Le transport des voyageurs risque d'être, encore une fois, pris en otage. La confrontation des deux fédérations du secteur rend difficile toute entente. Le traitement du dossier par Karim Ghellab contraste avec sa volonté affichée visant la réforme globale du secteur. C'est en ce jeudi 23 juin, dans l'après-midi, que les membres de la Fédération nationale des syndicats des Transporteurs routiers du Maroc (FNSTRM) se prononceront sur la suite à donner au préavis de grève générale, annoncée pour les 26, 27 et 28 juin. Dans le prolongement de la grève, paralysant entièrement le Maroc les 6 et 7 juin, la fédération entend dicter sa loi. «Tout ce que nous avons pu obtenir jusqu'à présent ne pouvait l'être si nous n'avions pas haussé le ton. C'est grâce à la grève décrétée les 5 et 6 mai dernier, dont le taux de participation se situait entre 98 et 100% dans plusieurs villes, que notre fédération a pu entendre sa voix. À travers cette grève, nous avons démontré que notre fédération est l'interlocuteur le plus crédible du secteur du transport des voyageurs », déclare Azzedine Berrada, président de la FNSTRM. Pour leur part, les membres de la Fédération nationale du Transport des voyageurs au Maroc ont souligné leur choix d'entrer dans une logique de réformes sans recourir à la grève, précisant que le secteur des transports connaît beaucoup de difficultés pouvant être résolues progressivement par le dialogue. Ces déclarations divergentes renseignent largement sur le rapport de force instauré mais aussi sur la rivalité qui sévit dans le secteur. En effet, elles sont deux fédérations, dont les positions sont diamétralement opposées, qui se font face : la Fédération nationale des syndicats des transporteurs routiers du Maroc et la Fédération nationale du transport routier des voyageurs au Maroc. Chacune fait valoir son taux de représentativité (70% des opérateurs du secteur). En face, le ministre de l'Equipement et des Transports, Karim Ghellab, cherche à ménager la chèvre et le chou. Il a tenu, mardi 21 juin à Rabat, séparément, sans que les deux rivales ne soient au courant, des réunions de travail. Selon le communiqué du ministère, les réunions avec les deux fédérations ont débuté dès le mois d'avril. Au total, onze réunions ont eu lieu avec les représentants du secteur pour faire le point sur les progrès enregistrés à divers niveaux et analyser les problèmes posés. D'après le texte du communiqué, « parmi les problèmes qui sont pratiquement résolus, figurent les situations de mise en fourrière aux niveaux des gares routières dans le cadre des missions de contrôle effectuées par les services compétents, soulignant qu'il a été convenu que le principe de la mise en fourrière soit adossé aux lois existantes, à savoir le Dahir de 1963 et le Dahir de 1353». En outre, plusieurs réunions tenues à propos des mises en fourrières des cars impliqués dans la contrebande ont abouti à un accord entre la Douane et les Fédérations de transport, a indiqué le ministère. «Nous nous sommes engagés à faire une lecture stricte des textes de loi, loin de toute interprétation arbitraire », précisent ses services. Quant à la qualité de service dans les gares routières, les transporteurs seront associés à la mise à niveau de ces gares routières. Une Commission mixte est chargée d'engager un dialogue après l'élaboration d'une conception préliminaire en étroite coordination avec les propriétaires des sociétés du transport routier dans l'objectif de recueillir leurs propositions. Concernant la fiscalité locale, les parties concernées ont convenu d'organiser des réunions avec le ministère de l'Intérieur et la Direction des Impôts, a dit le ministre. «Le ministère de l'Intérieur est en train de réformer le système fiscal local, a ajouté le ministre, appelant les syndicats représentant le secteur à présenter une liste des taxes qu'ils estiment lourdes pour les propriétaires des sociétés du transport routier», ajoute le communiqué. Sur ce point, les avis divergent. «Nous ne sommes pas totalement satisfaits quant à l'issue de la réunion. Sur certains points, comme la mise en fourrière, nous avons obtenu gain de cause auprès du ministre. Sur d'autres, telle la taxe à l'essieu dont nous demandions tout simplement la suppression, cela n'a pas été le cas », estime Azzedine Berrada. Pour sa part, Aabdallah Lahlou, président de la Fédération nationale du transport routier des voyageurs au Maroc se veut plus modéré (Cf entretien). Toutefois, il n'a pas manqué de mettre l'accent sur la nécessité de réviser les prix élevés du gasoil et le montant de la TVA afin d'éviter leur répercussion sur les billets. D'aucuns s'accordent à dire que le traitement réservé par Karim Ghellab, contraste avec sa volonté affichée visant l'élaboration d'un ordre du jour en vue d'une réforme globale du secteur du transport routier. En réponse à une question d'actualité à la Chambre des conseillers sur la grève des propriétaires des sociétés de transport routier des voyageurs, le ministre a souligné que son département dispose actuellement de données précises permettant d'introduire des réformes dans ce secteur. Le ministère a élaboré une étude sur le nombre des licences, le chiffre d'affaires des autocars et leur répartition à travers le territoire national. Reste à espérer que la mise en application serait effective… à moins que le lobby de la filière ne bloque, encore une fois, toute action constructive !