Environ 2,5 millions de dossiers remboursés en 2015 contre 1,9 million en 2010. Le poste «accidents corporels maladie – maternité» représente 25,5% des sinistres de la branche Non-vie. Si les assureurs sont réputés se faire beaucoup d'argent, ce n'est sûrement pas en comptant sur la branche de l'assurance maladie ! Depuis 2008, la sinistralité de cette activité s'apprécie à un rythme soutenu, alors que les primes progressent timidement. D'après les rapports de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS, ex-DAPS), la croissance des sinistres dépasse 6% en moyenne annuelle. De 1,9 milliard de DH en 2010, les prestations et frais payés sont ainsi passés à 2,4 en 2013 et à 2,6 milliards de DH en 2014. En 2015, les compagnies ont dû rembourser environ 2,8 milliards de DH de frais médicaux au titre de la maladie-maternité selon les estimations recoupées des opérateurs. A ce niveau, le poste «accidents corporels maladie – maternité» pèse 25,5% des sinistres du segment Non-vie. En face, les primes émises ont atteint 3,2 milliards de DH en 2014 contre 2,9 milliards en 2012. Si ce n'était l'effort fourni par les opérateurs pour contenir les charges de gestion, leurs dégâts sur ce segment auraient été plus lourds : les charges d'acquisition et les charges techniques d'exploitation se sont stabilisés autour de 1,6 milliard de DH. Dans les back-offices des compagnies, les dossiers de remboursement se sont corrélativement appréciés en nombre et en montant. «Nous traitons 30% de dossiers de plus qu'en 2010», affirme le directeur des sinistres d'une compagnie de la place. De son côté, le directeur exécutif des prestations de RMA Watanya rapporte que la compagnie a reçu 600 000 dossiers en 2015. Chez Saham Assurance, qui revendique le leadership de la branche, un responsable d'exploitation fait état de 1 350 000 sinistres au titre de la même année. En tout et pour tout, ce sont plus de 2,5 millions de dossiers de remboursement qui ont été remis aux assureurs en 2015, à en croire des sources du secteur. En 2010, l'on en était encore à environ 1,9 million. Au final, le montant moyen des remboursements est en hausse de 10% entre 2010 et 2015. De 1 026 DH par dossier, la moyenne s'établit aujourd'hui à 1 120 DH. Surmédicalisation ou recours massif et injustifié aux soins Malgré tout, les compagnies disent faire preuve de plus de célérité dans le remboursement. L'on évoque dans le secteur des délais de 72, voire 48 heures, entre la réception du dossier et son apurement. «Alors qu'il était quasiment impossible de prétendre au remboursement avant un mois il y quelques années», se félicite le responsable de Saham Assurance. La facilité à se faire rembourser rapidement la majeure partie des frais déboursés a, semble-t-il, encouragé les assurés à consulter plus facilement un médecin. Des assureurs relèvent, à ce propos, un phénomène de surmédicalisation ou un recours massif et injustifié aux soins. «Dans bien des cas, ce n'est plus l'indication médicale qui prime mais l'inquiétude des intéressés ou des parents», commente le directeur de RMA Watanya, en ajoutant qu'en raison de cette inquiétude, les assurés consomment au-delà de ce qu'il faut. Plusieurs autres opérateurs évoquent aussi l'amélioration du profil socioprofessionnel et de la situation économique des ménages ainsi que l'élargissement de la couverture maladie pour expliquer la hausse des prestations. Qui plus est, les assurés recherchent les meilleures. «Nous remarquons que beaucoup d'assurés, conscients de leurs avantages, réclament des actes de confort et les soins accessoires. De ce fait, les dossiers ODF (soins orthodontie), optique, bilan et contrôle se multiplient», rapporte le directeur de RMA Watanya. La hausse des prix des soins et des médicaments pèse également sur la sinistralité de la branche. «La découverte de nouveaux protocoles induit une sorte d'inflation médicale. Par exemple, le nouveau traitement de l'hépatite C coûte 700 000 DH/an alors que l'ancien protocole ne dépassait pas 120 000 DH», explique le responsable de Saham Assurance qui cite également le cas des traitements oncologiques. Par ailleurs, la montée des considérations sociales dans les entreprises, notamment les établissements publics et les ministères, a eu un effet remarquable sur la hausse des sinistres. Des franges assez larges d'imams, moqaddems, et autres fonctionnaires ont aujourd'hui des assurances complémentaires chapeautées par la CNOPS et gérées par des assureurs privés de la place. Des sources ajoutent que plusieurs médecins dans le public orientent systématiquement les malades vers les cliniques en invoquant la sous-capacité des hôpitaux, mais aussi, ils ne le disent pas, pour pouvoir en profiter. «La facture entre les deux est plus chère de 45% en moyenne», informe un praticien. Cela dit, un responsable d'une compagnie attire l'attention sur les effets de la promotion commerciale qui commence à prendre de l'importance dans le secteur des soins. Il assure qu'il existe plusieurs entités qui produisent ou importent des dispositifs médicaux et qui partent prospecter des assurés quitte à provoquer leurs besoins. L'exemple des implants cochléaires pour les gens souffrant de surdité est cité dans ce sens. Certains médecins et pharmaciens accusés de complicité En plus de tous ces facteurs, les assureurs sont unanimes à relever que les dossiers falsifiés viennent aggraver significativement la sinistralité. A ce titre, ils s'alarment quant au poids de plus en plus important des déclarations frauduleuses. «Nous détectons 3 à 4% de cas de fraude, mais plusieurs faux dossiers nous échappent puisque nous nous limitons au contrôle sur papier», affirme le responsable de Saham Assurance. A l'en croire, la fraude pourrait facilement atteindre 10%, soit 250 000 faux dossiers si le contrôle est poussé plus loin. Confirmant l'ampleur du phénomène, le directeur exécutif des prestations de RMA Watanya rapporte que les 10% est la norme observée mondialement et estime qu'au Maroc le secteur est légèrement au-delà. Parmi les cas de fraude les plus flagrants, on peut citer des maladies qui ne peuvent survenir chez un assuré de par son âge ou son sexe, des médicaments qui ne s'associent pas dans le même traitement ou encore des médicaments plus vieux que d'autres et rassemblés dans le même dossier. Cependant, une grande partie de la fraude ne peut être détectée facilement et se rapporte en premier lieu à des dossiers d'optique. Le marché des lunettes, étant non organisé, regorge de fournisseurs informels qui facilitent la surfacturation. Les soins dentaires sont aussi une source non négligeable de fraude. Souvent, des assurés se rendent chez des prothésistes qui disposent illégalement de cachets de dentiste. Une prothèse à 600 DH peut ainsi être facturée à plus de 2 000 DH comme chez un vrai praticien. «Les montants sur ces deux rubriques de soins sont assez importants», estime le responsable de RMA Watanya. La fraude sur l'identité du malade (non adhérent) est un autre casse-tête pour les assureurs. Autre subterfuge : les spécialistes relèvent qu'une partie non négligeable des déclarations frauduleuses est constituée de petits dossiers montés. Il s'agit surtout des justificatifs rassemblés chez les proches et la famille et présentés aux compagnies d'assurance pour remboursement. «Ces dossiers portent sur de petits montants, mais sont très nombreux. La connivence des médecins et pharmaciens aide particulièrement ce type de fraude», signale un opérateur. Pour remédier à ces pratiques, les compagnies peuvent faire appel systématiquement aux contre-visites, sauf que ce moyen induit une hausse conséquente du coût de gestion et peut hypothéquer la relation commerciale. L'alternative de plus en plus mise en avant est donc de revaloriser la prime, notamment pour les comptes affichant une sinistralité exceptionnelle. «Nous avons dû augmenter les primes pour plusieurs entreprises au cours des trois dernières années. Pour d'autres, la résiliation pure et simple du contrat était la seule issue qui nous restait», confie un assureur.