L'injonction faite dernièrement aux détenteurs d'agréments de se constituer en société a pris de court une partie des transporteurs. La décision s'appuie pourtant sur les recommandations du colloque sur la réforme et sur la feuille de route qui en a découlé. Le ministre de l'équipement et du transport vient de jeter un nouveau pavé dans la mare ! Dans un communiqué diffusé le 4 avril, il somme «les personnes physiques détentrices d'agréments de transport public de voyageurs par autocar de créer des sociétés et de mettre les agréments au nom des entreprises constituées». Ajoutant que «pour la reprise des agréments de transport, suspendus depuis plus de trois ans, la personne ou les personnes détenant ce genre de titres devront prendre les dispositions nécessaires pour constituer une société avant la fin de l'année 2013». Cette décision qui est légitime aux yeux du ministre, car s'appuyant sur les recommandations du colloque national sur la réforme du transport de voyageurs, organisé le 31 janvier dernier à Rabat, et sur la feuille de route issue de la réunion avec les instances représentatives des transporteurs, tenue le 11 mars, ne l'est pas aux yeux certaines d'entre elles qui ont pourtant participé à cette réunion et adhéré à cette feuille de route. Laquelle feuille avait été déclinée en une vingtaine de points regroupés en 5 axes qui constituent l'ossature de la réforme projetée. La création de sociétés pour exploiter les agréments constitue en fait le 1er point du 1er axe de la réforme consacrée aux réaménagements dans le cadre de la réglementation en vigueur. Après la publication de la liste des détenteurs d'agréments de transport, le ministre, fidèle à sa politique des petits pas, après des discussions avec tous les protagonistes, tente par cette décision de résoudre ce problème fort complexe des agréments de transport. Et à en croire certains observateurs, la conjoncture lui est favorable dans la mesure où toutes les sociétés organisées, regroupées au sein de la fédération du transport affiliée à la CGEM et présidée par Abdellilah Hifdi, sont favorables à la mise en œuvre d'une réforme, même si certains de ses membres se disent surpris par la rapidité de la décision et de sa prise de manière unilatérale sans étudier dans le détail toutes ses implications. Le ministère sera renforcé dans ses positions d'autant qu'environ soixante transporteurs membres de la Fédération nationale des syndicats des transporteurs au Maroc (FNSTM), farouche opposante à la réforme, viennent de rejoindre Haj Mohamed Khaloufi, dit Ould Abbas, qui a fait scission pour créer une nouvelle fédération dont l'assemblée générale constitutive a eu lieu lundi 1er avril. Cette nouveau-née s'est empressée de rejoindre la fédération du transport de la CGEM, ce qui devrait donner à cette dernière plus de crédibilité. En face, on trouve, outre la FNSTM, présidée par Abdellah Bouzid, la Fédération nationale de transport de personnes de Haj Mohamed Aboulfaraj, qui ont toutes deux écrit au ministre pour protester contre cette décision, affirme Abderrazak Dehbi, membre actif de la première fédération. Les personnes physiques exploitant des agréments représentent 83% des opérateurs et 50% de la capacité Maintenant, cette invitation aux détenteurs d'agréments à se constituer en société n'ira pas sans difficultés, même si tous les transporteurs finissent par avaler la pilule, pour plusieurs raisons. Les personnes physiques exploitant des agréments représentent 83% des opérateurs et 50% de la capacité. Et parmi ces agréments, 30% sont exploités par leurs propriétaires qui les ont obtenus des pouvoirs publics ou achetés à des tiers et 70% sont exploités en location auprès de leurs propriétaires, un procédé qui n'a pas de cadre légal mais qui, à force d'être toléré, a fini par dominer le système d'exploitation en cours. Il faut aussi faire la distinction entre les agréments obtenus avant 1965 (régis par le dahir de 1963) et ceux obtenus après 1965 et qui sont concernés par le renouvellement tous les 7 ans. Selon une source au comité de pilotage de cette réforme, le ministre à clairement signifié que ses services ne renouvelleraient les agréments qui arriveront à terme qu'à la condition que leurs détenteurs aient constitué des sociétés. C'est là une manière de mettre fin au système de rente. Enfin, le délai fixé au 31 décembre 2013 pour les détenteurs d'agréments non exploités depuis plus trois ans, soit 24% des agréments, pour constituer des sociétés, vise avant tout à réhabiliter le transport sur des courtes distances au niveau des régions puisqu'il s'agit essentiellement de petites lignes non exploitées. Affaire à suivre.