Depuis 2010, l'encours est alimenté quasi exclusivement par Dar Assafaa, filiale d'Attijariwafa bank, après que la Banque Populaire et BMCE Bank ont déserté le créneau. Le flop se justifie par le faible engouement de la clientèle pour ces produits, pénalisés par leur cherté, l'absence d'une certification halal officielle et une communication timide. Alors qu'une nouvelle offre de produits bancaires islamiques sera lancée sur le marché marocain, avec la prochaine introduction des banques participatives, un bilan s'impose pour les solutions halal, dites alternatives, existant actuellement. Comme on le pressent, la situation n'est pas reluisante. L'encours des crédits alternatifs se situe actuellement entre 700 et 800 MDH, selon les professionnels, et il atteint près de 1,2 milliard de DH si l'on rajoute la marge, TVA comprise, appliquée à ces produits, qui est généralement incluse dans l'encours des crédits islamiques. Mourabaha domine largement cet encours avec une part de plus de 95%, le reste consistant en Ijara. Sachant que ces financements alternatifs sont essentiellement accordés à des acquéreurs de biens immobiliers, ce qui induit un montant relativement conséquent par dossier de crédit (autour de 600 000 DH en moyenne, selon les estimations des professionnels), le stock actuel dénote du peu d'engouement pour ces produits. Ce stock est même insignifiant si on le compare à l'encours de 164 milliards de DH de crédits à l'habitat conventionnels accordés à fin mai 2014. Des taux de croissance importants Notons toutefois que la croissance des solutions alternatives sur les dernières années est appréciable puisque l'encours était encore de 744 MDH en 2011, de 886 MDH en 2012 et de 1 milliard de DH à fin 2013, selon les statistiques de Bank Al-Maghrib. Cela marque des hausses successives de 19% et 13%, ce à quoi s'ajoute une progression de 20% depuis le début de l'année. Encore une fois, on peut relativiser ces taux de croissance en raison de la faiblesse des volumes, mais cette tendance ascendante reste une prouesse, sachant que la majorité des établissements a déserté le marché des solutions alternatives, il y a quelques années. Si l'on ne retient que le cas des trois banques de tête, qui se sont toutes lancées sur le créneau depuis 2008, la Banque Populaire et BMCE Bank ont suspendu la commercialisation de leurs solutions alternatives depuis 2010. Cela a laissé Attijariwafa bank seul maître à bord, et le groupe a lancé, la même année 2010, une filiale dédiée aux produits alternatifs, Dar Assafaa. Celle-ci alimente quasiment à elle seule l'actuelle croissance de l'encours, dont elle détient plus de 80%. C'est que la filiale a bien pris ses marques depuis son lancement, avec une dizaine d'agences établies dans les principales villes du Royaume et un portefeuille de plusieurs milliers de clients. Son produit net bancaire annuel tourne actuellement autour de 27 MDH pour un résultat brut d'exploitation de 13 MDH. Mais en dépit de ces efforts de développement déployés par Attijariwafa bank, le fait est que la mayonnaise n'a pas pris pour les produits alternatifs à l'échelle de tout le secteur bancaire. Cela s'explique principalement par le fait que la clientèle n'a pas été au rendez-vous. Il faut dire que la demande a été échaudée par plusieurs éléments. D'abord, «aucune certification officielle n'a été présentée aux clients pour garantir la licéité des produits proposés alors qu'il s'agit d'un besoin réel de la clientèle», note Khalid Labniouiri, expert en finance islamique. Les banques ne sont pas seules responsables de cette négligence, la réglementation elle-même ne prévoit pas une telle certification ni d'ailleurs les moyens pour mettre l'offre alternative commercialisée au Maroc en conformité avec les préceptes de la charia. Les spécialistes pointent à ce titre l'absence de mécanismes pour garantir une séparation entre les établissements commercialisant les produits alternatifs et les banques classiques. La communication autour de l'offre a aussi cruellement manqué pour drainer de la clientèle. «C'est que les banques n'ont jamais su doser leurs efforts pour donner de la visibilité aux produits alternatifs sans faire de l'ombre aux solutions conventionnelles», justifie un spécialiste. D'où une communication timide, marquée même par des annulations de campagnes, relevées au niveau du secteur. Les pénalités de retard sont prélevées mais reversées à des organismes caritatifs Le dernier facteur qui a enfoncé les produits alternatifs est leur cherté. Cela a de fait enterré Ijara, contenue aujourd'hui à moins de 5% de l'encours des financements alternatifs. Celle-ci est désavantagée par une TVA de 20%, au lieu de 10% profitant aux solutions conventionnelles. Mourabaha partait elle aussi perdante mais elle a pu progressivement réduire l'écart avec les solutions conventionnelles. Grâce à des ajustements successifs, la solution parvient aujourd'hui presque à la neutralité fiscale grâce à une TVA de 10% et à l'annulation du coût de double enregistrement. Cependant, la solution demeure plus chère avec un coût actuel autour de 6% pratiqué pour les fonctionnaires, selon les tarifs constatés auprès de Dar Assafaa, contre 5% pour les solutions conventionnelles. Si l'on prend l'exemple d'un financement de 500 000 DH sur 15 ans, cela donne une mensualité de plus de 4 380 DH pour Mourabaha, soit près de 300 DH de plus que le crédit classique. Cet écart se justifie par la persistance de la double perception des frais de conservation foncière auprès des contractants de Mourabaha. Ces derniers paient en effet pour près de 2,5% de frais de conservation contre 1% dans le cas classique. Il faut aussi dire que les banques ont la main plus lourde sur les taux de profits des solutions alternatives en comparaison avec les produits classiques. «Cela s'explique par le fait que l'activité islamique n'offre pas encore de possibilités d'économie d'échelle en raison de son faible volume», argumentent les professionnels. S'ajoute à cela le fait que la finance islamique interdit la perception de certains produits qui dopent habituellement le PNB des banques classiques. Il s'agit d'abord des pénalités de retard sur le remboursement de crédits qui sont bien encaissées à titre dissuasif auprès des clients récalcitrants, mais qui sont reversées à des organismes caritatifs pour se conformer à la charia. Les banques islamiques sont également privées des frais de rééchelonnement appliqués aux clients en difficulté. Tel que c'est parti, le virage des banques participatives devrait lever une à une toutes ces limites, selon les anticipations des spécialistes, pour un vrai décollage de la finance islamique au Maroc.