Le nouveau décret dans le circuit d'adoption est élargi aux collectivités locales et établissements publics. Les offres financières des entreprises étrangères seront majorées de 15% pour favoriser les locaux. Si l'attributaire est une société étrangère, le maître d'ouvrage pourra l'obliger à sous-traiter chez les PME locales. L'énorme chantier de réforme de la réglementation sur la passation des marchés publics est en passe d'aboutir. Après plus de deux ans de maturation, le projet de décret sera bientôt introduit dans le circuit d'approbation. C'est une étape majeure qui devrait ainsi être franchie sur le chemin de la bonne gestion des deniers publics, de la transparence et de l'égalité d'accès à la commande de l'Etat. Le texte qui sera soumis bientôt au conseil de gouvernement, selon des sources au ministère des finances -le projet ayant été piloté par la Trésorerie générale du Royaume- ne fait pas que réformer le décret de 2007 réglementant les marchés de l'Etat. Il introduit quasiment une nouvelle réglementation qui encadre désormais non plus seulement les marchés de l'administration centrale, comme c'est le cas actuellement, mais aussi ceux des collectivités locales et des établissements publics à caractère administratif. Pour renforcer le jeu de la concurrence, les prestations architecturales ont également été intégrées dans ce nouveau projet. C'est une innovation importante qui consacre l'unicité de la réglementation des marchés publics, comme ne cessaient de le réclamer l'ensemble des intervenants dans la commande publique, au premier rang desquels on trouve la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBT) qui a activement participé à ce projet de réforme. Les maîtres d'ouvrage peuvent saucissonner les marchés pour les rendre plus accessibles Outre donc l'élargissement de son champ d'application, le projet introduit plusieurs autres nouveautés, parmi lesquelles citons d'abord celle-ci : la possibilité donnée aux PME-PMI d'accéder, elles aussi, aux marchés publics (articles 9 et 158, notamment). Le texte réserve en effet 20% des crédits ouverts à l'occasion de chaque exercice budgétaire à cette catégorie d'entreprises. C'est une manière à la fois de réparer une injustice longtemps maintenue à l'égard de celles-ci, et de donner les moyens de son développement à ce qui constitue l'essentiel du tissu productif national. Le projet va même plus loin dans ce sens : d'une part, il encourage le maître d'ouvrage à «saucissonner» son marché lorsque celui-ci est de nature à permettre à la PME-PMI d'accéder à la commande publique, et, d'autre part, il lui donne la possibilité de prévoir dans le règlement de consultation que lorsque l'attributaire du marché est une société étrangère, celle-ci est tenue de choisir comme sous-traitantes des PME nationales. Il y a là la consécration du rôle de la PME-PMI dans le tissu économique national, et celui de la «préférence nationale» que les opérateurs revendiquent depuis fort longtemps. L'article 155 traite d'ailleurs, explicitement, de la préférence nationale en stipulant qu'une fois la liste des concurrents admissibles arrêtée, les montants des offres présentées par les sociétés étrangères seront majorés de 15% dans le cadre de l'examen de l'offre financière. Et même lorsque ces concurrents admissibles sont des groupements constitués d'entreprises nationales et étrangères, la majoration de 15% est appliquée à la part de l'entreprise étrangère dans le montant de l'offre dudit groupement. Enfin, pour la promotion de l'emploi local (article 141), le projet prévoit que pour les marchés de travaux et de services (mais pas ceux des études), le maître d'ouvrage peut prévoir que le titulaire du marché est tenu de recourir à l'emploi de la main- d'œuvre locale dans la limite de 10% de l'effectif requis pour la réalisation du marché. Outre ces mesures en faveur des entreprises marocaines, notamment celles de petite taille, le nouveau décret apporte aussi des mesures de simplification qui concernent tous les intervenants dans la commande publique. Tout le monde le sait, les entreprises sont aujourd'hui confrontées à des difficultés pour accéder aux marchés de l'Etat, notamment en raison du caractère inutilement répétitif de certains documents à fournir pour soumissionner, ce qui finit souvent par lasser et même provoquer des situations d'impossibilité de constituer son dossier dans les temps requis. D'autant que certaines administrations auprès desquelles l'on sollicite la délivrance de ces documents ne tiennent pas toujours à jour leurs archives, selon le témoignage de nombreux opérateurs. Les marchés de travaux seront conclus à prix révisables Pour alléger un tant soit peu ce fardeau, le projet prévoit que l'attestation fiscale, l'attestation de la sécurité sociale et l'inscription au registre de commerce, soit les trois documents principaux du dossier de soumission qui posent parfois problème pour leur obtention, ne seront exigés désormais que pour le soumissionnaire auquel le maître d'ouvrage envisage d'attribuer le marché. Aujourd'hui, il faut le savoir, cette «paperasse» est exigée dès le départ. Autrement dit, un prétendant à un marché public peut perdre son temps à courir après ces documents et se voir, enfin, éliminé de la compétition ! Une autre disposition qui intéresse les entreprises, c'est la révision des prix. Le texte (articles 11 et 12) prévoit que, sauf pour les marchés de fourniture et de services qui sont passés à prix fermes, la révision des prix est la règle pour tous les marchés de travaux, nonobstant leurs montants et leurs délais de réalisation. Et ceci afin de faire face aux variations économiques (fluctuations des prix des matières premières, révision des salaires…) qui peuvent survenir en cours d'exécution de la prestation. Les marchés de travaux seront donc conclus à prix révisables. Les marchés d'études, dont le délai d'exécution est égal ou supérieur à quatre mois, font également partie des marchés dits à prix révisables. Au chapitre de la transparence et de la bonne gestion des deniers publics, le texte y consacre de nombreuses dispositions, et il serait fastidieux de les énumérer toutes. Signalons néanmoins quelques-unes. Comme celle-ci par exemple : lorsqu'un appel d'offres est déclaré infructueux pour absence d'offres (article 42), le recours à la procédure négociée n'est désormais possible qu'après un deuxième appel d'offres toujours infructueux. Ceci constitue tout de même une garantie contre la tentation de profiter d'une absence d'offres (qui peut résulter d'une insuffisance de communication… volontaire) pour «refiler» le marché à des amis ou des connaissances. L'annulation d'un appel d'offres, qui peut intervenir dans certaines situations expressément prévues (article 45), est également strictement réglementée dans le projet : le maître d'ouvrage, outre qu'il est tenu de motiver cette annulation et en informer les concurrents par écrit, ne peut en aucun cas saisir cette occasion pour recourir à la procédure négociée. Last but not least, les recours en cas de contestation ont été améliorés. Un concurrent non satisfait peut non seulement saisir le ministre concerné, le directeur de l'établissement, ou le maître d'ouvrage en général, mais aussi, directement, la commission des marchés. Et celle-ci est tenue de répondre dans un délai ne dépassant pas trente jours. Mais, bémol, les réponses de la commission des marchés sont des avis, ils n'ont donc pas un caractère contraignant pour le maître d'ouvrage. Toutefois, le concurrent plaignant peut toujours saisir les tribunaux administratifs auprès desquels il a la possibilité d'intenter un recours en annulation pour excès de pouvoir s'il s'estime lésé par les décisions prises par les autorités administratives… Finalement, même s'il reste perfectible, ce projet de décret sur les marchés publics sera, on le gage, favorablement accueilli par les opérateurs.