Ne trouvant pas où déguster une bonne pizza, il décide de monter son propre restaurant. Avec seulement 60 places, «Chez Luigi» réalise aujourd'hui une recette de 300 000 DH par mois. Luigi (à prononcer louidji), à part son genre méditerranéen, ne paie pas de mine, tout comme son ristorante, tout bêtement appelé «Chez Luigi». Sans ces yeux pétillants de passion, ce serait le genre à se fondre dans une foule, un peu comme son restaurant qui se perd dans le décor. Si vous passez devant le restaurant en dehors des heures de repas, le petit local n'a pas de quoi attirer le regard. Mais aux heures des repas, vous n'y trouverez pas une place. Chez Luigi il y a foule, et pas seulement le week-end. Luigi n'est pas un sobriquet. C'est bien le prénom de Grieco, originaire d'Italie. Après avoir bourlingué en Europe, il a fait connaissance avec le Maroc. Avec ce pays, dit-il, «j'ai entretenu une relation passionnelle». C'est en 1987 qu'il y ouvre une unité de confection de sous-traitance pour une société française. Mais il ne connaît pas grand-chose au métier et en 1989 l'unité française déclare faillite et il met la clé sous le paillasson et repart en Europe. Il ne reviendra au Maroc que pour des vacances à l'été 1991. Il se remet en selle après deux déconvenues Luigi est loin d'imaginer que ce bref séjour va se transformer en un établissement de longue durée. Il ne se rappelle pas exactement comment cela est arrivé, mais, sans trop s'en rendre compte, il se marie avec une Marocaine (aujourd'hui il a deux enfants !), et s'associe à un autochtone pour l'ouverture d'une société de commercialisation de produits et équipements de carrosserie et de réparation. En carrosserie, à part le vague souvenir de parents italiens qui étaient de la partie, il ne connaît que dalle. Pourtant l'affaire marche si bien… que son associé se sépare de lui. Mais il ne veut pas s'attarder sur cette parenthèse. Il évoque plutôt le jour où, se promenant dans la ville à la recherche d'un coin où manger une pizza et boire une limonade et un café «pas trop cher»,… il n'en trouve pas et décide d'en créer un, juste pour son plaisir. Oui, mais il faut trouver de l'argent. La banque ne prête pas aux étrangers. Il ne se décourage pas, ramasse ses dernières économies, sollicite des copains et…se tourne vers quelques usuriers desquels, à voir son sourire, il garde un bon souvenir. Il y a deux ans, donc, il ouvre l'espace où il se trouve aujourd'hui encore. Le restaurant a une capacité de 60 personnes assises. Il commence par engager un chef de son pays d'origine, mais, se rappelle-t-il, «sa cuisine ne plaisait ni aux Italiens ni aux Marocains, alors j'ai dû me séparer de lui. J'ai tout de même pris soin d'apprendre comment il travaille et j'ai même amélioré ses recettes». Luigi fait alors le grand saut et passe derrière les fourneaux. Aujourd'hui, ses clients ne jurent que par ses pizzas et ses pâtes. Le restaurant actuel sera transformé en boutique pour produits italiens Son restaurant est aujourd'hui évalué à 1,5 MDH, un montant sur lequel sa banque ne lui a (finalement) prêté que 200 000 DH. Il emploie 18 personnes et fait une recette de quelque 300 000 DH par mois. Si le restaurant ne désemplit pas, c'est parce que le repas moyen est facturé autour de 80 DH. Luigi n'en demande pas davantage et se félicite d'avoir crânement bâti un espace convivial d'où l'alcool est banni et au sein duquel familles et jeunes se côtoient sans heurts. Avec tout cela, Luigi, éternel optimiste, a de grands projets. Avec des yeux luisants, il parle de l'espace acheté dans un immeuble en achèvement rue Normandie, à quelques mètres de son restaurant actuel. Le nouvel établissement, qui sera ouvert avant les fêtes de fin d'année, couvre 500 m2, soupente comprise, et permettra d'assurer 240 couverts. L'investissement est de 9 MDH. Mais cette fois-ci, sa banque a débloqué 6 MDH. Que deviendra l'espace actuel ? Luigi veut en faire une grande boutique pour les produits italiens. Quand on le taquine sur son secret, il répond sans prétention : «des prix qui donnent de l'appétit, une cuisine visible qui permet au client de suivre la préparation des plats et la fraîcheur des produits. D'ailleurs, je n'ai pas de congélateur». Mais avec Luigi, on ne sort pas de l'auberge comme on y entre, il a toujours une dernière histoire à raconter et elle est bonne : quelques semaines avant les attentats du 16 mai, son restaurant a reçu un visiteur impromptu. Il voulait savoir si le propriétaire était juif. Ce n'est pas Luigi, comme on le raconte, qui lui a montré la croix, mais une employée du restaurant