L'incident de l'oued Moulouya et la fuite de gaz à Safi tirent la sonnette d'alarme sur la nécessité de redoubler de vigilance. Le nouveau gouvernement devrait prendre des mesures plus sévères pour l'application des lois en vigueur. L'année 2011 a été marquée par deux évènements environnementaux qui n'ont pas laissé l'opinion publique indifférente, à savoir : le désastre écologique qu'a connu l'oued Moulouya et la fuite de gaz à Safi. Certes, le Maroc a entrepris des efforts dans la mise en place d'un dispositif réglementaire dans le cadre de la protection de l'environnement, toutefois l'application des lois laisse à désirer. En témoigne la catastrophe écologique qui a frappé en juillet dernier l'oued Moulouya et qui a provoqué non seulement la mort de centaines de poissons, mais également impacté l'agriculture de la région. Une catastrophe due, d'après les ONG du Nord, aux déversements effectués par l'unité sucrière de Zaio ou l'unité de traitement des eaux de l'ONEP. Une hypothèse démentie par le communiqué des «commissions techniques de vigilance», instituées, suite à la catastrophe écologique constatée et dénoncée par les associatifs et les responsables politiques, qui ont conclu que l'incident est dû à une anoxie du milieu aquatique de certaines parties du tronçon fluvial impacté ayant entraîné l'asphyxie des poissons. Par ailleurs, la fuite de gaz dans une unité de production de Maroc Chimie à Safi, a causé des difficultés respiratoires à bon nombre de personnes des quartiers avoisinant les unités chimiques. D'après Mustapha Labraimi, professeur de l'enseignement supérieur à la Faculté des Sciences de Rabat, les deux situations sont récurrentes. Les deux sites ont déjà connu le même type de catastrophe. «Pour la Moulouya, pareille situation a été vécue en 1980 et pour Safi, novembre 2004 et mai 2005 sont des dates qui ont marqué la mémoire des mesfiouis et des abdis par l'émanation de gaz provenant des rejets de l'industrie chimique avoisinante», a-t-il confirmé. Pour sa part, Najib Bachiri, président de l'Association Homme et Environnement de Berkane, a déclaré que «ces événements ne sont qu'un reflet de l'indifférence et de la non-assistance de ceux qui ont le destin de notre patrimoine écologique dans leurs mains infirmes. La catastrophe de la Moulouya et celle de Safi démontrent bien la non-compétence des personnes qui gèrent les services liés à l'environnement». Ce qui intrigue dans les deux cas est que personne n'a été tenu pour responsable. Bien au contraire, les autorités tentent de minimiser, sinon de passer sous silence, ce genre d'affaires. Selon le militant Najib Bachiri, «les autorités n'ont aucun pouvoir d'exercer leurs fonctions en tant que protecteurs de ce patrimoine». Le Maroc ne dispose pas d'une loi spécifique aux déchets industriels. Toutefois, le secteur est régi par plusieurs lois, à savoir : la loi n° 10-95 sur l'eau, la loi n°28-00 relative à la gestion des déchets, la loi n°11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l'environnement… Le problème n'est pas dans la mise en place des lois et des règles, mais c'est leur application sur le terrain par les entreprises qui pose un problème. «Nous avons un arsenal juridique très important, mais nous n'avons pas d'outils pour l'exploiter. Ce qui manque, ce sont les compétences et la bonne citoyenneté. Avec l'actuelle génération de décideurs politiques, j'ai la totale conviction que rien ne va changer car ce gouvernement et ces composantes ont un comportement archaïque et complètement contradictoire avec la nouvelle Constitution. Il y a des décennies que la société civile oeuvre pour que les lois sur l'environnement soient appliquées, malheureusement le gouvernement marocain adopte la philosophie des trois singes: see no evil, speak no evil and hear no evil», a insisté le président de l'Association Homme et Environnement de Berkane. Pour sa part, Mustapha Labraimi a insisté sur la nécessité de changer notre comportement et celui des entreprises pour mieux respecter et appliquer les lois telles qu'elles existent. Il souligne que «l'application des lois est en corrélation directe avec la démocratie, le respect de l'Etat de droit, la mise en œuvre des droits de la personne humaine et la foi que la protection de l'environnement est l'avenir de nous tous». D'après Najib Bachiri, il faudrait «mettre en place un plan spécifique pour la préservation de l'environnement qui permettra à la fois de mesurer et d'évaluer les impacts des risques (cas de la Moulouya et Safi), renforcer les moyens et les outils nécessaires disponibles afin d'atteindre une politique environnementale durable et soutenable, harmoniser les missions et les tâches des différents intervenants, créer un corps juridique spécial (une cour environnementale) et enfin établir une approche et un schéma de mise en œuvre de tous les plans d'action concernant les lois de l' environnement». Rappelons toutefois que le Maroc a fait un pas de géant, notamment avec la décision de mettre en place une «Charte nationale de l'environnement et du développement durable». Une loi qui garantit les droits environnementaux et définit les devoirs de préserver l'intégrité de l'environnement, assurer la pérennité du patrimoine naturel et culturel et améliorer la santé et la qualité de la vie. Toutefois, il est temps d'accélérer le processus d'application des lois relatives à la protection de l'environnement. Le prochain gouvernement devrait prendre des mesures plus fermes tout en adoptant un moyen de coordonner entre toutes les parties prenantes du système pour une application correcte et efficace des dispositifs réglementaires.