Les conditions contractuelles initiales sont souvent appelées à évoluer en raison de divers impératifs liés au fonctionnement de l'entreprise. On peut modifier un contrat suite à de nouvelles dispositions de la loi ou de la convention collective, ou à la demande du salarié ou de l'employeur. Selon que la modification est substantielle ou mineure, les conséquences du refus éventuel sont différentes. Ainsi, l'employeur qui porte la responsabilité de son entreprise peut modifier unilatéralement les conditions mineures de travail, le salarié est tenu de s'y plier, alors que les modifications des conditions substantielles sont, en revanche, considérées comme une rupture du contrat de travail. Quelles sont les frontières entre les deux conditions ? Explications. Faits générateurs de la modification d'un contrat de travail En droit du travail, les conditions contractuelles initiales sont appelées à évoluer en raison de divers impératifs liés au fonctionnement de l'entreprise. En effet, plusieurs circonstances peuvent modifier, au cours des relations de travail, les conditions qui existaient lors de la conclusion du contrat. Si l'une des parties refuse la modification, se pose alors la question de savoir dans quelle mesure ces modifications entraînent le maintien ou la cessation du contrat de travail. Il est à signaler, à ce sujet, que les modifications des conditions de travail du salarié peuvent avoir plusieurs origines, elles peuvent résulter de nouvelles dispositions de la loi ou de la convention collective, auquel cas les modifications sont applicables sans pouvoir les remettre en cause. Elles peuvent aussi être proposées par le salarié qui, en cas de leur refus par l'employeur, devra choisir entre la démission ou la renonciation. Si les modifications sont proposées par l'employeur, il faudra distinguer les modifications non substantielles, c'est-à-dire celles qui n'ont aucune incidence profonde sur les relations de travail et les modifications substantielles qui portent sur un élément essentiel du contrat. En effet, l'employeur peut modifier unilatéralement les conditions non substantielles de travail. Le salarié est tenu de s'y plier, s'il les refuse, le contrat est réputé être résilié à son initiative.Ces modifications ne doivent pas toucher ce qui a été, au moment de la conclusion du contrat, considéré comme déterminant pour les parties. Les modifications des conditions substantielles de travail à l'initiative de l'employeur sont, en revanche, considérées comme une rupture du contrat, un licenciement dont l'employeur porte la responsabilité. – Principales modifications substantielles Certains aspects du contrat de travail sont considérés comme des éléments essentiels par nature. C'est le cas du changement du lieu de travail, des horaires de travail, de réduction des heures de travail ou du déclassement (mise au placard). • Horaires de travail Les horaires de travail sont en principe des éléments essentiels si la modification est importante. Ainsi, il y a modification substantielle en cas de transformation d'un horaire à temps partiel à temps complet. Mais si l'horaire de travail n'a pas été un élément déterminant lors de la conclusion du contrat de travail et si le changement de cet horaire n'entraîne aucune baisse de salaire, la modification n'est pas substantielle. • Changement du lieu de travail Un changement du lieu de travail est une modification substantielle. Si le contrat de travail contient une clause de mobilité par laquelle le salarié a accepté, à l'avance, un changement du lieu de travail, l'employeur sera, en cas de refus du salarié, en droit de procéder au licenciement. La Cour de cassation au Maroc considère, depuis toujours, que le changement du lieu de travail du salarié, en l'absence d'une clause au contrat l'autorisant, constitue une sanction selon l'arrêt du 29 septembre 2004. Avant cette date comme après, la jurisprudence n'a pas changé, elle considère que sans l'accord du salarié, aucun changement du lieu de travail n'est possible. Lorsque le contrat prévoit, selon un arrêt de la Cour de cassation en France du 23 février 2005, la possibilité, pour l'employeur, de changer le lieu de travail du salarié, il faudra que sa décision soit prise de bonne foi et dans l'intérêt de l'entreprise, et c'est au salarié qu'il incombe de démontrer que la décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt. • Baisse du niveau de rémunération Incontestablement, l'employeur ne peut en aucun cas, sous peine d'être considéré comme ayant abusivement rompu le contrat de travail, diminuer le niveau de rémunération de son employé, qu'il s'agisse du salaire proprement dit ou de ses accessoires et avantages. Le salaire de base, les primes d'ancienneté, les indemnités, les avantages en nature ou en espèces constituent la contrepartie du travail effectué par le salarié. En aucun cas et sous n'importe quel motif, la rémunération perçue régulièrement par le salarié ne peut faire l'objet d'une diminution, même en cas de diminution des heures de travail à l'exception, cependant, du cas particulier prévu par le code, celui qui consiste à réduire, les heures de travail de 0 à 50%, pendant une période ne pouvant pas excéder 60 jours, laquelle réduction de travail pouvant entraîner une baisse équivalente de salaire. • Réduction des heures de travail Pour faire face à une situation difficile économiquement et dans le but de réduire les frais de son personnel et les charges sociales, l'employeur fait appel à l'une des deux solutions suivantes: la suppression d'un certain nombre d'emplois ou la réduction des heures de travail. S'agissant du premier cas, le licenciement d'une partie du personnel risque de provoquer chez les travailleurs un mouvement de solidarité qui se traduit généralement par une grève paralysant le fonctionnement de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle l'employeur fait souvent appel à la réduction des heures de travail, ce qui se traduit par la modification d'un élément essentiel et substantiel du contrat qui porte sur le montant de la rémunération, car c'est bien dans le but de réduire le salaire de son personnel que l'employeur fait appel à la réduction des heures de travail. La réponse est apportée par l'article 185 du code du travail selon lequel, lorsque l'employeur, pour des raisons liées à une crise économique passagère à laquelle l'entreprise est confrontée ou liées à des circonstances imprévisibles et indépendantes de sa volonté, décide, après consultation des délégués du personnel et des syndicats, de réduire la durée normale du travail, entraînant une diminution du salaire, la durée continue ou discontinue de cette mesure ne peut être supérieure à 60 jours dans la même année. Le salaire, pendant cette période, est payé selon les heures de travail effectif, il ne peut, en aucun cas, être inférieur à 50% du salaire normal. Pour toute période dépassant les 60 jours, l'accord des délégués et des syndicats est exigé. A défaut, une autorisation administrative accordée par le gouverneur dans le cadre de l'article 67 du code est nécessaire. • Déclassement ou «mise au placard» sans baisse de salaire. Manifestement, le déclassement ou la mise au placard du salarié est une mesure de dégradation morale qui constitue une modification substantielle du contrat, l'employeur ne peut la prendre sans l'accord du salarié. – Conséquences du refus d'une modification substantielle Si le salarié refuse la modification substantielle, l'employeur doit en tirer les conséquences : soit ne pas appliquer la modification, soit licencier le salarié en prenant à sa charge les conséquences d'une rupture abusive du contrat de travail. – Conséquences du refus d'une modification non substantielle Si la modification n'est pas substantielle, le refus de l'accepter par le salarié ne peut pas être considéré par l'employeur comme une démission, même si le salarié quitte l'entreprise. Toutefois, l'attitude peut être sanctionnée, au besoin, par un licenciement. Dans certains cas, le refus d'une modification mineure peut constituer une faute grave privative des indemnités de licenciement et de préavis. C'est ainsi qu'il est considéré comme injustifié le refus du salarié de passer d'une responsabilité à une autre sans diminution de salaire ni de qualification. Comment interpréter l'attitude d'un salarié qui, tout en refusant la modification substantielle de son contrat, continue à travailler aux nouvelles conditions imposées ? Lorsqu'un salarié, sans être d'accord avec la modification envisagée, continue à travailler dans l'entreprise aux nouvelles conditions, l'employeur ne peut estimer pour autant que le salarié a accepté tacitement la modification. Les tribunaux considèrent, en effet, que l'acceptation par le salarié d'une modification substantielle du contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite du travail, l'acceptation doit être expresse, personnelle et ne pas faire de doute. – Modification substantielle pour motif économique Le salarié n'est pas obligé d'accepter une modification substantielle de son contrat, même si celle-ci a un motif économique, car, lorsque l'employeur décide la modification, il doit en informer son salarié et recueillir sa réponse. Si aucune formalité n'est prévue par la loi, il est recommandé à l'employeur de notifier la décision et sa justification par écrit. Cas de modification de la situation juridique de l'employeur On relève trois situations, lorsque l'entreprise change de propriétaire. – Transfert des contrats Que devient le contrat de travail des salariés d'une entreprise qui change d'employeur ? L'article 19 du code du travail est clair : tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Les tribunaux considèrent qu'il y a transfert d'entreprise dès que survient une modification dans la situation juridique non seulement par succession, vente, fusion ou privatisation, mais également par le contrôle du capital social par de nouveaux dirigeants. Le rachat ou la reprise d'une partie autonome d'entreprise est considéré comme transfert d'entreprise.
– Transfert d'entreprise Il y a transfert d'entreprise, et donc maintien des contrats de travail, lorsque la cession porte sur une entité économique qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Pour qu'il y ait transfert d'entreprise, celle-ci doit être cédée dans ses éléments essentiels, avec les mêmes moyens techniques qu'auparavant. Par exemple, il en est ainsi si, en passant du service d'un employeur à l'autre, le salarié continue le même travail, avec les mêmes moyens matériels, dans les mêmes locaux. En revanche, le salarié, selon une décision de la Cour de cassation n° 817 du 28/07/1998, ne peut exiger le maintien de son contrat de travail dès lors que l'entreprise cesse toute activité et qu'une autre entreprise acquiert seulement certains éléments de celle-ci (le matériel, par exemple). Il y a, dans ce cas, perte d'identité, et l'activité est différente. Le transfert peut concerner l'entreprise tout entière ou seulement un secteur de celle-ci. Ce qui compte, c'est que l'activité partiellement transférée conserve son autonomie. Par exemple, si une société vend des meubles et qu'elle cède un atelier de menuiserie à une autre société chargée uniquement de travaux de menuiserie, le secteur transféré conserve son autonomie, une convention entre les deux sociétés ne peut pas faire obstacle à la règle du maintien des contrats de travail. – Reprise des salariés d'une entreprise cédée Lorsqu'une ville confie la concession à une entreprise de distribution de l'eau et de l'électricité, en remplacement d'une autre entreprise, les contrats de travail doivent être transférés au nouvel employeur, car l'exploitation de la concession porte bien sur une entité économique autonome existante puisqu'il y a des installations et du personnel. En revanche, le principe du maintien du contrat de travail n'est pas applicable lorsque les éléments essentiels de l'entreprise ne font pas l'objet du transfert. C'est ainsi que si une entreprise de banque passe un contrat avec une entreprise extérieure de gardiennage et que ce contrat n'est pas renouvelé à son terme, les salariés de l'entreprise de gardiennage ne passent pas au service de celle qui sera appelée à la remplacer. L'évolution du contrat en cas de détachement, transfert ou mutation du salarié Les entreprises utilisent indifféremment les termes détachement, transfert et mutation dans des sens qui ne correspondent pas toujours au cas considéré. – Le détachement Lorsque le salarié est mis par son employeur à la disposition d'une autre entreprise en vue d'y accomplir une certaine mission, il est considéré en situation de détachement. Le détachement intervient fréquemment au sein des sociétés appartenant au même groupe unies par des liens juridiques ou économiques. Il est utilisé dans le cadre d'une mission limitée dans le temps et dans l'objet, il ne peut durer des années ou avoir pour but d'écarter le salarié de son entreprise d'origine en le mettant à la disposition d'une autre du même groupe. Lorsque le détachement fait l'objet d'un accord, un écrit devra préciser les droits et obligations des parties réglementant la nouvelle situation. L'écrit devra préciser notamment l'objet de la mission ayant justifié la mesure et en fixer la durée. Si le détachement se prolonge sans tenir compte de son caractère provisoire ou de la mission assignée, et que l'entreprise d'accueil exerce à l'égard du salarié tous les pouvoirs de direction et de gestion, celle-ci est considérée par la jurisprudence comme seul véritable employeur. Il s'agit dans ce cas d'un transfert et non de détachement. C'est ainsi qu'il est considéré comme transfert et non un détachement le fait que l'entreprise d'accueil employant à plein temps le salarié, le rétribue directement, verse ses cotisations sociales et le soumette à des directives précises quant au travail. Lorsque la mesure prend la forme de directives données par l'employeur, le détachement est, selon un arrêt de la Cour de cassation n°390 du 3 mai 1982, considéré comme rupture s'il apporte une modification substantielle au contrat de travail. Le salarié «détaché» qui, après avoir passé plusieurs années au service de l'entreprise d'accueil durant lesquelles celle-ci assurait le versement de ses salaires et ses cotisations sociales, se voit notifier la fin de son détachement et sa réintégration à son entreprise d'origine, est considéré comme licencié, le détachement étant, en fait, un transfert définitif. – Le transfert Il y a transfert lorsque deux entreprises (généralement appartenant au même groupe) se mettent d'accord sur le passage d'un salarié (avec l'accord de celui-ci) de l'une à l'autre. Il y a donc rupture définitive du contrat initial et conclusion d'un nouveau contrat. Une telle opération entraîne la liquidation des droits du salarié (salaires dus, primes, congés, indemnités diverses…). Le salarié ne peut faire valoir, vis-à-vis de son nouvel employeur, l'ancienneté acquise dans l'entreprise précédente, sauf si l'accord de transfert le prévoit. Il en va de même pour les autres avantages. – La mutation La jurisprudence ne paraît pas faire de différence entre le transfert et la mutation d'un salarié dès lors que les conséquences sont les mêmes. Il y a toutefois lieu de noter que la mutation est une pratique réservée aux filiales et sociétés d'un même groupe unies par des liens juridiques ou économiques, lesquels confèrent au salarié le droit de s'adresser indifféremment aussi bien aux filiales ou sociétés auprès desquelles il a été muté qu'à la société mère, bien que celle-ci ne l'ait jamais employé, pour réclamer ses salaires ou ses indemnités en cas de licenciement. Les sociétés entre lesquelles a eu lieu la mutation sont considérées, par la jurisprudence, des employeurs ou au moins débiteurs, la responsabilité de la société mère est retenue du fait de sa gestion de l'ensemble du groupe et de ses pouvoirs et initiatives des licenciements et mutations.