Il compte sur l'expérience technocratique et les relations de Mustapha Bakkoury pour redorer son image. L'aile des gauchistes reprend le dessus, les «gauchisants» représentent 70% des 450 membres du conseil national. Dans moins de deux semaines, le PAM aura élu son bureau politique et mis en place ses structures centrales. Les commissions seront constituées (la loi sur les partis politiques parle d'au moins cinq commissions) et les adjoints du secrétaire général et les vice-présidents du conseil national ainsi que les «chargés de missions» auront été nommés. Le PAM sera devenu un parti comme les autres. C'est du moins ce sur quoi insiste sa nouvelle direction : prendre un nouveau départ. Dans son discours d'adieu, prononcé à l'ouverture du congrès extraordinaire (les 17, 18 et 19 février), l'ancien secrétaire général Mohamed Cheikh Biadillah a appelé à «enterrer le passé». Son successeur, Mustapha Bakkoury, élu secrétaire général à l'écrasante majorité de 352 voix contre 29 pour son rival (Samir Goudar), souhaite «tourner la page». Le PAM a tenu, pour commencer, à normaliser ses rapports avec les autres composantes de l'échiquier politique. C'est que trois années de batailles ouvertes sur tous les fronts ont mis à mal son capital sympathie. Premier signe de changement : la nature et la qualité des invités qui ont assisté à l'ouverture de son congrès. L'USFP et le PPS, hier encore parmi les détracteurs du «nouvel arrivant malvenu», ont veillé à marquer leur présence. Abdelwahed Radi, premier secrétaire de l'USFP ; Mohamed Elyazghi, son prédécesseur ; Ahmed Zaïdi, le président du groupe parlementaire et Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS, notamment, ont tenu à faire le déplacement à Bouznika cet après-midi du 17 février pour la cérémonie d'ouverture du congrès extraordinaire du parti. Abdallah Baha, le fidèle compagnon du secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, a représenté ce dernier à la grand-messe du PAM, signe que les deux formations ont décidé d'enterrer (définitivement ?) la hache de guerre. Rappelons-nous, ni l'USFP ni le PJD n'avaient été conviés à assister à l'ouverture du premier congrès du parti en février 2009. Cette fois, seul l'Istiqlal s'est abstenu à se faire représenter. Certaines sources du PAM considèrent cette attitude comme prévisible, voire souhaitée, après que le président du comité préparatoire du parti, Ilyas El Omari, a porté, par voie de presse, des accusations graves contre la direction historique du parti quelques jours avant l'ouverture du congrès. A gauche, mais sans vraiment le reconnaître En somme, normalisation, oui. Mais, paraît-il, pas avec tout le monde. Et l'Istiqlal le lui rend bien. Cela d'autant que ce n'est pas la seule raison qui explique la présence en masse des représentants des partis de la gauche au congrès. Et ils ne sont pas les seuls d'ailleurs puisque la branche européenne et, dans une moindre mesure, celle latino-américaine de l'Internationale socialiste étaient fortement représentées. Cela nous donne déjà une idée sur les futures alliances du PAM. Un tandem USFP-PAM au niveau du Parlement n'est, en ce sens, pas à exclure. «Ce n'est pas aussi simple que cela. La présence remarquée des deux partis de la gauche (USFP et PPS) est signe de l'apaisement de la scène politique, mais pas forcément une annonce d'une future alliance. Cela d'autant que ces partis, ou plutôt l'USFP le premier concerné, n'a pas encore tenu son congrès et décidé avec qui il envisagerait de s'allier», tempère un cadre du PAM qui a requis l'anonymat. Bref, cette forte présence des partis de la gauche au congrès du PAM est surtout une confirmation, s'il en est encore besoin, de la nouvelle identité politique de gauche pour laquelle le parti a résolument opté depuis ce congrès extraordinaire. La feuille portant une nouvelle orientation du parti a été, en effet, adoptée sans difficulté. «Nous avons opté pour une social-démocratie ouverte, c'est notre conviction. Libre à chacun de nous cataloguer de parti de gauche ou de socialistes si cela lui sied», affirme Mustapha Merizak, membre du comité préparatoire du congrès et secrétaire régional de la région Meknès-Tafilalet. Cette nouvelle orientation s'est exprimée en premier dans les instances mêmes du parti. «Plus de 70% de membres du conseil national issus du congrès sont nouveaux et se réclament tous de l'aile progressiste et moderniste du parti», confie la même source. Le PAM ne perd pas pour autant son pouvoir d'attraction La dominance de la sensibilité de la gauche explique également l'élection de Hakim Benchemmass, secrétaire général adjoint sortant et président du groupe parlementaire du PAM à la deuxième Chambre, à l'unanimité des 450 membres du conseil national au poste du président du même conseil national. La démocratie interne aura ainsi fait des ravages au sein du clan «adverse». Le courant des notables, ou encore l'aile des conservateurs et le clan des parlementaires selon les différentes appellations, est devenu minoritaire. Il ne se laisse pas, pour autant, vaincre : «Le nouveau PAM ne sera ni de gauche ni de droite. Ce sera un parti de social-démocratie, sans plus», affirme-t-on dans ce clan. Une chose est sûre, le parti s'est entre-temps défait de ses «militants» encombrants. «Le PAM ne les a pas renvoyés. Nous ne sommes pas un gendarme de valeur et de déontologie», affirme Mustapha Merizak. Mais reconnaît-il, «ceux qui sont venus pour une personne, Fouad Ali El Himma en l'occurrence, pour des intérêts personnels, ceux qui ont découvert une dynamique, des conditions de travail et une atmosphère contraires à ce pour quoi ils sont venus au parti ont vite fait de le quitter». Il faut préciser toutefois que nombreux, parmi ces «indésirables», ont été poussés à la porte, soit en les excluant par mesures disciplinaires ou en leur refusant l'accréditation lors des dernières élections du 25 novembre ou encore, tout récemment, en se voyant exclus, par le biais de la démocratie interne, des travaux du congrès. Et contrairement à ce l'on craignait, ce dégraissage ne semble en rien avoir entamé les bases du parti. On s'attendait, en effet, à ce que le PAM soit affaibli par des critiques ouvertes, allant même jusque l'appel à sa dissolution, dont il fait l'objet depuis le début de l'année dernière, ou après la démission, au lendemain des élections de novembre dernier, de son fondateur, ou encore après avoir misé sur les nouvelles élites lors des même élections -80% de ses élus sont nouveaux-et opté pour l'opposition après. «Il est vrai que nous avions cette appréhension, c'est d'ailleurs pour cela que nous avions tablé sur 2 600 à 3 000 congressistes. Nous avons finalement tenu le congrès avec plus de 4 000 personnes. Cela sachant qu'un quota strict a été fixé pour chaque région et que la désignation des congressistes a été faite par vote selon les règles de la démocratie et la transparence», affirme ce membre du comité préparatoire du congrès. Ce qui veut dire que plus d'un millier de militants supplémentaires ont pu assister au congrès, mais en tant qu'observateurs. C'est donc un changement radical. Pour le PAM, il y a, en effet, un avant et un après 19 février. «Avant, nous étions en quête d'identité politique, de stabilité organisationnelle et interne. Avant, le PAM ne connaissait pas encore son poids politique, il donnait l'image d'une formation divisée. Avant, nos décisions étaient prises par consensus», explique Mustapha Merizak. Bientôt le premier test : la question des alliances Le nouveau PAM a franchi de nombreuses étapes dans la démocratie interne. Le congrès l'a prouvé et la désignation dans moins de deux semaines des 23 membres du bureau politique devrait consacrer ce choix. «Pour le moment, deux options ont été évoquées, soit l'élection du bureau par liste et cela ferait tomber le parti dans la logique du consensus ou par scrutin individuel, ce qui pose le risque de voir écartées de cette instance des personnalités qui n'ont pas d'assise populaire», explique notre source. Il faut dire que le PAM a désormais opté pour la légitimité de la démocratie interne et, à en croire ses militants, il n'est plus question de retourner en arrière. C'est un atout. Son second atout pour l'étape suivante de sa renaissance est son nouveau secrétaire général. «La nomination d'un éminent gestionnaire à la tête du parti est un message à tous les partis politiques : l'ère des élites politiques classiques est révolue», affirme ce membre du comité préparatoire du parti. Ce que l'on reproche justement au parti c'est d'avoir choisi une personnalité, certes membre fondateur du MTD, la matrice du PAM, mais qui, jusqu'à son élection comme congressiste le 7 février à Rabat, puis au poste de secrétaire général, n'entretenait pas de liens organiques avec le parti. «C'est un reproche non fondé, il n'y a qu'à voir ce qui se passe ailleurs. José-Luis Zapatero, par exemple, quand il a été désigné à la tête du PSOE espagnol, il n'était pas non plus un militant organique. Et la suite, on la connaît», argue ce militant PAMiste. En définitive, le PAM compte sur les talents, l'entregent et le portefeuille relationnel étoffé de son nouveau secrétaire général pour chercher un nouvel élan. «Le nouveau secrétaire général veut passer aux actes et aux réalisations», explique ce jeune cadre du parti. C'est que le néo-PAM a repris comme défi celui qu'il s'était déjà fixé depuis sa création : réhabiliter le politique et redonner confiance au citoyen dans les partis et l'action politique en général. En attendant, il s'agira de savoir comment le parti, avec sa nouvelle direction, va gérer ses alliances aussi bien au sein des institutions élues que lors des prochaines élections locales. Là encore, il faudra attendre pour voir comment un chef de parti qui n'a pas de passif politique, et donc pas de comptes à rendre, va gérer les alliances de son parti. La prochaine session parlementaire d'automne et même, auparavant, la session extraordinaire, prévue pour début mars, nous en donnera un avant-goût. Pour le reste, il faudra attendre les communales qui auront probablement lieu en juin prochain. Des communales qui avaient permis au PAM, en 2009, de devenir la première force politique du pays. Mais c'était en 2009, il y a une éternité… politique.