Un système de rémunération performant est un système dont le processus est adossé à celui du budget de l'entreprise. Il sera plus performant s'il est flexible, compris et accepté par l'ensemble de l'entreprise. La rémunération constitue un levier stratégique de pilotage qui dépasse les seuls enjeux RH. Elle impacte tout à la fois la profitabilité de l'entreprise, sa capacité à se différencier sur le marché en attirant les talents, sa performance collective … Ce levier est d'autant plus délicat à actionner dans un environnement marqué par la recherche croissante d'agilité, l'individualisation de la relation employeur/employé, la guerre des talents… Le caractère mouvant de cet environnement oblige le dirigeant et son DRH à renouveler régulièrement la réflexion sur la pertinence et la performance de la politique de rémunération de l'entreprise et du système qui en découle. Pour cela, cinq axes d'évaluation sont à analyser. 1. Clarté et cohérence des critères de rétribution La performance d'une politique de rémunération se mesure d'abord à travers les critères de rétribution du système, déclinaison de ses principes et orientations. Pour en mesurer la performance, il convient à la fois d'évaluer la capacité de l'entreprise à formaliser des principes et les décliner en critères de rétribution, et, d'autre part, d'examiner la pertinence desdits critères. Ils peuvent être multiples : contribution du poste, complexité, niveau d'exigence, niveau hiérarchique, rareté sur le marché des profils pouvant occuper ce poste…. A ces critères qui définissent la rémunération au recrutement se rajoutent des critères spécifiques au titulaire: potentiel du collaborateur, ancienneté, séniorité, performance individuelle… Il n'y a pas de bons ou de mauvais critères. L'enjeu est ailleurs et se situe à 2 niveaux : d'une part, le degré d'adéquation des critères avec le contexte stratégique et organisationnel de l'entreprise. Si l'activité requiert une montée en compétences longue, soutenue par un programme de formation lourd, les critères de montée en compétence, de séniorité, voire d'ancienneté doivent probablement prédominer. En revanche, si l'activité repose essentiellement sur la capacité des collaborateurs à se différencier à travers des niveaux de performance élevés (commerciaux, acheteurs, …), il est alors préjudiciable de s'appuyer sur les critères d'ancienneté et il convient de valoriser les critères de performance individuelle, plus à même d'encourager les «top-performers». D'autre part, ces critères doivent être clarifiés auprès des collaborateurs à travers une communication idoine. Le système de rémunération sera d'autant plus performant qu'il est compris et accepté par l'ensemble. Il faut pour cela qu'il soit simple et clair, et que le parcours de rémunération de chaque collaborateur soit en adéquation avec ces critères, notamment à travers des référentiels permettant de documenter le niveau de rémunération de chaque poste, et à travers des systèmes de révision salariale et de bonus corrélés à ces critères (évaluation de la montée en compétence, évaluation de la performance…). 2. Equité Un deuxième facteur-clé de performance du système de rémunération concerne son degré d'équité interne. Une approche pertinente pour la mesurer consiste à s'appuyer sur une méthode de classification permettant d'évaluer le poids de chaque fonction (niveau de contribution, impact, complexité…) et de regrouper les fonctions de poids comparable en classes homogènes. Cette classification constitue dès lors un puissant outil de mesure de l'équité du système. Elle permet en particulier d'évaluer la dispersion des niveaux de rémunération des fonctions d'une même classe, de deux classes et de vérifier ainsi la cohérence d'ensemble du système. La performance du système de rémunération se mesure alors dans sa cohérence d'ensemble, dans sa capacité à faire évoluer la rémunération d'un collaborateur au sein de sa classe de poste, à proposer une évolution de rémunération cohérente lors du passage d'une classe à l'autre… A l'exigence d'équité interne s'ajoute celle d'équité externe : en effet, à postes ou classes de postes équivalentes, le système doit proposer des niveaux de rémunération cohérents avec ceux proposés par le marché. Cette cohérence garantit ainsi l'équité interne en cas de recrutement externe puisqu'il est alors possible de recruter un collaborateur aux exigences du marché sans compromettre le niveau de dispersion interne. 3. Cohérence de la structure de rémunération Un autre facteur-clé de performance du système concerne le degré de cohérence et de pertinence de la structure de rémunération proposée aux collaborateurs. L'enjeu ne se limite pas à une question d'optimisation fiscale de la masse salariale. Les vraies questions concernent davantage la pertinence de la répartition fixe / variable, la cohérence des avantages avec la politique sociale de l'entreprise, la capacité de la rémunération différée (lorsqu'elle existe) à fidéliser les collaborateurs et accroître leur performance dans la durée… Deux questions se posent en particulier : la structure de rémunération est-elle suffisamment claire pour le collaborateur et lui permet-elle de comprendre ce que chaque composante rémunère ? La structure de rémunération est-elle bien adaptée à chaque catégorie de collaborateur ? Une structure de rémunération est d'autant plus cohérente, donc performante, qu'elle fait accroître la part du variable dans le package de rémunération chez les fonctions qui dépendent plus fortement de la performance individuelle de leur titulaire (voir l'encadré). Dans un système de rémunération performant, le degré de complexité de la structure de rémunération doit ainsi le plus souvent être corrélé au poids du poste. Les postes les plus élevés dans la grille de classification sont ceux censés voir la part relative de leur rémunération fixe s'affaiblir au profit d'autres composantes, notamment la composante variable 4. Attractivité du système Un système de rémunération performant est un système qui contribue à retenir les meilleurs éléments de l'entreprise en même temps qu'il réussit à attirer les talents du marché. Bien que la rémunération ne constitue pas le seul levier de rétention des collaborateurs («facteur d'hygiène» davantage que facteur de rétention), il est important de pouvoir évaluer le degré d'alignement des rémunérations proposées par l'entreprise avec celles du marché. Le système de rémunération le plus performant n'est pas forcément celui qui propose les niveaux de rémunération les plus élevés mais celui qui est capable d'identifier le niveau de rémunération du marché sur lequel il souhaite se positionner. Ainsi, certains «top employeurs» préfèrent rechercher la médiane du marché et diversifier leur proposition de valeur par d'autres leviers d'attractivité : climat d'excellence, employabilité, possibilité de promotion et de mobilité interne, …). Outre le positionnement, un système de rémunération est performant lorsqu'il est capable de flexibilité, notamment sur certaines fonctions au recrutement plus difficile (rareté des compétences, guerre des talents…) Il doit être alors en mesure de différencier ses positionnements et de proposer pour les postes les plus critiques («hot jobs» ou «postes clés») des niveaux de rémunération plus attractifs, sans compromettre l'équité d'ensemble. Cette flexibilité doit être également à l'œuvre dans le pilotage du turnover, dont le niveau optimal dépend souvent de la nature de l'activité : si certains métiers recherchent un turnover élevé (maintien d'effectifs jeunes, maîtrise de la masse salariale, recherche constante d'un niveau de performance élevé), d'autres au contraire privilégient un turnover plus faible (sécurisation de la montée en compétence, rentabilisation de l'investissement en formation, continuité de service…). Le positionnement de la rémunération par rapport au marché doit ainsi tenir compte du niveau de turnover recherché. 5. Pilotabilité du processus ''rémunération'' Le dernier facteur de performance d'un système de rémunération se situe au niveau du processus opérationnel qui le supporte. Un système de rémunération performant est avant tout un système dont le processus est adossé au processus budgétaire de l'entreprise. De cette manière, il permet de définir les marges de manœuvre possibles compte tenu de l'évolution des équilibres économiques de l'entreprise et de ses priorités opérationnelles et d'éviter ainsi tout dérapage budgétaire. Tout en étant sous contrainte, le système doit permettre d'assurer des augmentations de salaires ou des bonus individuels différenciant suffisamment les collaborateurs selon leur performance ou montée en compétence. Un troisième critère de ''pilotabilité'' réside dans la capacité du département RH à coordonner l'ensemble du processus, en assurant à la fois le bon niveau de «décentralisation» (implication des managers dans le choix des critères d'évaluation individuelle, dans le processus d'évaluation…) et un contrôle de cohérence d'ensemble suffisant (par exemple, respect des procédures, respect de l'enveloppe budgétaire, étalonnage des critères d'appréciation et des taux d'augmentation individuelle…).