L'analyse des résultats des compagnies d'assurance vient confirmer une certitude, celle que le secteur pâtit lourdement de la conjoncture financière actuelle. La baisse du marché actions pèse lourdement sur les réalisations des sociétés d'assurance pour l'exercice 2012. Telle est la conclusion que l'on pourrait tirer de l'analyse des résultats des compagnies d'assurance au titre de l'année dernière. Avec la hausse de la sinistralité, la rentabilité technique du secteur dépend de la performance des placements sur les marchés financiers. Même si le chiffre d'affaires global du secteur a enregistré une croissance de 8,92 %, son résultat net est en repli par rapport à 2011. L'année 2012 a également été caractérisée par la contraction des liquidités bancaires en dépit d'une politique monétaire accommodante (baisse du taux directeur et de la réserve obligatoire) et, dans une moindre mesure, et par la hausse des rendements des bons du Trésor à long terme de 50 à 60 points de base (10 ans à 4,83% et 15 ans à 5,04%). Ce dernier paramètre a créé chez les épargnants des attentes en termes de rendement plus importantes. Par ailleurs, l'exercice a été marqué par la signature de la Convention inter-compagnies d'indemnisation corporelle automobile (CICA). Cette convention s'applique aux accidents de circulation entraînant des préjudices corporels. La gestion du dossier sinistre s'effectuera désormais par l'assureur direct à condition que le préjudice corporel ne dépasse par 10 % d'incapacité physique (entrée en vigueur en janvier 2013). La non-vie toujours prépondérant Le secteur des assurances au Maroc est aujourd'hui considéré comme étant le marché «le plus mature» au Maghreb selon l'agence de notation internationale Standard and Poor's. Il a continué à gagner du terrain en 2012, puisque le taux de pénétration (la part des primes dans le PIB) s'est établi à 3,1% contre 2,9% en 2011. Ainsi, compte tenu des effets de crise qui continuent de planer sur la sphère économique et financière à l'échelle mondiale, le secteur des assurances au Maroc fait preuve d'une très forte résilience avec une amélioration du chiffre d'affaires du secteur de 8,9% en 2012 en comparaison avec l'année précédentve. Ainsi, selon les chiffres de la Fédération marocaine des assureurs et réassureurs (FMSAR), le marché des assurances au Maroc a généré un montant de primes émises de 26 MMDH au terme de l'exercice 2012, contre 23,9 MMDH en 2011 (+8,9%). Par branche, l'activité non-vie, qui représente 65,56% du CA du secteur, a connu en 2012 une croissance de 6,10%, soit 17,1 MMDH contre 16,1 MMDH en 2011, portée essentiellement par une assurance automobile qui s'est bonifiée de 6,5% à 8 MMDH. Pour sa part, la branche vie, qui représente 33,97%, a enregistré un ralentissement de son rythme de croissance en 2012. Elle a été estimée à 14,5%, contre une progression de 15,9% en 2011. Ce ralentissement s'explique notamment par l'assèchement de liquidité et le repli de l'épargne nationale, pénalisant les produits épargne et les contrats à capital variable. En termes de dispersion, le marché marocain continue de connaître la même concentration des émissions. En effet, les assurances automobiles, les accidents du travail et les assurances de personnes (accidents corporels/maladie/maternité/assurances-vie et capitalisation) représentent à elles seules 84% (83% en 2010) des primes émises. Il est à noter que les primes cédées en réassurance se sont élevées en 2012 à 2,77 MMDH (10,67% de l'ensemble des émissions), contre 2,6 MDH en 2011 (11% de l'ensemble des émissions). Par ailleurs, le marché des assurances demeure fortement concentré -à hauteur de 67%- autour de quatre opérateurs, à savoir Wafa Assurance, RMA Wataniya, Axa Assurance et CNIA Saada. Par activité, le marché de l'assurance-vie demeure le plus concentré. En effet, il est détenu à hauteur de 80% par quatre opérateurs: Wafa Assurance avec 34,2%, RMA Watanya avec 26,5%, la Marocaine Vie avec 11,6% et MCMA avec 9,3%. La forte concentration de la branche vie s'explique par la nécessité d'adossement à un groupe bancaire de référence pour la commercialisation de produits de Bancassurance notamment, et pour tirer profit d'un réseau de distribution plus élargi. En assurance non-vie, 60% des parts de marché sont concentrées autour des quatre premiers opérateurs du marché, notamment CNIA Saada Assurance (16,1)%, RMA Watanya (15,9%), Wafa Assurance avec (15,8%) et Axa Assurance Maroc (15,7%). Nette hausse de la sinistralité Dans le sillage du chiffre d'affaires, les charges des compagnies d'assurance ont également connu une progression significative. Les prestations et frais payés ont ainsi atteint, au titre de l'année 2012, 15,2 MMDH contre 13,6 MMDH une année auparavant, soit une progression de 11,3%. La part des réassureurs dans ces prestations et frais s'est établie à seulement 11,3% de l'ensemble des prestations et frais payés, soit 1,7 MMDH. Il est nécessaire de signaler que les ratios de sinistralité ont connu des tendances différentes selon les branches d'assurance. En effet, certaines branches connaissent des ratios plus élevés que d'autres. «C'est le cas notamment de l'assurance «accidents de travail», de l'assurance «accidents corporels» et de certaines sous-catégories de l'assurance automobile (TPV)», nous explique Othman Khalil Elalamy, adjoint au directeur à la DAPS. D'autres branches en sont encore à des ratios de sinistralité maîtrisables. C'est le cas de l'assurance incendie et risques techniques. Toujours sur le volet des charges, celles relatives à l'acquisition des contrats ont également connu une nette progression en 2012. Elles ont atteint 2,5 MMDH contre 2,3 MMDH en 2011, soit une augmentation de 10,9%, représentant ainsi 9,8% de l'ensemble des émissions. Les autres charges techniques d'exploitation se sont situées à 3,4 MMDH, en hausse de 10% par rapport à 2011, représentant ainsi 13,1% de l'ensemble des émissions. Autre élément important à signaler: la plupart des entreprises d'assurance ont dû constituer, au terme de l'année 2012, des provisions pour dépréciation d'actif à des niveaux plus ou moins importants. Les provisions techniques brutes des entreprises d'assurance ont ainsi progressé de 4,6% en 2012, s'établissant à 107 MMDH contre 102,3 MMDH l'année précédente. Au niveau des résultats, les produits financiers, y compris les plus-values réalisées, sont en régression de 20,6% par rapport à l'exercice 2011, subissant l'impact de la baisse du marché action. Ils se sont ainsi élevés à 4 MMDH l'année dernière. Au final, les entreprises d'assurance ont dégagé un résultat net de 3,1 MMDH contre 3,6 MMDH en 2011, soit une baisse de 15% en un an! Rapporté aux fonds propres qui s'élèvent à 29,8 MMDH, ce résultat donne un taux de rendement avoisinant 10,4%, contre 12,3% en 2011. Le rendement des fonds propres est ainsi en baisse de 2 points. Le redressement par le tarif Malgré les contre-performances qu'affiche le marché financier, ce sont les rendements financiers qui permettent aux compagnies d'assurance d'optimiser leur rentabilité. Toutefois, la fédération tire la sonnette d'alarme. «Nous ne sommes plus face à un élément conjoncturel car la baisse s'est installée dans la durée, entamant de mois en mois les marges de manœuvre des opérateurs». Si cette tendance baissière se poursuit sur plusieurs mois, nous pourrons effectivement avoir des craintes sur la rentabilité de certains acteurs», prévoit Bachir Baddou, directeur général de la FMSAR. Les compagnies devront ainsi être, à l'avenir, plus regardantes à l'avenir sur la tarification de leurs produits et sur le contenu des garanties car «l'équilibre financier doit être avant tout recherché au niveau de leur activité technique cœur de métier», souligne Baddou. L'activité financière ne doit apporter qu'un complément de rentabilité et renforcer l'assise financière. Dans le métier de l'assurance, la rentabilité technique est mesurée par le ratio combiné. C'est le rapport entre les sinistres, plus les frais généraux et les primes nettes de réassurance. Un ratio combiné inférieur à 100% témoigne d'une bonne gestion technique de la compagnie. Pour y arriver, les assureurs doivent donc souscrire à des niveaux de prime raisonnables, gérer rigoureusement leurs sinistres et maîtriser leurs frais généraux. Ainsi, sur le plan des perspectives, l'année 2013 s'annonce contraignante pour le secteur. En effet, la dégradation de l'économie nationale, l'assèchement de liquidité ainsi que les retombées négatives de l'atonie du marché financier devraient davantage freiner le secteur de l'assurance dans sa recherche de la rentabilité. Toutefois, l'activité du secteur est amenée à poursuivre son développement en tirant profit du contrat-programme 2010-2015 qui prévoit de couvrir 90% de la population marocaine à horizon 2014. Certains assureurs ont déclaré que l'année 2013 a démarré très timidement sur la majorité des marchés. Ils ont ainsi été contraints à adapter leurs offres commerciales et leurs tarifications. Ces adaptations concernent l'assurance automobile et les offres professionnelles.