Combinaison de Moudaraba, Mourabaha et Ijara pour lever des fonds. L'option de l'entrée dans le capital d'un nouvel actionnaire n'est pas exclue. La première banque alternative marocaine est née. Elle n'est pas très grande et son offre n'est pas très étoffée à l'instar de celles qui existent aux quatre coins du monde, mais elle a vu le jour. Elle s'appelle Dar Assafaa, une filiale 100% Attijariwafa Bank. Officiellement, il ne faut pas l'appeler banque islamique. C'est un établissement de crédit qui offre des solutions alternatives de financement. Le choix des mots est important. Alors que tous les pays du monde utilisent l'expression consacrée «banque islamique», au Maroc, on considère qu'il y a un seul secteur bancaire et plusieurs offres complémentaires. Ailleurs, à Londres par exemple, ne vous étonnez pas de voir écrit et en caractères arabes : «Al Bank Al Islami Al Britani». Au-delà de ce débat autour de l'appellation et aux termes appliqués, Attijariwafa bank a confié la direction de Dar Assafaa à l'un de ses hauts cadres les plus emblématiques à savoir le directeur général de Wafa Immobilier, Noureddine Cherkani Hassani. Ce dernier a tenu, lors de l'annonce officielle de la création de la nouvelle filiale le 5 juillet, à faire sa présentation en arabe et de la conclure avec des versets coraniques. L'offre de Dar Assafaa est plus assimilée à celle d'une société de crédit à la consommation et à l'immobilier qu'à la palette de services que propose une banque. En effet, la nouvelle institution démarre avec des formules de financements dédiées d'abord à l'immobilier (Safaa Immo) à l'équipement (Safaa Tajhiz), à l'automobile (Saffa Auto) et à la consommation (Safaa Conso). «Puisque notre activité est basée principalement sur le commerce des biens et non pas celui de l'argent, le client sera en mesure de voir sur notre site des offres immobilières où il peut choisir directement les offres qui l'intéressent», précise Cherkani. Le patron de Dar Assafaa met le doigt sur un principe de base de la finance islamique, celui du contrat commercial qui se substitue au contrat de crédit ou l'argent et le bien échangé et non par l'objet de financement (appartement, bien d'équipement, voyage…). Ceci dit, les premières offres de Cherkani ne sont pas une nouveauté sur le marché, depuis l'édition de la fameuse circulaire de Bank Al Maghrib, publiée en 2007, autorisant la commercialisation des produits islamiques. Une bonne partie des banques et des sociétés de crédits de la place ont proposé à la clientèle des offres «alternatives». Deux ans après, le secteur bancaire fait état d'un faible, voire très faible engouement de la clientèle marocaine pour ces formules. A fin 2009, le total des financements attribués par ce biais, ne dépasse par 200 millions de DH. Une goutte d'eau par rapport à l'encours global des crédits qui se comptent en centaines de milliards de DH. «Pour bon nombre de clients potentiels, le fait d'entrer dans une agence bancaire constitue un frein à contracter des financements alternatifs», précise Cherkani. La barrière la plus importante qui freine le développement de ce type de financements est celle du prix. Depuis leur lancement, les produits islamiques sont jugés bien plus chers que les crédits classiques. Cela était dû au traitement fiscal déséquilibré, comparé au crédit classique. «Une fois ce déséquilibre réparé par le biais d'une disposition de la loi de Finances 2010, l'encours des produits alternatifs est passé de 20 à 200 millions de DH», précise Cherkani. Reste à savoir si Dar Assafaa cassera ce préjugé. «Nous allons mettre notre offre de prix en concurrence avec celles qui existent déjà sur le marché. Ceci dit, le prix n'est pas le seul argument pour attirer la clientèle. Nous miserons principalement sur la transparence, le conseil, la proximité pour avoir la confiance des clients», précise le DG de Dar Assafaa, qui promet par ailleurs un tableau de redevance clair et précis tout au long de la période de financement. Mais il n'a pas indiqué si les financements de Dar Assafaa seront plus chers ou moins chers que les crédits classiques. «Dans ce genre de financements, c'est le client qui vient à la recherche du produit et non l'institution qui déploie un dispositif commercial pour attirer les clients», avance Cherkani. Dar Assafaa commencera par un réseau de 9 agences et un front office de 30 personnes, en plus du personnel de back office. L'ensemble du personnel a été formé dans les plus grandes places de la finance islamique. Dar Assafaa commence avec un capital de 50 millions de DH. Reste à savoir avec quel niveau de fonds propre elle compte démarrer, ne serait ce que pour évaluer son plafond d'octroi de crédit. Chez Dar Assafaa, le mécanisme d'octroi ne fonctionnera pas sur cette base (fonds propres). En effet, la nouvelle institution orchestrera des opérations de Moudaraba avec sa société mère, le groupe Attijariwafa bank. Cette Moudaraba lui permettra de lever des fonds auprès de son actionnaire et de les prêter, dans le cadre d'opérations commerciales (Mourabaha ou Ijara wa Iqtinaa). Une belle astuce pour, d'une part halaliser le système et d'autres part lever autant de fonds qu'il faut pour satisfaire les besoins des clients. Ceci dit, le scoring de clients et leur niveau de risque sera le même pour les produits islamiques et les crédits classiques. Les quatre formules de financement proposées ne sont qu'une première étape dans le développement. Dar Assafaa compte bien aller vers l'assurance Halal, ou le Takaful et d'autre formules de financement. Serait-ce question aussi d'offrir la possibilité d'ouverture de comptes courants et de formules «alternatives» dédiées aux entreprises ? «Priez pour nous et nous allons y arriver», indique en souriant, Cherkani qui n'exclut pas l'entrée d'un opérateur externe dans le capital de la nouvelle filiale. Dar Assafaa a ouvert la voie à la création de banques islamiques au Maroc. «Mais ceux qui veulent ouvrir des institutions similaires à Dar Assafaa doivent d'abord mériter l'agrément de Bank Al Maghrib», note Cherkani. Pour ce faire, il faut s'adresser au trio El Hassan Benhalima, Asmaa Bennani et Nabil Badr, les trois experts des produits «alternatifs» au sein de la DSB (Direction de supervision bancaire)