Le Maroc récupère des commandes initialement destinées à la Chine, l'Egypte et la Tunisie. Les participants au salon «Zoom by Fatex» de Paris sont revenus avec des commandes fermes et urgentes. En dépit d'une reprise incertaine de l'économie mondiale en 2011, le secteur textile national semble renouer avec une croissance régulière, depuis sa sortie du creux, à l'issue du premier trimestre 2010. Après avoir terminé l'année 2010 en stabilisant ses chiffres à 28,5 milliards de DH d'exportations, le secteur commence 2011 sur les chapeaux de roues. La dernière édition du «Zoom by Fatex», salon de la sous-traitance et du textile, qui s'est tenu à Paris du 8 au 10 février, fut quelque peu inhabituelle pour les industriels marocains. Les vingt-neuf entreprises de confection présentes au Salon ont été, raconte un participant, «assaillies par les donneurs d'ordre étrangers qui souhaitent placer, coûte que coûte, leurs commandes». Cette pression des donneurs d'ordre, qui s'étaient quelque peu détournés, depuis 2007, du Maroc au profit de la Chine, s'explique, selon l'Association marocaine des industries du textile et de l'habillement (Amith), par la nouvelle stratégie axée sur le recentrage sur le marché intérieur adoptée par ce pays. A cela s'ajoute un fait conjoncturel. «De nombreux donneurs d'ordre ont annulé des commandes passées en Tunisie et en Egypte et veulent les réaliser au Maroc», raconte le patron d'une entreprise présente au Fatex. Cette même source souligne que des entreprises sont revenues avec des commandes fermes. C'est le cas du Consortium Mosaic qui regroupe quatre entreprises (Interlinge, Cabilux, Dounitex et VetWear) spécialisées dans le prêt-à-porter féminin et la lingerie, corsetterie et maillots de bain. Selon Boubker Idrissi Qaitouni, DG d'Interlinge, membre du Consortium, ces entreprises ont reçu d'importantes commandes à réaliser dans un délai d'un ou deux mois. Abdelmoula Ratib, patron du groupe éponyme, confirme l'afflux des donneurs d'ordre. Il ajoute que «le groupe Ratib qui exporte 70% de sa production vers l'Europe et 30% vers les USA a dû, faute de capacité, refuser des commandes de plusieurs millions de pièces». Pour ce patron et pour bien d'autres industriels, le Maroc est aujourd'hui une alternative sérieuse pour les clients, même si, selon un ancien président de l'Amith, «le retour des grandes enseignes européennes est fébrile et ce transfert d'intérêt vers le Maroc peut changer à tout moment au gré des événements dans les diverses régions du monde». Néanmoins, les industriels sont décidés à mobiliser les moyens pour profiter de l'aubaine. En effet, ils risquent d'être très vite submergés et les pouvoirs publics ont été saisis à ce sujet. Car, au-delà des problèmes de capacité que le secteur a pu, plus ou moins maintenir, en évitant la fermeture d'unités, grâce notamment aux mesures d'urgence initiées par l'Etat en 2009, le plus crucial aujourd'hui est de trouver de la main-d'œuvre qualifiée pour répondre à la demande, «faute de quoi les commandes perdues seront placées ailleurs et un client de perdu est difficile à retrouver», explique un industriel. Il faut rappeler qu'en 2009 et au premier trimestre de 2010, les estimations officielles avaient fait état de la perte de 10 000 emplois dans le secteur du textile-habillement, en raison de la crise en Europe qui avait impacté plusieurs unités, notamment à Rabat et à Fès, beaucoup d'ouvriers ont migré vers le Nord ou se sont orientés vers d'autres activités industrielles comme l'automobile ou encore l'agroalimentaire. Or, cette main-d'œuvre perdue manque cruellement aujourd'hui. Selon les estimations de l'Amith, le secteur a besoin de 20 000 personnes à court terme… Un plan d'urgence pour former 10 000 ouvriers… Avec l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), l'Amith prépare donc la mise en place d'une formation accélérée sur les trois prochains mois pour satisfaire les besoins en main-d'œuvre. D'après une enquête récemment réalisée par l'association, le secteur a un besoin immédiat de 10 000 ouvriers. L'enquête révèle que c'est à Casablanca, Fès et Tanger que le déficit est plus important. Elle a aussi souligné que les besoins portent sur des profils spécifiques notamment des couturières qualifiées, des chefs de chaîne et des chefs d'ateliers. La formation concernera aussi des opérateurs de machine ayant une formation polyvalente. Outre les 10 000 ouvriers à former immédiatement, le plan de l'OFPPT comprend une deuxième fournée de 10 000 personnes à former au cours du deuxième trimestre de l'année 2011. Pour appuyer le plan de l'office, plusieurs entreprises développent également des centres de formation par apprentissage (CFA) permettant la formation sur lieu de travail pour des besoins spécifiques. Ces structures couvrent une population de 30 à 40 apprentis par entreprise qui sont prêts à prendre la relève en cas de départ des ouvriers. Enfin, et parallèlement au plan de formation, l'Amith discute avec les pouvoirs publics la mise en place d'un modèle économique pour régénérer les capacités de production détruites par la crise, explique Mohamed Tazi, directeur délégué de l'Amith. L'extension se fera, poursuit M. Tazi, par des redéploiements de capacités dans de petites villes. C'est l'exemple des industriels de la ville de Fès qui pensent à délocaliser certaines chaînes de production dans les petites villes de la région comme Sefrou, Taounate, Guercif ou encore Taza. Les entreprises s'engagent à alimenter en commandes ces unités délocalisées à créer par leurs soins ou ceux d'anciens responsables dans le cadre de l'essaimage.