Les professionnels préparent un guide pour orienter les maîtres d'ouvrage dans l'estimation des budgets de leurs appels d'offres relatifs aux contrats d'ingénierie. Les bureaux d'ingénierie et d'études jouent la carte de la pédagogie pour lutter contre la sous-estimation des budgets des marchés publics. Les opérateurs, réunis sous la bannière de la Fédération marocaine du conseil et de l'ingénierie (FMCI), préparent un guide à l'intention des maîtres d'ouvrage pour les orienter dans l'estimation des budgets de leurs appels d'offres relatifs aux contrats d'ingénierie, avec des recommandations spécifiques à chaque secteur (bâtiment, infrastructures urbaines, eau potable et assainissement, routes, autoroutes et ouvrages d'art, barrages et ports). La FMCI n'en est pas à son coup d'essai. Elle a en effet diffusé, il y a quelques mois, un guide des rémunérations des prestations d'ingénierie qui, à la différence du référentiel en préparation, n'était pas classé par secteur. Pour autant, il présente une méthodologie bien détaillée pour permettre à l'Administration de dresser les budgets de ses contrats d'ingénierie. Le guide déjà disponible indique précisément les modes d'estimation des prestations comprenant les études, le suivi de la réalisation et la réception des travaux d'entreprises. Il rappelle ainsi que les maîtres d'ouvrage peuvent évaluer leurs budgets en se basant sur le temps nécessaire aux travaux d'études ou en appliquant un pourcentage du montant des travaux. Et pour chaque méthode un ensemble de barèmes est fourni. La FMCI estime par exemple qu'un ingénieur ayant plus de 20 ans d'expérience doit être rémunéré entre 9 000 et 10 000 DH par jour HTVA. On peut aussi lire dans le guide que dans le secteur du bâtiment, si la valeur des travaux est inférieure à 2,5 MDH, le budget étude doit en représenter 7%. Si avec toutes ces indications déjà fournies la FMCI veut aujourd'hui aller plus loin avec un référentiel encore plus détaillé, c'est parce que le problème de la sous-estimation dans les marchés publics reste entier, selon les professionnels. Les critères techniques sont négligés au profit des considérations financières Le constat général est que l'Administration utilise ses propres repères, loin des règles de la profession, ou manque généralement de ressources, ce qui aboutit dans les deux cas à des marchés publics lancés à des budgets irréalistes. Les opérateurs jugent la situation particulièrement catastrophique pour le secteur du bâtiment où l'enveloppe allouée aux études peut descendre actuellement jusqu'à 1% de la valeur des travaux, alors que le seuil préconisé par les professionnels est de 3%. Les prix écrasés de l'Administration font d'autant plus tache d'huile depuis l'adoption du nouveau décret sur les marchés publics de 2013. Pour gagner en transparence, celui-ci a supprimé la pratique consistant à garder confidentielle l'estimation des maîtres d'ouvrage. Mais cela s'est retourné contre le secteur des études et de l'ingénierie. «La divulgation des budgets a fait que les prix sous-évalués de l'administration sont de plus en plus devenus la norme et les opérateurs s'alignent systématiquement sur eux, voire soumissionnent à des tarifs plus bas», éclaire un professionnel. Les entreprises sont d'autant plus encouragées à brader leurs prix que la règle du mieux-disant (visant à privilégier les opérateurs offrant le meilleur rapport qualité/prix) reste généralement mal appliquée. «Les administrations n'accordent pas suffisamment d'importance à la notation technique et privilégient la notation financière. Cette dernière fait d'ailleurs office de premier filtre pour sélectionner les soumissionnaires, alors qu'il est recommandé de se baser, en premier, sur les compétences techniques», détaille Moncef Ziani, président de la FMCI. A terme, la guerre des prix condamne le secteur, insiste la FMCI. Et c'est pour éviter le pire que les opérateurs sont eux aussi appelés à utiliser les guides élaborés pour, d'une part, évaluer leurs honoraires, et, d'autre part, négocier leurs contrats. Au-delà, le fait que des études soient accordées à des prix sous-évalués fait douter de leur qualité d'exécution. Le président de la FMCI explique sans détour qu' «un cabinet qui décroche un marché à prix bradé devra nécessairement faire l'impasse sur certaines tâches pour rester rentable. Dans le même but, il sera amené à faire des concessions sur la qualité des ressources mobilisées. Autant de négligences qui alourdissent par la suite le coût de réalisation».