De la réorganisation du ministère de tutelle à la refonte de l'enseignement et l'unification du culte, l'expérience marocaine a porté ses fruits. a promulgation, le 26 juin, de quatre nouveaux Dahirs portant sur le champ religieux vient couronner une décennie de réformes. Le plus commenté des ces quatre textes réglemente, pour la première fois, les statuts et les missions des imams au Maroc. Un dahir qui interdit toute activité politique ou syndicale aux imams pendant l'exercice de leur mission, est de par l'étendue de sa signification, d'une importance capitale. C'est un dahir qui fera date dans le sens qu'il installe le principe de la séparation de la religion et de la politique. Dix ans plutôt, en avril 2004, SM le Roi lançait les premiers jalons d'une stratégie de restructuration du champ religieux au Maroc. Une stratégie intégrée, globale et multidimensionnelle. «Cette stratégie à l'élaboration de laquelle nous avons veillé et qui repose sur trois fondements a pour but d'impulser et de renouveler le champ religieux en vue de prémunir le Maroc contre les velléités d'extrémisme et de terrorisme, et de préserver son identité qui porte le sceau de la pondération, la modération et la tolérance», précise le discours royal, prononcé en avril 2004, qui allait constituer les fondements de la sécurité spirituelle des Marocains. Ainsi, et tel qu'elle a été déployée, le fondement institutionnel de cette stratégie repose essentiellement sur la restructuration du ministère des Habous et des Affaires islamiques. Ce chantier a démarré avec la promulgation d'un dahir portant création d'une Direction de l'Enseignement originel, et d'une autre chargée des mosquées. Il est également procédé, au fil de ces dernières années, à une révision de la législation régissant les lieux de culte, en vue de leur adaptation aux exigences architecturales, comme le voulait SM le Roi et «de sorte que l'exercice du culte puisse s'y faire dans une atmosphère de sérénité, que l'on en maîtrise les sources de financement et que l'on s'assure de leur transparence, leur légalité et leur pérennité». Des délégués régionaux du ministère ont été nommés avec comme mission d'assurer, sur le terrain, une gestion moderne des affaires islamiques. De même que l'institution du Waqf a subi une refonte totale avec l'instauration, en 2010, du Conseil supérieur de contrôle des finances des Habous publics. En parallèle avec la mise en place des fondements institutionnels, un effort d'encadrement a été déployé. A commencer par la nomination des membres des conseils des oulémas dans leur nouvelle composition. Et comme le voulait la vision royale, ces conseils ont été déployés à travers le territoire national et sont composés de théologiens connus et reconnus pour leur loyauté aux institutions et surtout pour leur capacité d'allier érudition religieuse et ouverture sur la modernité. Il sont investis de la mission de gestion de proximité des affaires religieuses. Là encore, la clairvoyance royale a voulu que des femmes versées dans les sciences de la religion siègent dans ces institutions, par souci d'égalité à leur égard. Et pour empêcher que le champ religieux ne soit investi par des intrus et couper court aux fauteurs de discorde et de zizanie, les Fatwas ont été organisées et émises d'une façon convenable pour préserver les intérêts de la Oumma. Car il s'agit d'un domaine qui touche à des questions intéressant la société entière et concerne la sécurité spirituelle des Marocains. L'émission de fatwas est donc devenue une action collective émanant de l'institution chargée des fatwas auprès du Conseil supérieur des Oulémas. Cette instance chargée de «l'iftaa», constituée de 15 Alems, a permis d'organiser et de canaliser l'émission des fatwas tout en prenant en considération la réalité et les intérêts de la Nation. Le troisième pilier de cette stratégie, le plus important, et qui en constitue même la clé de voûte, est «une éducation islamique saine et une formation scientifique moderne». Ainsi, il a été question de rationaliser, moderniser et unifier l'éducation islamique. Ceci afin de dispenser une formation solide dans les sciences islamiques, toutes disciplines confondues, et ce, dans le cadre d'une école nationale unifiée. Cette mise à niveau a concerné les écoles de l'enseignement originel, avec la sauvegarde du système d'apprentissage coranique, et la protection de ces établissements contre toute exploitation ou déviation portant atteinte à l'identité marocaine. De même qu'il a été mis en place des passerelles et des programmes de formation permettant l'intégration des effectifs issus de ces écoles dans le système éducatif national. Ce système, au lieu de former des esprits «obtus et sclérosés», il a, au contraire, permis aux bénéficiaires une l'ouverture sur les autres cultures. C'est pour dire qu'aujourd'hui, dix ans après ce discours cadre, SM le Roi, Amir Al-Mouminine, a mené, avec clairvoyance, ce projet de réforme à travers ses trois leviers, à savoir les délégations régionales et provinciales des Affaires islamiques, les Habous et les conseils supérieurs et locaux des Oulémas et les établissements de l'enseignement. Cela, sans oublier le rôle des mosquées dont le plan de mise à niveau a permis de mettre en œuvre le principe de l'action participative et de rapprocher le citoyen du Alem. Ce plan de réforme a, par ailleurs, facilité la préservation du discours religieux des dérapages et renforcé les fondements religieux du Royaume. Un objectif qui ne pouvait être atteint sans cette «Charte des Oulémas», une initiative pionnière en matière de communication entre les oulémas, qui œuvre à la préservation de l'unité doctrinale de la Oumma, à l'unification du discours religieux et à la qualification des imams et prédicateurs pour qu'ils puissent faire face aux idées intégristes et préserver le caractère tolérant de l'islam, religion du juste milieu. En définitive, le chantier de réforme religieuse mené par SM le Roi représente une expérience pionnière qui peut bénéficier à d'autres pays soucieux de faire face aux idées obscurantistes et à l'intégrisme. Le Maroc en est conscient et en fait même un atout diplomatique à travers un certain nombre de décisions, dont la mise en place par SM le Roi, en septembre 2009, du Conseil européen des Oulémas marocains, chargé de veiller à la préservation de l'identité religieuse et culturelle de la communauté marocaine installée en Europe. Ces efforts ont aussi porté sur le renforcement des liens spirituels entre les «tariqas» et «zaouias» de la région du Sahel, et même de l'Afrique de l'Ouest, et l'institution d'Imarate Al-Mouminine, une orientation phare de la diplomatie religieuse du Maroc.