A peine 1,75 million de salariés déclarés et 140 000 entreprises affiliées. 1% des entreprises déclare à lui seul 45% des salariés immatriculés. Le nombre moyen de salariés par entreprise active est de 17,5. Il n'y a pas mieux, pour prendre le pouls de l'activité économique, dans le secteur privé, organisé du moins, qu'une lecture des statistiques de la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale). Comment évolue son portefeuille de salariés immatriculés ? qui cotise et combien ? quels sont les salaires ? L'évolution reste positive, mais trop faible Globalement, l'ensemble des indicateurs pour 2004 – ceux de 2005 ne sont pas encore définitivement arrêtés – affichent des évolutions plus ou moins importantes, ce qui laisse penser, toutes proportions gardées, que le secteur organisé progresse, en dépit des difficultés déjà recensées et sans cesse ressassées. Faut-il y voir pour autant le signe d'un recul de l'activité parallèle (ou informelle) ? Ce n'est pas évident : les mutations démographiques au Maroc sont en effet telles que le marché du travail ne semble pas pouvoir absorber les effectifs de demandeurs d'emplois, de plus en plus croissants en raison de l'arrivée en âge d'activité de générations de plus en plus nombreuses. On estime en effet à quelque 19 millions le nombre de personnes âgées de 15 à 59 ans, ce qui est à la fois une opportunité (en tant que force de travail nécessaire pour le développement économique) et un défi (au sens de pression sur le marché du travail et plus généralement sur les pouvoirs publics). Il en résulte que le secteur organisé a beau progresser, il ne peut à lui seul, en l'état actuel de l'économie marocaine et de la transition démographique, capter toute la demande. Cela explique le taux relativement élevé du chômage (10,8 %), bien sûr, mais aussi la «prospérité» de l'activité informelle. La dernière enquête réalisée par la direction de la Statistique sur ce phénomène chiffrait en effet à 1,2 million le nombre d'unités informelles et à près de 2 millions le nombre de personnes qui y sont employées. Cette parenthèse «démographique» fermée, revenons aux statistiques de la CNSS. Dans l'ensemble, celles-ci montrent des progressions intéressantes, et d'abord en terme de nombre d'affiliés. A ce niveau, l'indicateur le plus pertinent est celui du nombre d'entreprises affiliées qui sont actives (car il existe des entreprises affiliées qui sont fermées ou qui ont suspendu leurs activités et qui sont au nombre de 71 445 en 2004). En 2004, le total des entreprises affiliées actives était de 140 695, soit une progression de 15,8 % par rapport à 2003. Entre 2000 et 2004, cette progression est de 12,5 % en moyenne par an. Un bémol cependant : sur ces 140 695 entreprises actives, 40 592, soit près de 29 %, n'ont pas de salariés (ou peut-être ne les ont pas déclarés). Du coup, même si cette croissance (à deux chiffres) du nombre d'affiliés est importante, dans l'absolu, le nombre d'entreprises reste tout de même modeste. Cela explique aussi, au moins en partie, la modestie du nombre de salariés déclarés à la CNSS et du salariat en général. En 2004, ils sont précisément 1,75 million de salariés à être déclarés à la CNSS. Même si cet effectif représente une évolution de 7,7 % par rapport à 2003 et de 17,9 % entre 2000 et 2004, cela reste inférieur au niveau atteint dans le secteur informel. Par ailleurs, il faut savoir qu'il n'y a pas que de nouvelles immatriculations (celles-ci sont de 257 742), il y a aussi beaucoup de régularisations : 740 324, soit 49,7 % de plus par rapport à 2003. Il est significatif à cet égard que le nombre de salariés moyen par entreprise active n'est que de 17,5. 13% des déclarés travaillent dans le secteur du BTP L'autre indicateur dont il faut tenir compte parce qu'il tord le cou à une idée reçue, selon laquelle ce sont les PME-PMI qui créent de l'emploi, est relatif, lui, à la structure des salariés déclarés selon la taille de l'entreprise. En effet, sur l'ensemble des salariés déclarés à la CNSS en 2004 (c'est-à -dire 1,7 million), seulement 16% sont le fait d'entreprises de 1 à 10 personnes. Celles qui ont entre 11 et 200 salariés y contribuent, elles, pour 39 %. Le reste, c'est-à -dire 45 % est le fait de grandes entreprises employant plus de 200 salariés. Pourtant, ces grandes entreprises, en nombre, représentent très peu : 1 % de l'ensemble des affiliées, contre 17 % pour celles employant entre 11 à 200 personnes et 82 % pour celles qui font travailler entre 1 à 10 personnes. Ce constat appelle deux commentaires. Le premier sous forme d'interrogation: dans la mesure oà1 ce sont les grandes entreprises (celles de plus de 200 personnes) qui emploient le plus gros (45 %) des salariés déclarés, pourquoi alors les salaires de plus de 6 000 dirhams par mois en 2004 ne représentent que 9 %, contre 50 % pour les salaires variant entre 1 827 et 6 000 dirhams et 41% pour le salaire inférieur ou égal à 1 826 dirhams (soit le Smig) ? Songez que 91 % des salaires déclarés se situent dans la tranche de 1 à 6000 dirhams par mois ! Selon les analystes, plusieurs éléments peuvent expliquer cet état de fait : «Il y a d'abord le faible niveau des salaires qui est déjà une réalité, il y a ensuite les sous-déclarations, et il y a enfin la forte intensité de main-d'Å"uvre qui caractérise les entreprises du secteur manufacturier. Ces éléments combinés peuvent être à l'origine de la modestie du gros des salaires déclarés à la CNSS». S'il est difficile d'appréhender la part de la sous-déclaration dans la modestie des salaires déclarés, il est en revanche admis que le secteur manufacturier marocain fonctionne encore selon la logique de la compétitivité par les coûts salariaux, d'oà1 la forte intensité de main-d'Å"uvre qui le caractérise. Ce n'est pas un hasard en effet si les exportations marocaines, parce que comportant une très faible valeur ajoutée, et parfois pas de valeur ajoutée du tout, piquent du nez depuis le début des années 90. Et c'est là le deuxième commentaire que suggère le nombre très réduit (1 %) de grandes entreprises affiliées à la CNSS – et ce 1 % reflète sûrement la réalité, car on voit mal une grande entreprise se soustraire à la déclaration. Sur un autre plan, la répartition par secteur des affiliés de la CNSS montrent en effet que c'est le secteur tertiaire qui prédomine : 64% des entreprises y opèrent, dont 35 % pour les services, le transport et les communications et 29 % pour le commerce. Le secteur industriel et de l'artisanat ne représente, lui, que 16 % des affiliés – le reste se répartissant entre le BTP (13 %), le secteur primaire (3 %) et autres (4 %). Cela montre clairement que l'économie marocaine est enserrée dans une logique tout à fait contradictoire. D'une part, elle repose essentiellement sur les services, ce qui, en soi, n'est évidemment pas une mauvaise chose ; et, d'autre part, on lui assigne en même temps des objectifs très ambitieux en matière d'exportation. Or, les exportations, dans la nouvelle configuration de l'économie mondiale, reposent désormais, pour être compétitives, sur un niveau d'intensité technologique élevé et donc de valeur ajoutée, et plus guère sur le coût de main-d'Å"uvre. La compétitivité par la main-d'Å"uvre a vécu et les comparaisons avec la Chine, selon de nombreux spécialistes, sont certainement vaines. Le fait que l'industrie et l'artisanat constituent, selon les données de la CNSS, le secteur qui emploie le plus (33 % de l'ensemble des salariés déclarés en 2004), ne doit pas être étranger au fait que, dans l'ensemble, le niveau des salaires reste encore bas. Peut-être cela est-il dû au fait que dans ce secteur il y a, comme on sait, prédominance du textile-habillement oà1 l'amont de la filière est en déclin au profit de l'aval, donc du travail à façon. Au regard de ces considérations, le Plan émergence, qui ambitionne de donner une base industrielle moderne au pays, tombe à pic. 17,6 milliards de DH de réserves à fin 2004 La masse salariale réelle déclarée à la CNSS au titre de l'exercice 2004 s'est élevée à 45,5 milliards de dirhams, soit une progression de 6 % par rapport à 2003. Les estimations pour 2005 tablent sur une masse salariale de 50 milliards de DH (les chiffres définitifs n'étant arrêtés que 8 mois après la clôture de l'exercice). S'agissant des prestations (familiales, à court et à long termes) servies en 2005, elles se chiffrent à 6,4 milliards de DH, soit + 6 % par rapport à 2004. Quant aux réserves de la CNSS déposées à la CDG, elles sont de 17,6 milliards en 2004 (+ 6 % par rapport à 2003) et devraient dépasser les 19 milliards en 2005. Ces montants sont nets de la TPPRF (taxe sur les produits de placement à revenu fixe)