses prérogatives, en coordination avec l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine national culturel.
L'article31 précise que charte oeuvre, à des fins de préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel , pour l'adoption d'un partenariat entre l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, d'une part, et la Commission Marocaine d'Histoire Militaire, chargée de la mission d'étude, de documentation et de gestion des biens culturels à caractère militaire, et la fondation nationale des musées, chargée de la gestion de ces derniers et des collections y afférentes, d'autre part.
Les collectivités territoriales doivent faire de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine une priorité dans leurs plans de développement
Les article32 à 56 prévoient plusieurs dispositions innovantes ? Il est ainsi stipulé que 'Autorité gouvernementale en charge de l'Aménagement de l'espace structure, en coordination avec l'autorité gouvernementale en charge de la Culture, à travers les codes de l'Urbanisme ainsi que les documents d'urbanisme qu'ils prescrivent, l'ensemble du patrimoine bâti, notamment les ensembles historiques et traditionnels et leur paysage environnant.
La présente charte favorise la reconsidération du système fiscal en matière du patrimoine culturel notamment bâti. Des subventions ou des allégements fiscaux au profit des propriétés classées sont un encouragement aux propriétaires notamment lorsqu'il s'agit d'ensembles historiques et traditionnels menacés.
L'accroissement des attributions des collectivités territoriales et leur capacité d'initiative en matière de développement culturel et de préservation du patrimoine constitue un préalable à toute politique de régionalisation culturelle.
La présente charte appelle les collectivités territoriales à faire de la préservation, la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel une de ses priorités, lors de l'élaboration et la mise en oeuvre de plans de développement économique, social et culturel, et d'inclure ainsi le volet de l'aménagement culturel, notamment la conservation et la protection et du patrimoine culturel local parmi ses autres priorités dont la voierie, l'adduction d'eau et d'électricité, d'hygiène...
L'accès au savoir historique, artistique et aux savoir et savoir‐faire techniques afférents au patrimoine culturel, répond à un besoin prioritaire au sein des collectivités territoriales.
La formation et la formation continue des élus et du personnel administratif et technique, travaillant au sein des collectivités territoriales, dans le domaine de la préservation des biens culturels, est une priorité dont le partenariat est recommandé.
L'implication active des collectivités territoriales dans des actions de préservation passe aussi par le recrutement de ressources humaines spécialisées (Archéologues, Architectes‐restaurateurs, médiateurs du patrimoine culturel...).
Les engagements de l'Etat, des entreprises privées, des collectivités territoriales,
de la société civile et des citoyens
Les engagements de l'Etat, des établissements et entreprises publics, des entreprises privées, des collectivités territoriales, de la société civile, des groupes et des communautés et des citoyens sont traités dans le titre IV du pojet de charte. Ainsi, l'article 36 annonce qu'il incombe à tous de s'abstenir de porter atteinte au patrimoine national culturel et de contribuer aux efforts individuels et collectifs menés en vue de sa protection, de sa conservation et de sa mise en valeur.
Selon l'article 37, il incombe à l'Etat d'engager les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions de la présente charte.
L'implication des citoyens dans la préservation du patrimoine culturel est garantie par l'Etat.
Il est de la responsabilité des établissements et entreprises publics et privés de :
- contribuer par tous les moyens, notamment financiers, à préserver et à mettre en valeur le patrimoine national culturel (sponsoring, mécénat, dons...) ;
- préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel en leur possession ;
- inclure par principe la dimension patrimoniale dans les plans de développement prônés par ces établissements et entreprises.
Au titre de l'article 38, il incombe aux collectivités territoriales de :
- préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel (sites, monuments, lieux de mémoire....) ;
- inclure dans leurs plans de développement la dimension patrimoniale du développement durable ;
- recourir à des actions préventives et de sauvegarde du patrimoine national culturel local ;
- mobiliser les ressources financières au fin de la préservation et la protection du patrimoine national culturel ;
- oeuvrer à établir des inventaires locaux de leur patrimoine culturel, par collectivité locale concernée, en collaboration avec l'autorité gouvernementale en charge de la Culture ;
- mobiliser les acteurs publics et privés concernés par chaque type d'actions aux fins d'engagement partenarial concerté ayant comme fin la préservation du patrimoine culturel ;
‐ organiser des actions de communication et de sensibilisation ciblant la population concernée par la mission de préservation envisagée et suscitant son adhésion et son soutien ;
‐ mobiliser les détenteurs de traditions dans l'identification et la documentation du patrimoine national culturel local et l'aménagement des lieux de mémoire locaux constituant une dimension importante dans la sauvegarde des valeurs qu'ils contiennent et qui sont menacées dans leur intégrité physique.
L'article 39 dispose qu'il incombe aux communautés et aux associations de la société civile de :
- contribuer à la préservation et à la mise en valeur des sites, des monuments et des lieux de mémoire ;
- contribuer à des actions préventives du patrimoine national culturel local ;
- collecter les dons et les ressources financières au fin de la préservation et la protection du patrimoine national culturel ;
- contribuer aux inventaires locaux de leur patrimoine local, en collaboration avec l'autorité gouvernementale en charge de la culture ;
-d'organiser des actions de communication et de sensibilisation ciblant la population concernée par la mission de préservation envisagée et suscitant son adhésion et son soutien ;
- mobiliser les détenteurs de traditions dans l'identification et la documentation du patrimoine national culturel local.
L'article 40 du titre V prévoyant des dispositions diverses prévoit que l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics mobilisent les ressources et moyens nécessaires à la mise en place d'un programme d'actions de sensibilisation, de communication et d'éducation patrimoniale ayant pour but la promotion des comportements individuels et collectifs conformément aux exigences de la protection du patrimoine national culturel.
La déclinaison de ce programme s'opère dans le cadre de partenariat, notamment avec les associations de la société civile et de l'entreprise privée. Elle tient compte autant que possible des conditions et des spécificités locales et fait appel aux mécanismes de solidarité et d'implication de la population.
Réaffirmation des valeurs du mécénat
Dans un contexte de raréfaction des sources de financement public, la réaffirmation des valeurs du mécénat se présente comme une des alternatives convenables pour participer à l'effort de préservation du patrimoine national culturel.
Des dispositifs juridiques étayés par des mesures fiscaux très incitatives, peuvent relancer le mécénat culturel et le promouvoir.
Outre le mécénat traditionnel dit numéraire, il y a lieu d'inciter sur le mécénat de compétence qui offre de grandes opportunités surtout de la part des petites et moyennes entreprises.
L'action du sponsoring et du mécénat d'entreprises, opérant dans le secteur du tourisme, doit être favorisée et orientée vers la priorité de préservation du patrimoine national culturel.
L'Etat, les collectivités territoriales, les établissements et entreprises publics veillent à intégrer les mesures inspirées du développement durable dans les politiques publiques globales et sectorielles qu'ils élaborent, en tenant compte des finalités de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine national culturel.
La charte favorise les programmes internationaux de coopération en matière de patrimoine, portant sur l'échange de cadres administratifs et scientifiques, qui fournissent le moyen de renforcer les capacités des professionnels nationaux en matière du patrimoine culturel.


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