Les transporteurs ne s'accrochent plus à l'agrément. Des arrière-pensées politiques sont aussi à l'origine de la grève. Certaines dispositions du cahier des charges pour le transport VIP seront revues dans les plus brefs délais. C'est encore une fois la confusion totale dans le secteur du transport depuis le déclenchement, le 30 novembre, d'une grève de 48 heures par une partie des transporteurs de voyageurs, prolongée depuis à 72 heures. Plus précisément, l'appel à cette grève était à l'initiative conjointe de la Fédération nationale des syndicats des transporteurs routiers au Maroc (FNSTRM) et de la Fédération nationale du transport routier de voyageurs (FNTR), avec des revendications, le moins que l'on puisse dire, très à côté de la plaque. En effet, au moment où cette réforme de transport de voyageurs est enfin, même si difficilement, enclenchée, ces deux fédérations provoquent une grève avec des revendications que le bon sens ne saurait accepter, comme on peut le lire dans le communiqué qu'ils ont diffusé pour justifier leur action. Au moment où nous mettions sous presse (mercredi), la grève a certes été arrêtée, à l'issue des discussions qui ont eu lieu toute la journée du lundi 3 décembre entre le ministre et les transporteurs à l'issue de laquelle un consensus a été arrêté avec les représentants de ces professionnels. Mais la situation n'est pas encore totalement débloquée. Ces transporteurs exprimaient leurs doléances en quatre points. Primo, ils refusaient catégoriquement tous les cahiers des charges imposés par le ministère de tutelle, c'est-à-dire, en clair, ils voulaient garder les choses en l'état et ne pas réformer le système des agréments. Sur cette question, ils affirment désormais qu'«ils ont convenu, à l'issue d'une réunion élargie et responsable, d'adhérer à la démarche de la réforme dans le cadre d'une approche qui garantit la transparence, l'égalité des chances et la compétitivité». Une commission mixte a ainsi été formée pour travailler sur la confection du cahier des charges qui devrait donc, à terme, remplacer les agréments. Ce qui satisfait la seconde revendication de ces transporteurs qui demandaient à être associés à la réforme du transport de voyageurs. Sur la troisième revendication qui consistait en l'annulation de la décision de retrait de l'agrément de l'autocar qui a provoqué l'accident de Tichka et qui s'est soldé par des dizaines de morts, il n'y a pas eu de discussion, et l'on suppose que la raison a prévalu en fin de compte pour ne pas remettre sur la table cette revendication. Enfin, sur leur refus de la limitation de l'âge des autocars à 15 ans, une solution devrait être trouvée dans le cadre de cette commission mixte qui doit se réunir chaque semaine pour travailler sur ces chantiers. Le refus de la limitation de l'âge des véhicules témoigne du reste de l'idée que les professionnels ont sur la sécurité routière. Cette commission doit aussi travailler pour apporter des modifications au cahier des charges sur le transport VIP qui a été l'objet d'un appel à manifestation d'intérêt le 29 novembre dernier. Sur ce point, le ministre a accepté de tempérer et de revoir avec les transporteurs certaines dispositions de ce cahier des charges. Aziz Rabbah aura besoin de la solidarité gouvernementale Notons qu'à ces deux fédérations s'est jointe une alliance des transporteurs parrainée par l'Union générale des travailleurs marocains (UGTM), sortie de l'on sait d'où pour politiser le problème, sachant que ce syndicat a beaucoup d'adhérents parmi les grands taxis interurbains. Là encore, une commission mixte a été formée pour revoir le cahier des charges relatif au transport mixte qui concerne les grands taxis et d'y ajouter une annexe pour clarifier ses dispositions. Le ministre de l'équipement et du transport, Aziz Rabbah, est resté finalement intraitable sur le fond face à cette grève, réaffirmant que le processus de réforme du transport de voyageurs par route est «irréversible». Il a néanmoins franchi un pas de plus dans la concertation en associant de manière plus effective les transporteurs à la préparation de cette réforme. Rappelons que les grandes lignes de cette réforme avaient déjà été dessinées par le précédent gouvernement qui en a reporté la mise en œuvre sous la pression de certains lobbies. Cette réforme dont on perçoit déjà quelques traits devrait aboutir sur la signature d'un contrat programme entre le ministère et les professionnels. L'activité proprement dite sera régie par une loi dont le projet sera remis aux transporteurs dès le mois de janvier 2013 et par la création d'une Agence nationale du transport. L'agrément de transport sera remplacé, sur la base d'appels d'offres, par un cahier des charges en cours d'élaboration accompagné d'un contrat modèle entre les transporteurs et les employés du secteur. C'est par là que doit passer cette réforme qui revêt un double objectif : lutter contre l'informel et l'insécurité routière. La tâche n'est pas aisée, car elle va bousculer au passage une partie des transporteurs qui semble dépassée. Pour faire passer ses réformes, Aziz Rabbah aura besoin d'une solidarité gouvernementale infaillible. Ce qui n'est pas acquis d'avance vu l'appartenance politique de l'organisation syndicale qui a rejoint le mouvement de grève.