La loi fait obligation à tout nouvel entrant d'investir lourdement et de distribuer sur tout le territoire national. Une mesure jugée discriminatoire par le Conseil de la concurrence. Dans son rapport sur la concurrence dans le secteur des tabacs manufacturés, le Conseil de la concurrence s'est également penché sur les conditions d'accès au marché de la distribution en gros des cigarettes. Le constat est, là encore, sans appel. Entrave à la libre-concurrence. Selon la loi, l'accès au marché de la distribution en gros est soumis à un système d'autorisation préalable du ministère des finances, obligeant le requérant à disposer d'un contrat avec un fabricant, produisant une quantité minimale annuelle d'un milliard de cigarettes ; à souscrire un engagement de conclure des contrats d'approvisionnement avec au moins dix débitants de tabacs autorisés par province ou préfecture ; à disposer d'au moins un centre de distribution principal dans le chef-lieu d'une région et d'un entrepôt dans chacune des autres régions du pays ; à assurer aux débitants qui lui sont liés par contrat un approvisionnement tous les quinze jours et à disposer d'au moins 40 véhicules dédiés à l'activité de transport pour approvisionner le réseau. De telles exigences sont justifiées selon le ministère des finances par le souci de l'Etat d'assurer un approvisionnement régulier de tout le territoire national, surtout que la consommation du tabac présente un effet d'addiction. Mais le Conseil de la concurrence, lui, y voit plusieurs dysfonctionnements concurrentiels. Ainsi, les nouveaux entrants auront, par exemple, des difficultés de remplir l'obligation de conclure des contrats avec dix débitants par province dans certains lieux comme Tarfaya, Aousserd ou Assa-Zag où le nombre minimal de détaillants n'existe pas. Et quand bien même ce serait le cas, comment signer des contrats avec ces derniers en l'absence de possibilités de présenter un échantillon du produit à commercialiser ? De fait, l'obligation de constituer un réseau de distribution sur tout le territoire constitue une barrière restrictive à la concurrence. En effet, l'exigence des 10 contrats par province, soit au total 840 débitants sous contrat d'emblée, combinée à la nécessité d'avoir 40 camions et 16 entrepôts induit un investissement financier que les structures de petite et moyenne taille ne peuvent supporter au démarrage de leur activité, juge le conseil. Ce dernier estime plutôt que dans un schéma de liberté commerciale, il aurait été plus logique et économiquement opportun de permettre aux nouveaux entrants de s'introduire progressivement sur le marché en choisissant librement les zones où ils veulent commercialiser leurs produits en fonction, à la fois du segment auquel appartiennent les cigarettes en question, et aussi des moyens logistiques dont ils disposent. Car, justifie le conseil, les cigarettes sont loin d'être considérées comme des produits de consommation de base pour que la réglementation exige des opérateurs qu'ils distribuent sur tout le territoire national. Enfin, le conseil fait le lien entre l'existence du prix minimum et les conditions d'accès au marché. Selon lui, la fixation d'un seuil de prix ampute déjà les nouveaux entrants d'une position concurrentielle potentielle sur 82% des 15,07 milliards de cigarettes vendues sur le marché. En plus de cet handicap, il leur est demandé d'investir lourdement et d'approvisionner des régions, dont certaines ont un très faible pouvoir d'achat, avec des cigarettes forcément vendues à plus de 27,13 DH, qui risquent de ne pas trouver preneur et le distributeur en gros l'obligation légale de faire sa tournée tous les 15 jours.